Rapport de Paul Pons sur la récupération d'aviateurs étatsuniens le 15 août 1944

Légende :

Le chef de compagnie Paul Pons rend compte de la récupération d'aviateurs étatsuniens abattus et demande des ordres pour agir.

Genre : Image

Type : Note

Source : © Collection Albert Fié, archives Pons Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur feuille de papier 21 x 27 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Le document traite de deux sujets différents. Le premier concerne la récupération d'aviateurs étatsuniens abattus. Le second est une demande d'ordres pour agir.

Dans un message à son chef hiérarchique, le commandant de Lassus Saint-Geniès (« Legrand »), Paul Pons rend compte de la récupération d'aviateurs abattus. Le 15 août 1944, lors du bombardement du pont sur le Rhône à Valence, plusieurs avions de l'USAAF (United States Army Air Forces) sont touchés et abattus par la Flak (canon antiaérien). L'un d'eux s'écrase sur le territoire de la commune d'Upie au lieu-dit Mont Méry. Il s'agit d'une forteresse volante Boeing B 17G appartenant au 772e escadron du 463e groupe de bombardement de la 15e Air Force. L'équipage, composé de 10 hommes, évacue l'appareil en détresse. Plusieurs aviateurs atterrissent sans dommage. Mais un est mort avant l'atterrissage, 5 sont blessés. Immédiatement, Paul Pons qui se trouve à quelques kilomètres de la chute envoie des hommes pour secourir les survivants. Trois sont dirigés sur Die, deux blessés sont hospitalisés à Crest, deux sont à son PC. Il récupère la plaque d'identité de l'aviateur mort. Il précise qu'il y a deux disparus. En réalité les deux hommes seront récupérés par d'autres Résistants.

Le deuxième sujet du document traduit une certaine impatience de Paul Pons qui veut agir. D'abord, il précise que les ponts de Rif-Noir et de la Granette, ponts proches de Grâne ont été détruits. Mais surtout il propose à son chef d'agir sur la route nationale 7, axe majeur de communication pour une armée allemande qui risque de battre en retraite devant les troupes alliées qui viennent de débarquer sur les côtes provençales. Pour agir, il réclame de cantonner près de Crest, bonne base de départ pour réaliser de « beaux coups ».



Contexte historique

Le 15 août 1944, troupes étatsuniennes et françaises débarquent sur les côtes de Provence. Ce débarquement aurait dû avoir lieu immédiatement après celui de Normandie. L'opposition allemande, plus importante que prévu, a obligé les Alliés à différer le débarquement en Provence. Les conséquences de ce retard ont été dramatiques pour la Résistance dans le Vercors. Aussi l'opération Anvil/Dragoon est accueillie avec soulagement et joie par les résistants de la vallée du Rhône. Ils ont conscience que les routes et voies ferrées de ce couloir vont jouer un rôle essentiel comme axe de repli de l'armée allemande. L'US Army saisit toute l'importance de cette situation et essaie par des bombardements de détruire les ponts sur le Rhône. Le 15 août, l'USAAF bombarde le pont de Valence-sur-Rhône. Celui-ci n'est pas détruit mais l'imprécision du bombardement cause la mort de 300 Valentinois. C'est au cours de ce raid que trois B 17 de l'USAAF sont abattus par la flak qui protège l'aérodrome de Valence-Chabeuil-La Trésorerie. L'un s'abat près d'Alixan au quartier de la Belle Meunière. Huit aviateurs qui ont sauté sont récupérés par la Résistance, deux sont faits prisonniers. Un B 17 explose en vol. Sur les neuf membres d'équipage quatre sont tués, cinq sautent en parachute et sont faits prisonniers. Un B17 s'écrase à Upie, sur le mont Méry. On a là un exemple de sauvetage de pilotes alliés par la Résistance. C'est une action relativement peu connue et pourtant importante car, souvent, les pilotes peuvent rejoindre, assez rapidement, leurs unités et reprendre le combat.

Paul Pons rapporte qu'il a fait sauter deux ponts : celui de la Grenette (et non Granette), près de Grâne et celui du Rif Noir sur la route de Crest. Ces destructions entrent dans le plan d'obstruction des routes de repli de l'armée allemande. Dans la nuit qui suit, le commando d'Henri Faure fait sauter le pont de la route nationale 7 qui enjambe la rivière Drôme à Livron. Ces destructions joueront un rôle retardateur important lors de la retraite allemande après le 20 août dans ce qui est appelé la bataille de Montélimar. Elles sont plus précises, plus efficaces et moins meurtrières que les bombardements aériens.

Conscient de l'importance de la route nationale 7, Paul Pons veut intervenir sur cette voie de repli et monter des embuscades. On sent chez lui une grande impatience à en découdre. Sa compagnie est prête à combattre ainsi qu'un groupe franc basé à Valence. Il a trouvé un cantonnement près de Crest, bourgade qui lui est chère et qu'il n'a pu occuper, les ordres du commandement interdisant, depuis quelques jours, aux compagnies de résistants l'accès aux villes. Une semaine après, la compagnie Pons se postera en bordure de la route nationale 7, au quartier de Fiancey, entre Etoile-sur-Rhône et Livron-sur-Drôme, et tendra une embuscade meurtrière aux troupes allemandes en retraite.

Le document rapporte deux actions majeures de la Résistance : la récupération d'aviateurs alliés et la réalisation d'embuscades efficaces sur l'axe de retraite de l'armée allemande. Ces actions de guérillas auront lieu tout le long de la vallée, particulièrement dans les défilés de Montélimar-La Coucourde et surtout dans celui de Tain-L'Hermitage-Saint-Vallier.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Mémoires d'un vieil homme, Albert Fié, Archives Pons