Pierre Brossolette, enfant

Légende :

Portrait du jeune Pierre Brossolette

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Collection famille Brossolette (www.pierrebrossolette.com) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Contexte historique

Pierre Brossolette naquit le 25 juin 1903 à Paris, dans le quartier d'Auteuil alors encore paisible et quasi-rustique. Son père, Léon Brossolette, était issu d'une modeste famille paysanne de la région d'Ervy-le-Châtel, entre Champagne et Bourgogne. Il avait préparé à sa petite école de canton le concours de l'École Normale primaire de Troyes ; puis, seul, le concours de Saint-Cloud. En 1903, il était professeur à l'École Normale d'Instituteurs d'Auteuil, avant de devenir, en 1913 et jusqu'à sa retraite, Inspecteur de l'Enseignement Primaire de la Seine. De ce père, Pierre avait hérité son inflexible ténacité, sa rectitude de jugement, son total désintéressement, et ce courage, si difficile, de ne jamais mentir à ses convictions, de ne jamais transiger avec ce qu'il jugeait juste et vrai, de dire, lorsqu'il le fallait, toute sa pensée quoi qu'il pût lui en coûter. Sa mère, Jeanne Vial, appartenait à une lignée dauphinoise, terrienne elle aussi, mais qui avait déjà donné une génération à l'Enseignement ; l'oncle de Pierre, Francisque Vial, devait, de son côté, achever sa carrière universitaire comme Directeur de l'Enseignement secondaire. Pierre tenait de sa mère cette vive sensibilité qui se révélait dans le côté artiste de sa nature comme aussi dans ce profond sentiment de fraternité qui le mettait spontanément en communion avec les humbles. De sa mère encore, il reçut ce don de séduction qui tempérait l'intransigeance de son caractère, ce sourire des longs yeux bruns, cette vie du visage, ce charme auquel nul n'échappait de ceux qui l'approchaient, fussent-ils même en opposition avec lui. Deux sœurs aînées, une cousine : il était le premier garçon de la famille, mais n'en fut nullement gâté pour cela. Des principes stricts, une discipline ferme, présidaient à l'éducation familiale et aucune concession n'était faite aux petites faiblesses et aux caprices enfantins. Mais l'atmosphère, au foyer, était chaude d'affection, et ses deux sœurs, de quelques années plus âgées, adoraient leur jeune frère, qu'elles entouraient de sollicitude.

Le petit Pierre fréquenta d'abord l'école annexe de l'École Normale, rue Boileau. Ses camarades ont gardé le souvenir du petit bonhomme au visage rond sous le béret marin, au tablier noir strictement serré par la ceinture de cuir et que la coquetterie maternelle éclairait d'un col blanc. En octobre 1913, il entre au Lycée Janson-de-Sailly. L'hiver suivant, il perd sa mère, et l'atmosphère de la maison en est cruellement assombrie. Au mois d'août 1914, dans la capitale où son père est retenu par ses fonctions, il vit les douloureuses semaines de l'invasion, de la ruée allemande vers Paris. Déjà, il voit à la Porte d'Auteuil, dérisoires chevaux de frise, les arbres abattus, leurs branchages tournés vers l'extérieur comme une suprême défense contre un raid surprise de l'ennemi. L'idée d'un siège ne lui fait pas peur, mais brusquement, son père, soucieux de ses responsabilités, décide de l'envoyer avec ses deux sœurs en province. Malgré leurs protestations, les trois enfants quittent Paris par le dernier train formé à la gare P.L.M., long convoi de wagons à bestiaux, qui se dirige vers Lyon par des voies détournées, en un voyage interminable. La victoire de la Marne leur permet de regagner la capitale à la rentrée d'octobre, mais l'enfant gardera le souvenir de ce premier exode.

Au Lycée Janson de Sailly, Pierre Brossolette se range tout de suite parmi les bons élèves de sa classe et obtient bientôt régulièrement le Prix d'Excellence. Il consacre d'autre part au violon, pour lequel il est très doué, une grande partie de ses loisirs et la musique devient la distraction favorite de sa vie que le poids de la guerre et aussi l'atmosphère de labeur de son foyer rendent bien austère pour un garçon de treize ans. A dix-sept ans, muni de son baccalauréat, il entre en " Khâgne " à Louis-le-Grand, où il trouve une brillante équipe de professeurs. En 1922, il passe la Licence ès Lettres. Le même été, affrontant pour la première fois le concours, il est reçu à dix-neuf ans avec le n° 1, à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm. Malgré les instances du directeur, M. Lanson, qui souhaitait que le major de la promotion préparât l'agrégation des Lettres, Pierre Brossolette opta pour l'Histoire et, après trois années d'études durant lesquelles il passa avec succès la licence en Droit, le voici agrégé d'Histoire en 1925, à vingt-deux ans. Ses maîtres, Charles Diehl, Guignebert... l'encouragent à poursuivre ses études historiques, mais s'il a ardemment travaillé dans les livres jusque-là, il se sent avant tout la passion d'agir.


Extrait de René Ozouf, Pierre Brossolette, héros de la Résistance, Clamart, février 1946