Combat de Crest, le 6 juin 1944

Légende :

Au cimetière de Crest, un détachement de la compagnie Pons tente de barrer le passage aux Allemands remontant la vallée de la Drôme. Un poteau électrique couché sur la route et les murs du cimetière constituent des abris bien dérisoires. Après avoir perdu 5 morts et 8 blessés, les rescapés fuient sur l’autre rive de la rivière Drôme où un camion les attend.

Genre : Image

Type : Dessin

Producteur : Réalisation Albert Fié

Source : © Archives privées Albert Fié Droits réservés

Détails techniques :

Gouache sur papier dessin, 15 x 21 cm.

Date document : 2002

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Crest

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Analyse média

Obéissant aux consignes données dans le plan préparatoire et aux messages du 5 juin, des résistants gardant l’entrée de Crest livrent un combat inégal et meurtrier pour empêcher la prise de la ville et freiner la montée des Allemands au Vercors.

Devant l’entrée d’un jardin, face au cimetière de Crest, sur l’autre côté de la route de Valence, André Grimaud vient d’être atteint par une balle qui a ensuite touché la tête d’Albert Fié. Pierre Nys, qui vient de se replier depuis le poteau électrique couché sur la route, porte Grimaud vers un poste de secours.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Archives et témoignage Albert Fié.

Contexte historique

Le 5 juin, le message " La pistache est verte " sur Radio Londres indique aux résistants que le débarquement va avoir lieu et qu’ils doivent passer à l’action. On a beaucoup pédalé cette nuit-là pour faire prévenir les sédentaires.

L'équipe de Pons reçoit le message à 21 h 45. "Alain" met au point les consignes d'action, lui prescrivant de monter au jour "J" une série d'embuscades au-devant de Crest et sur la RN 7 le long du Rhône. Tous les chefs de groupes partent réveiller leurs camarades en ville. D’autres foncent à vélo alerter les maquis du voisinage. À Grâne, Boissier, désemparé par l'arrestation de Pierre Laurent, voit surgir de partout jeunes et adultes armés de fusils, de mitraillettes, de FM (fusils-mitrailleurs). Ne sachant que faire, il décide de rester avec ses amis Descours et Lacroix provisoirement à Grâne et de s'associer au détachement local de la compagnie Pons dans l'attente de consignes précises. Le bureau de poste de Grâne est attaqué. À Crest, 100 litres d'essence sont pris chez M. G., galochier, et 150 litres chez M. R., chef de district à la gare SNCF. Entre Aouste et Piégros-la-Clastre, la voie ferrée est détruite par la compagnie Chapoutat.

6 juin
Suivant les ordres reçus, Crest devait être occupé dès l'aube par les forces de la Résistance. Cette mission incombait à la compagnie Pons.
Dès que ses groupes sont armés, Pons désigne ceux qui doivent procéder aux arrestations de collaborateurs dont la liste est établie depuis longtemps, par catégories : les dangereux, les durs, les encombrants. Il est procédé à des arrestations. Les gendarmes ne savent pas encore quelle attitude prendre et restent dans l'expectative.
Occupation de la ville
Pons donne l'ordre de ceinturer la ville de Crest de postes de garde. Aux entrées, personne ne passe sans autorisation. Plusieurs voitures et camions sont ainsi arrêtés, notamment celle d'avocats qui doivent aller plaider à Die, retenus quelque temps ainsi que de Lassus. Roger Coursange et René Roux arrivent de Valence et apprennent à Pons que rien ne bouge dans le chef-lieu. La ville est occupée : à 5 h, la caserne de gendarmerie est cernée par 20 hommes armés, la poste est occupée, les lignes téléphoniques sont coupées. Toutes les communications avec Crest sont interrompues.
Dans la matinée, les voies de circulation sont coupées entre Die et Valence. Le tunnel de chemin de fer de Saillans, dynamité, saute au cours de la matinée, la route est barrée.
Le combat du cimetière
À l'entrée de Crest a été posé un panneau indiquant crânement : "Ici commence la terre de la liberté, la République est proclamée sur la commune de Crest".
À 14 h 30, des camions allemands chargés de troupes venant de Valence se présentent à l'entrée de la ville, au poste tenu par Nys, sur la RN 93. Une trentaine de jeunes de la compagnie Pons attendent derrière les abris dérisoires d’un poteau électrique couché sur la route, de quelques tas de pierres et de terre, et des murs et pierres tombales du cimetière ou du mur d’un jardin, de l’autre côté de la route. Nys tire un coup de fusil, la riposte est rapide. Les balles sifflent. Des autocanons allemands arrivent ensuite, il s'ensuit un engagement violent. Les Allemands, renseignés par leur avion mouchard, contournent petit à petit les résistants.
Pendant les combats, les dames de la Croix-Rouge de Crest viennent se mettre à disposition des maquisards : Pons leur demande de se retirer au centre-ville, dans un café où les docteurs Scheffer et Thiers soignent les blessés. Pendant ce combat, vers 17 h, le maquis Pierre (Chalan-Belval) cantonné à Vaunaveys, alerté par les coups de feu, s’avance vers la sortie ouest de Crest. Il arrive vers 19 h au-dessus de la route et tire avec deux FM et un mortier sur la colonne de camions et d’automitrailleuses. La réaction rapide et vigoureuse des Allemands force ces hommes, dont aucun n’est blessé, à se replier sous le feu des canons de 37. Peu après, ils gagneront Gigors où, selon l'ordre de De Lassus, se regroupent les maquis de sédentaires.
Les hommes de Pons sont pris sous les tirs ennemis dans une lutte très inégale. À 18 h 30, Pons donne l'ordre du repli. La Drôme est franchie par ses derniers éléments à 19 h 30. Sur l’autre rive, des camions évacuent les résistants vers La Roche-sur-Grâne, puis Eyzahut. Cinq résistants ont été tués : Daumas Albert, 30 ans, distillateur à Crest, Brun Pierre, 41 ans, négociant à Crest, Mège Paul, 38 ans, Arnaud Paulin, 48 ans, cultivateur à Crest, Leclère Charles. Huit ont été blessés.
Cependant, l’effet psychologique sur l’ennemi a été important. Pour la première fois, des forces de la Résistance apparemment organisées avaient tenté d’empêcher l’avance d’une colonne allemande. Les nazis vont se montrer très prudents et attentifs dans la suite de leur remontée de la vallée de la Drôme.


Auteurs : Albert Fié et Robert Serre
Sources : AN B.C.R.A. 3AG2/478. AN F/1cIII/1152. ADD, 97 J 91, 97 J 27. ADR, 182 W 9. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Paul Pons, De la Résistance à la Libération. Lucien Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards. Pour l'Amour de la France. Challan-Belval. Mémoires Alain (T2). Témoignage du pasteur Roger Chapal d'Aouste-Saillans in Colloque Églises et Chrétiens..., p. 300. Georges Brès, Le Crestois, 20 mai 1994. Le Crestois, 9 juin 2000. Bulletin de l’amicale Pons n° 23, éditorial d'Albert Fié. Albert Fié, Mon jour le plus long, souvenirs publiés par Le Crestois du 6 juin au 4 juillet 2003.