Jean Meunier, dit "Gutenberg" et "Farinet"

Légende :

Photographie d'identité extraite du dossier d'homologation de Jean Meunier

Genre : Image

Type : Photographie d'identité

Source : © Service historique de la Défense, 16P 414677 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Vers 1950

Lieu : France

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Contexte historique

Jean Meunier est né le 19 mai 1906 à Bourges (Cher). Son père, Marcel Meunier, imprimeur et militant socialiste, y gère avec d’autres camarades une coopérative ouvrière dont il sera exclu en 1920, la majorité se ralliant au nouveau Parti communiste. Marcel Meunier déménage alors avec sa famille à Tours, où il crée une nouvelle imprimerie. Son fils Jean y est tout de suite employé.

Jean Meunier se marie à vingt ans avec Raymonde Béguet.. Il a milité dès l’adolescence dans la SFIO et adhère à la Franc-maçonnerie en 1927. En 1934, il devient secrétaire de la Fédération socialiste d’Indre-et-Loire, et l’année suivante est élu membre du conseil municipal à Tours. Aux législatives de 1936, il est élu député de la 3e circonscription de Tours. Il quitte alors son poste de secrétaire fédéral de la SFIO. 

En octobre 1939, il s’engage volontairement pour une formation de l’avant. Après une période de formation comme aspirant de réserve, il est promu sous-lieutenant en janvier 1940 et affecté à la 9e région militaire dans le service de santé, d’abord dans le GSR (groupe sanitaire de ravitaillement) du 20e Corps d’armée, puis dans le GSD (groupe sanitaire divisionnaire) de la 87e DI nord-africaine, et enfin, en mai 1940, dans le groupe sanitaire du secteur fortifié de la Sarre. Le 22 juin 1940, il est fait prisonnier à Saint-Dié. Il reste en captivité dans un Frontstalag jusqu’en octobre 1940, où il est libéré pour raisons sanitaires. Il est démobilisé à Tours le 12 novembre 1940.

Il n’aura donc pas pris part au vote du Parlement, le 10 juillet 1940 à Vichy, qui accordait les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Son nom figurant sur la liste des dignitaires de la Franc-Maçonnerie publiée au Journal Officiel de l’Etat français, il est révoqué en 1941 de ses fonctions de conseiller municipal à Tours.

Son action dans la Résistance en Indre-et-Loire est foisonnante et multiforme et nécessiterait encore des recherches pour comprendre, de façon fine, les imbrications entre ce qui relève de la volonté de recréer un PS clandestin et tous ses autres engagements. L’imprimerie paternelle, dont il assume alors la direction, est en tout cas une ressource précieuse pour la confection de tracts et de faux papiers, qui, d’après son témoignage de 1947 devant la CHOLF (Commission d’histoire de l’occupation et de la libération de la France), constituent ses premières actions concrètes en 1941. A cette époque, il participe à la fois aux reprises de contacts entre socialistes hostiles à Vichy, à des cercles résistants locaux, et parvient aussi à transmettre des renseignements à Pierre Culioli, agent français du Special Operations Executive britannique (réseau Adolphe). L’ampleur de ses relations avec le Comité d’Action Socialiste clandestin de zone occupée reste à préciser, les sources actuellement publiées par ailleurs sur le CAS étant peu disertes sur ce sujet.

Toujours selon son témoignage devant la CHOLF, 1942 est l’année décisive pour lui avec trois engagements successifs. Il facilite d’abord l’installation à Tours d’un radio du SOE, Marcel Clech (réseau Monkeypuzzle), puis devient, avec son épouse, agent du réseau de renseignement français libre Confrérie-Notre-Dame. Ces deux contacts peuvent être datés, par les archives britanniques et françaises, de la mi-1942. Enfin il est chargé de créer en Indre-et-Loire le mouvement Libération-nord, à la demande d’Henri Ribière, chef national du mouvement mais aussi membre du Comité d’action socialiste de zone nord. Cette troisième rencontre a dû survenir au plus tôt à l'automne 1942.

On trouve parfois dans les témoignages de Jean Meunier une anticipation de la date de ses différents contacts en 1942, notamment avec Clech et surtout Ribière. Il a peut-être été influencé, dans les années 1960, par les premières publications d'envergure sur l'histoire de la résistance des socialistes : un des enjeux de cette historiographie était de montrer la précocité de cette résistance, et donc des organisations où ils étaient en nombre, comme Libé-nord.  Il faut cependant garder aussi à l'esprit un autre phénomène possible, susceptible de brouiller la mémoire : sous l'Occupation, des contacts décisifs entre opposants (c'est-à-dire débouchant sur une action commune et concrète) ont parfois été précédés de rencontres antérieures entre les mêmes, où ils en sont restés au stade de la discussion. 

Le contact avec Ribière est, en tout état de cause, le plus important, car celui-ci charge Meunier d'implanter le mouvement Libération-nord dans le département, en privillégiant -semble-t-il - le recrutement de cadres socialistes ou proches des idées socialistes. Jean Meunier développe le mouvement avec une branche « renseignement » à laquelle sont affectées certaines de ses recrues travaillant déjà pour la CND, et des groupes « action » destinés à agir au moment du débarquement. En septembre 1943, il est obligé de passer dans la clandestinité totale après une vague d'arrestations qui frappe Libération-nord dans le département. Son épouse doit se cacher, et finalement se réfugier avec leur fille dans les Deux-Sèvres.

Meunier continue cependant d'animer la résistance en Indre-et-Loire, étant chargé de former et présider le Comité départemental de Libération. Il partage alors son temps entre Paris et l’Indre-et-Loire. Au printemps, il est hébergé clandestinement au château de Rilly-sur-Loire, et durant l’été 1944 dans une maternité à Tours.

A la Libération, le 1er septembre 1944, Jean Meunier, qui avait procédé personnellement à l’arrestation du préfet de Vichy, assume les fonctions de président de la délégation municipale provisoire, à Tours. Il est élu maire de la ville en avril 1945, conseiller général de Tours-Sud en septembre et devient vice-président du Conseil général. Mais il n’est pas réélu lors des cantonales de 1949 et, s’il fait partie du conseil municipal réélu à Tours en 1947, ce n’est qu’en tant qu’adjoint au maire. En 1953, sa liste est battue et il n’est plus qu’un conseiller municipal d’opposition.

En revanche, désigné en septembre 1944 comme délégué à l’Assemblée consultative provisoire, et réélu député en octobre 1945 à la première Constituante, il conserve son siège de député pendant toute la IVe république. Il prend alors part à plusieurs gouvernements à participation socialiste : sous-secrétaire d’État aux Travaux publics et aux transports dans le cabinet Blum (décembre 1946-janvier 1947) ; secrétaire d’État à l’Intérieur dans le cabinet Bidault (octobre 1949), dont il démissionne en février 1950 avec les autres ministres socialistes, secrétaire d’État à la Fonction publique et à la Réforme administrative dans le cabinet Bourgès-Maunoury (juin-novembre 1957).

En juin 1958, il vote en faveur du retour au pouvoir du général de Gaulle, puis se prononce en faveur de la constitution de la Ve République. Aux législatives de novembre 1958 il est battu au second tour par Jean Royer.

Après 1958, Jean Meunier garde une influence importante en Indre-et-Loire grâce au rôle qu’il assume dans la presse régionale depuis 1944. A la Libération, il a pris la direction de l’hebdomadaire Le Réveil socialiste d’Indre-et-Loire, tout en participant à la création de La Nouvelle république du Centre-Ouest, nouveau quotidien issu de la Résistance et dirigé par Pierre Archambault. Il en est l’éditorialiste régulier et y publie des reportages effectués dans des pays étrangers. Il en deviendra le président du directoire en 1973.

Il est par ailleurs engagé dans l’Association France-Israel, la LICRA, le planning familial et l’’Association de la presse démocratique, qu’il préside après l’avoir fondée en 1949. Jean Meunier meurt d’une crise cardiaque le 26 juillet 1975. Il était titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Résistance.

 


Bruno Leroux

SOURCES : la source principale de cette esquisse biographique est la notice “Jean Meunier” de Justinien Raymond et Gilles Morin pour Le Maitron en ligne, complétée par celle du Dictionnaire des parlementaires et par le livre de Mireille Meunier Saint-Cricq, Jean Meunier. Une vie de combats, CLD Editions, 2008. Pour la carrière militaire, les précisions viennent de ses dossiers de résistant au Service historique de la Défense (GR 16 P 414677 et GR 28P4 40364) ; pour sa résistance, voir surtout son témoignage du 22 mai 1947 recueilli par Odette Merlat pour la CHOLF (Archives nationales, 72 AJ 136), complété par ses dossiers du SHD (en particulier son dossier d'agent de réseau GR 28P11 1151) et par les commentaires de certains documents de l’exposition du musée de la Résistance en ligne « le Fonds Jean Meunier aux Archives Municipales de Tours ».