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Rapport de J. Meunier sur Tours et sa région, 6 décembre 1942

Légende :

Rapport sur Tours et sa région par Jean Meunier, daté du 6 décembre 1942 en réponse à la circulaire de Londres du 11 novembre 1942. L'indicatif "95168" est celui (ou un de ceux) désignant Meunier pour le BCRA, comme le révèlent d'autres documents du fonds Meunier, notamment une liste d'agents.  

Genre : Image

Type : Rapport

Source : © Archives municipales de Tours - Fonds Jean Meunier 5Z5/2N38 Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur papier pelure de 17 pages (voir album).

Date document : 6 décembre 1942

Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Indre-et-Loire - Tours

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Analyse média

À noter que les pages 8, 9 et 10 sont manquantes.

Jean Meunier répond ici à la demande émanant de Londres d'obtenir le plus grand nombre d'informations au sujet de l'état d'esprit, de l'opinion des Français de chaque département sous l'Occupation.

Après un état des lieux général où Meunier explique que l'opinion tourangelle est majoritairement républicaine, avec une frange de tradition radicale, et une frange communiste à Saint-Pierre-des-Corps, il aborde l'état d'esprit par classement social et/ou corporatiste :

- les milieux ouvriers, décrits comme majoritairement idéalistes, anti-allemands et anti-vichystes, chez lesquels "la résistance se manifeste de mille façons", avec une légère inflexion pour les ouvriers de formation catholique, un peu plus hésitants ;

- les milieux paysans, décrits comme bien moins idéalistes, ayant pu être, dans un premier temps, flattés par la démagogie de Vichy, mais tellement lésés et brimés par cette même politique, qu'ils ne sont plus dupes ;

- les milieux commerçants, industriels et les petite et moyenne bourgeoisies, plutôt majoritairement gaullistes, mais "de salon", c'est-à-dire plutôt cantonnés au discours et peu enclins à l'action risquée ;

- les milieux aristocratique et de la grande bourgeoisie, plus ambigus, réactionnaires et craignant une victoire anglo-saxonne qui signerait la défaite de leurs idées ; seuls les jeunes pourraient constituer une force résistante, mais non point leurs aînés ;

- le clergé, un milieu partagé entre Jésuites, foncièrement anti-allemands, curés résistants et autres prélats, ambigus, gardant leur confiance dans le maréchal, reconnaissant des mesures cléricales du gouvernement, redoutant que la libération ne se mue en révolution sociale ;

- les administrations, qui, selon Meunier, sont aptes à fournir de hauts fonctionnaires résistants très efficaces le moment venu ainsi qu'une cohorte de petits fonctionnaires unanimement résistants ; bien entendu, la méfiance règne quant aux fonctionnaires nommés par l'Etat français, prêts à retourner leur veste si le vent tournait et c'est parmi eux, selon Meunier, que l'on trouverait le plus grand nombre des "pires bochisants" : avec ceux-là, il faudra, à la libération, se montrer intraitable ;

- les milieux de la gendarmerie et de la police, qui reprend la même dichotomie que les administrations, où s'opposent de nombreux résistants aux derniers nommés, redoublant de zèle.

À la question de savoir dans quel(s) milieu(x) on trouve le plus grand nombre de collaborateurs, Meunier répond qu'il n'en est pas un en particulier, ajoutant que  leur proportion demeure faible et avançant une estimation inférieure à 10 % pour la région tourangelle.

Il se penche alors sur la perception de la Résistance et du gaullisme par la population locale : d'abord sujets à de nombreux questionnements, ou à l'indifférence d'une partie de la population, Meunier raconte qu'à l'heure d'écrire son rapport, les résistants s'appellent entre eux des "Gaullistes"... et que l'unanimité s'est faite chez les Tourangeaux contre l'occupant allemand et le régime de Vichy.

Plus loin, Meunier propose d'analyser les conséquences du débarquement allié en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942. Ce que Meunier qualifie de "coup de tonnerre" est néanmoins amoindri par la nomination de l'amiral Darlan, qui jette un discrédit sur les Alliés, mais permet de faire tenir l'hypothèse du "double-jeu" de Pétain.

 

[ - Absence des trois pages suivantes (pp. 8, 9 et 10) - ]

À partir de la page 11 et jusqu'à la page 17 de son rapport, Jean Meunier aborde la politique vichyste de la Relève (il évoque 620 départs volontaires pour la seule ville de Tours, fin novembre 1942), rappelle que l'agglomération de Tours, carrefour routier et ferroviaire, dispose de relais téléphoniques pour les lignes Paris-Bordeaux, Paris-Nantes et Paris-Le Mans. Il fait ensuite un certain nombre d'hypothèses (réaction de la population en cas de "débarquement libérateur" allié, nombre de résistants prêts à prendre part aux combats libérateurs de la ville, etc.).

Enfin, il fait remonter un certain nombre de points nécessitant des réponses claires : où les résistants doivent-ils prendre leurs ordres ? Qui sont leurs chefs ? Quel signe distinctif peut les aider à se reconnaître ? Quels objectifs devraient-ils détruire ou simplement neutraliser ?
Ces questionnements et hypothèses illustrent bien le manque de consignes claires et de coordination des activités de renseignement, fin 1942.


Paulina Brault