Jean Bruller dit Vercors

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Né en 1902 à Paris, fils d'une institutrice et d'un éditeur d'origine hongroise, Jean Bruller est un ancien élève de l'Ecole alsacienne. Diplômé d'une école d'ingénieur, il est, de 1926 à 1939, dessinateur, graveur et illustrateur et collabore à ce titre à l'hebdomadaire politico-littéraire Vendredi, qui rassemble la gauche intellectuelle sous le Front populaire. Il se fait aussi une réputation en tant que critique d'art.

Pacifiste jusqu'en 1938, Jean Bruller abandonne sous l'Occupation ses besognes artistiques et travaille comme menuisier. Il entreprend alors d'écrire le récit qui le rendra célèbre, Le Silence de la mer. Ce récit était initialement destiné au deuxième volume de la revue communiste La Pensée libre, à la demande de son ami Pierre de Lescure. Mais le projet en avait été suspendu, au profit d'un journal littéraire moins marqué politiquement et dont la fabrication serait moins risquée, Les Lettres françaises. Or, dans un journal de quelques pages, le récit ne pouvait plus paraître. C'est ce qui décida Jean Bruller, qui avait quelque expérience d'imprimeur, et Pierre de Lescure, qui était bien inséré dans les réseaux littéraires, à se lancer dans l'aventure de fonder une maison d'édition clandestine. Le Silence de la mer est le premier ouvrage publié, sous le pseudonyme de "Vercors", aux Editions de Minuit. Tout en assurant, avec l'aide d'Yvonne Desvignes, la publication des manuscrits que lui fournissent Jacques Debû-Bridel et Paul Eluard, "Vercors" compose un deuxième récit, La Marche à l'étoile, où il retrace en partie l'itinéraire de son père qui quitta sa Hongrie natale par amour pour la France.

Ce n'est qu'à la Libération que "Vercors" a révélé son identité. Fort du succès de son premier récit clandestin, il engage une nouvelle carrière d'écrivain tout en poursuivant un temps son activité d'éditeur. Membre du Comité national des écrivains, il fait partie de la commission mise en place par ce comité pour établir une "liste noire" d'écrivains collaborateurs. Dans le débat déclenché par l'épuration des intellectuels, Vercors défend, la notion de "responsabilité de l'écrivain" contre les principes de "droit à l'erreur" ou de "charité" avancés par Paulhan et par Mauriac. Nommé, en sa qualité d'éditeur clandestin, à la commission d'épuration de l'édition, il la quitte en janvier 1945, écoeuré par la complaisance de ses membres à l'égard de grandes maisons comme Grasset. Il a rendu son indignation publique dans un article intitulé "La gangrène", recueilli dans Le Sable du temps, où il met en regard cette indulgence avec la condamnation à mort d'écrivains.
En 1948, les Editions de Minuit sont rachetées par la famille de Jérôme Lindon. "Vercors" quitte alors la direction de la maison et se consacre à son œuvre. L'expérience rapportée des camps de concentration lui inspire une réflexion, exposée dans "la sédition humaine", sur la définition de l'homme dont il trouve la spécificité dans la rébellion. On la retrouve, transposée en fiction, dans Les Animaux dénaturés et les contes philosophiques Colères et Sylva. Il reste membre du CNE, qu'il préside de 1952 à 1956, et compagnon de route du Parti communiste jusqu'en 1956, date de sa rupture. Il a rendu compte de ses rapports conflictuels avec le parti dans un ouvrage intitulé PPC (Pour prendre congé). Après cette date, à l'exception d'interventions ponctuelles telles que la signature de la Déclaration contre le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie dit Manifeste des 121, il se retire de la vie publique et entreprend de rédiger ses mémoires. Après ses souvenirs de l'aventure clandestine (La Bataille du silence, 1967), il rédige, sous le titre Cent ans d'histoire de France (1981-1994), une trilogie alliant histoire et témoignage, et dont le premier tome est une biographie d'Aristide Briand à la première personne.
"Vercors" s'est éteint en 1991.


Gisèle Sapiro in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Bibliographie :
Vercors, Le Silence de la mer, Minuit, 20 février 1942.
Vercors, La Marche à l'étoile, Minuit, noël 1943.
Vercors, Le Sable du temps, Paris, Emile-Paul, 1946.
Vercors, Petit pamphlet des dîners chez Gazette, Paris, Aux dépens de l'auteur, 1947.
Vercors, Pour prendre congé, Paris, Albin Michel, 1957.
Vercors, La Bataille du silence. Souvenirs de minuit, Paris, Presses de la Cité, 1967, rééd. Editions de Minuit, 1992.
Vercors, Cent ans d'histoire de France, Paris, Plon, 1981-1984.
Vercors, A dire vrai. Entretiens de Vercors avec Gilles, Paris, François Bourin, 1991.
Gisèle Sapiro, "Vercors", in Jacques Julliard et Michel Winock, Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil, 1996.
Anne Simonin, Les Editions de Minuit. Le devoir d'insoumission (1942-1955), Paris, IMEC, 1994.