Voie ferrée au défilé de Donzère, rive gauche du Rhône

Légende :

Un groupe FTP (Franc-Tireur et partisan) du Nyonsais et des Baronnies, en collaboration avec un groupe-franc de Portes-lès-Valence, attaque un train au défilé de Donzère.

Genre : Image

Type : Paysage

Producteur : cliché Patrick Morand

Source : © Archives-photos de Patrick Morand Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Date document : octobre 2009

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

La voie ferrée emprunte un passage très étroit et délicat, dans le défilé de Donzère, sur la rive gauche du Rhône, approximativement entre le poste de sécurité surveillant les chutes de pierres au sud, et la gare de Châteauneuf-du-Rhône au nord.

Au premier plan, le fleuve (coulant de gauche à droite), au second plan, la voie, parfois sinueuse, et construite sur une mince bande de la berge, puis la falaise calcaire ; ça et là, une combe permettant un accès vers le sommet ou à la rive, notamment celle que l’on devine, sur la gauche, proche de la gare de Châteauneuf-du-Rhône repérable par sa position sur la ligne SNCF. Ces lieux ont été le théâtre de l’attaque d’un train de permissionnaires allemands par des groupes de résistants le 25 février 1944. Lucien Dufour ("capitaine Paris") en fait le récit dans son ouvrage.

Sur la rive droite du Rhône – à gauche sur la photo et au tout premier plan, l’Ardèche. En amont et hors du cliché, un pont relie les deux départements, et notamment Châteauneuf et Viviers. Dans cet évêché ardéchois, se trouvait à l’époque un centre de formation de Waffen-SS réputé pour son zèle.


Auteurs : Claude Seyve et Michel Seyve

Contexte historique

Lucien Dufour précise, dans Mémoires de l’ombre, que des données essentielles de la préparation de l’attaque dite « du défilé de Donzère » sont assurées par trois hommes dont René Ladet, expérimenté dans les sabotages contre les voies ferrées et le matériel circulant, lui-même et quelques autres en assurant la réalisation sur le terrain.

L. Dufour et les groupes dont il est responsable, agissent sous les ordres du commandant de la compagnie Vaillant-Couturier. Au plus haut niveau, la décision a été prise par l’état-major FTP, après les expériences réussies dans la région de Portes-lès-Valence, dans les deux mois précédents ; la nouveauté, ajoutant au spectaculaire et au risque, est de renouveler l’opération de déraillement, « mais de jour cette fois.»

Le 24 février, à 17 heures, L. Dufour reçoit l’ordre d’attaquer un train le lendemain au défilé de Donzère, précisément le 25 à l’aube. Le convoi se regroupe le jour même à 20 heures à Condorcet, à une dizaine de kilomètres de Nyons. Il comporte « un car et une “T.A. Citron” [traction avant Citroën] ; le car est conduit par Eugène, un camarade allemand qui s’est porté volontaire pour participer activement à la lutte contre le nazisme ».

Les véhicules roulent tous feux éteints, sur la neige tombée depuis peu, évitent Nyons et Valréas et se garent enfin près d’une petite ferme abandonnée, isolée, entre Taulignan et Grignan. Nuit pour se restaurer et se reposer, nuit d’attente.

Le convoi repart à quatre heures du matin. Le car évite Donzère par un chemin de traverse et poursuit la route vers la falaise, tandis que la voiture se dirige vers la gare de Châteauneuf-du-Rhône.

Quatre groupes interviennent. L’un – commandé par L. Dufour – assure l’occupation de la gare et sa protection au cas où une contre-attaque, provenant de la garnison allemande de Viviers, déboucherait par le pont du Rhône. Parmi les trois groupes transportés par le car, l’un pose les mines sur la voie et doit déclencher l’explosion au signal donné par le groupe demeuré à la gare. Les deux derniers groupes d’attaque sont situés à proximité de l’endroit précis où doit avoir lieu le déraillement, afin d’ouvrir le feu sur les rescapés du train qui devrait être précipité dans le fleuve. Selon l’auteur, 28 hommes sont en place, à l’heure prévue, le chauffeur du car demeurant à son volant pour un repli immédiat. Un seul fusil mitrailleur participe à l’attaque et à la couverture.

À 8 heures 30, un premier train voyageurs-marchandises passe normalement à l’heure à la gare. Le signal est donné peu après, les mines explosent quelques minutes avant le passage du train de permissionnaires allemands ; celui-ci déraille. Mais à la suite d’une erreur dans l’organisation, au lieu de marcher à 60 km/h, et de plonger dans le fleuve comme souhaité, il ne roule qu’à 15 km/h et déraille sur le ballast. Les Allemands, d’abord pris de panique, certains blessés et tués, se ressaisissent, malgré les tirs des maquisards et entreprennent une contre-attaque et une poursuite sur la route. Le car, endommagé, ne peut repartir, certains jeunes regagnent leur camp en montagne à pied, en se cachant.

C’est la première attaque de train par la Résistance dans la Drôme opérée de jour, sans victime du côté du maquis. Du côté allemand les pertes ont été relativement conséquentes ; l’attaque signe la capacité militaire de la Résistance, apte à tendre une embuscade, à créer l’insécurité chez l’occupant, de jour comme de nuit.


Auteurs : Claude Seyve et Seyve Michel
Sources : Archives personnelles Patrick Morand. Lucien Dufour, Mémoires de l’ombre, 1989.