Au décollage, le Boeing B 17G/F

Légende :

La « Forteresse volante » Pink lady constitue actuellement un véritable monument historique dans la mesure où l'avion est l'un des rares appareils de ce type encore en état de vol.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Cliché Alain Coustaury

Source : © AERD, fonds Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Date document : juin 2003

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-Saint-Denis

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Analyse média

La photographie met en évidence les caractéristiques d'un des avions emblématiques de la Seconde Guerre mondiale, le Boeing B 17, la forteresse volante. Dans la nomenclature de l'USAAF (United States Army Air Forces), la lettre B signifie bombardier et non pas Boeing, la lettre P désignant des chasseurs, T caractérisant les avions d'entraînement, etc.

L'appareil est un bombardier lourd, quadrimoteur, à aile basse, monodérive, au train d'atterrissage escamotable.

Le prototype du bombardier Boeing B 17 vola en 1935. Surnommé "Forteresse volante ", il a, par la suite, conservé ce surnom. Le premier B 17 se pose sur le sol britannique le 1er juillet 1942, sa première opération européenne a lieu le 17 août 1942.

L'avion de la photo a été construit à la fin de 1944 à Burbanck, Californie, sur les chaînes de montage Lockheed (pour faire face aux besoins, des Boeing ont été construits par d'autres avionneurs). L'appareil, un Boeing B.17G 85-VE, numéro de série 44-8846, est intégré dans l'USAAF en janvier 1945. Son envergure est de 32 m, sa longueur de 23 m. À vide, sa masse est de 16 tonnes, en charge de 30 t. Sa vitesse maximum atteint 460 km/h, celle de croisière 320 km/h. Le rayon d'action est de l'ordre de 3 200 km. Défendu par une douzaine de mitrailleuses, il peut transporter 2,7 t de bombes. Il rejoint l'Angleterre en mars 1945 et effectue 6 missions de guerre sur l'Europe, la dernière ayant lieu le 20 avril 1945. Il est radié de l'USAF en novembre 1954. Acheté par l'Institut géographique national (IGN) en décembre 1954, pendant plus de trente ans, l'avion a survolé le monde pendant plus de trente ans, réalisant des relevés aériens. Il apparaît dans des films (La Grande Vadrouille). En 1985, le 846 devient un avion de collection. Depuis cette date, il participe à de nombreuses manifestations aériennes : meetings, commémorations (D-day). Une dizaine de B 17 existe encore à travers le monde. L'avion présenté serait le seul B-17 en état de vol à avoir participé à des missions de guerre.

La photographie a été prise lors du salon aéronautique du Bourget en 2003.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Cette longue histoire d'un avion bombardier témoigne de l'aura qu'il a dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Il fait partie de ces engins qui sont devenus mythiques. Pourtant le B 17 n'est pas le bombardier le plus construit durant le conflit. Ce n'est pas, non plus, le plus performant en termes de vitesse, de charge et de rayon d'action.

Pour la Drôme, le B 17 n'est pas l'avion qui a été le plus utilisé lors des bombardements visant des objectifs drômois. Entre le 9 mai 1944 et le 23 août 1944, la Drôme a subi 24 bombardements. Le B 17 n'a participé qu'à quatre d'entre eux. Toutefois, c'est lors de bombardements l'utilisant qu'il y a eu le plus de victimes civiles (Valence, Pont-de-l'Isère, Saint-Vallier). Les autres ont été effectués par B 25 (9 opérations), B 24 (7) de l'USAAF et Wellington, Halifax de la Royal Air Force(RAF) (4). Pourtant, dans la mémoire collective, tout bombardier allié est une « forteresse volante ». S'il est resté dans la mémoire des Européens et particulièrement des Français, c'est qu'il présente deux facettes. Il incarne, positivement, la puissance libératrice qui a vaincu l'Allemagne nazie. Mais, péjorativement, il est aussi celui qui écrase les villes sous un tapis de bombes, causant la mort de centaines de milliers de civils. En ce qui concerne la Drôme, c'est la seconde facette qui a laissé le plus de traces dans la mémoire. Le souvenir de « boxes » de plusieurs dizaines de forteresses volantes libératrices survolant la Drôme est occulté par celui de l'imprécision des bombardements de la gare de triage de Portes-lès-Valence et des ponts (Crest-SNCF, Donzère, Livron-SNCF, Saint-Rambert-d'Albon-SNCF, Saint-Vallier-SNCF, Valence). Le bilan est lourd. On estime à environ six à sept cents les morts causés par les bombardements alliés, essentiellement conduits par les avions de l'USAAF. Les bombardements allemands ont tué environ 70 personnes. Devant détruire le pont de Valence, sur le Rhône, le 15 août 1944, les bombes larguées par des B 17 manquent leur cible et détruisent l'hôpital, la maternité, la préfecture et plusieurs pâtés de maisons de Valence et de Bourg-lès-Valence. On relève 300 morts et de nombreux blessés. Trois B 17 sont abattus et de nombreux Drômois ont pu observer les restes de ces appareils. Les bombardements de Crest le 13 août, de Saint-Vallier-sur-Rhône le 16 août, causèrent la mort de plus de cent personnes. Celui de Crest qui visait un pont ferroviaire était d'autant plus inutile que la voie ferrée avait été rendue inutilisable par la Résistance. C'est pour éviter un tel drame que le commandement des FFI (Forces françaises de l'intérieur) de la Drôme demanda au commando Henri Faure de faire sauter le pont routier de Livron sur la Drôme préservant la ville d'un bombardement dévastateur. Le ressentiment des citadins drômois vis-à-vis des pilotes de bombardiers de l'USAAF est toujours vivace. Il s'est reporté, postérieurement, sur les bombardements menés par l'USAF (Unites states Air Force) lors de la guerre du Vietnam ou de l'attaque de l'Irak. On se souvient, quand on débat sur les dommages collatéraux, de l'imprécision des bombardements de 1944. 


Toutefois, le B 17 a laissé un souvenir positif aux combattants du Vercors qui, le 14 juillet 1944, ont assisté au parachutage d'armes et de matériel par 72 B 17. Ce jour-là, sur le terrain Gabin – Taille-crayon, à Vassieux-en-Vercors, des centaines de containers ont été largués depuis les B 17 volant à basse altitude. Le spectacle était impressionnant. Ce soutien massif était de bon augure. Mais, très vite, il a fallu déchanter. Quelques minutes après le parachutage, l'aviation allemande, basée à Valence-Chabeuil, mitraillait le terrain, empêchant une bonne récupération du matériel et entraînant la mort de plusieurs Résistants. S'il fut très spectaculaire, car se déroulant en plein jour, ce parachutage fut une erreur tactique, les Allemands pouvant intervenir immédiatement. Il faut rappeler que la plupart des parachutages dans la Drôme furent nocturnes et réalisés par des appareils britanniques de la Royal Air Force. Cela peut expliquer, avec des bombardements plus précis, que les pilotes de la RAF bénéficient d'un bien meilleur souvenir que celui laissé par leurs camarades de l'USAAF.

La conséquence des erreurs de bombardement influe sur la perception que les Drômois ont des Alliés. Depuis Dieulefit, Emmanuel Mounier note dans son journal : « Quatre ans de propagande n'avaient pu faire avancer l'anglophobie d'une ligne dans le cœur des Français. Deux mois de bombardements sévères (…) lui firent faire ce printemps des progrès immenses, même dans les milieux qui étaient et restaient résistants. En réalité, ce que l'on savait des tactiques différentes des aviations de bombardement et de la politique des deux pays a monté les esprits beaucoup plus contre l'Amérique que contre les Anglais : renversement de la sensibilité de 1940-1942 ».

La mémoire de ces bombardements est parfois brouillée par l'imprécision des inscriptions sur des lieux de mémoire. L'exemple est donné par la plaque apposée à l'entrée de la mairie de Bourg-lès-Valence. Elle est intitulée « Aux victimes du nazisme de Bourg-les-Valence ». Suit la liste des fusillés, des morts en déportation et des victimes des bombardements. L'intitulé laisse croire, au passant non averti, que les bombardements sont le fait de la Luftwaffe, alors qu'ils sont dus essentiellement à l'USAAF.

La mémoire de ces escadres aériennes se retrouve aussi dans les peintures de Jean Lhuer qui ornent la salle du Conseil municipal de Piégon. Le peintre a dessiné, survolant les drapeaux alliés, les silhouettes d'avions.

Il est des créations matérielles qui symbolisent une époque. Le B 17 forteresse volante en est une. C'est en cela qu'il mérite une étude particulière.


Auteurs : Alain Coustaury 
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007. Salon aéronautique du Bourget 2003.