Extrait du procès-verbal d'interrogatoire de Simone Weil, 15 novembre 1941

Légende :

Première page du procès-verbal d'interrogatoire de Simone Weil, 15 novembre 1941 - Un exemple d’enquête menée par le tribunal militaire de la XVe région, sis au bas-fort Saint-Nicolas de Marseille

Genre : Image

Type : Procès-verbal

Producteur : Cliché Robert Mencherini

Source : © AD Bouches-du-Rhône 8 W 22 Droits réservés

Détails techniques :

Formulaire imprimé portant texte manuscrit.

Date document : 15 novembre 1941

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Ce document, qui occupe une double feuille et trois pages manuscrites, est le procès-verbal de l’interrogatoire de la philosophe Simone Weil, le 15 novembre 1941, par le juge d’instruction du tribunal militaire de la XVe région, sis au bas-fort Saint Nicolas, à Marseille. Simone Weil décline d’abord son identité et son adresse. Elle répond ensuite à diverses questions concernant ses contacts. Elle admet connaître Noble Hall, « chef de la propagande anglaise », Maurice Schumann (porte-parole de la France libre qui intervient sur Radio-Londres) et le professeur Rougier (qui a tenté de négocier, pour Pétain, avec les Britanniques, puis s’est expatrié aux Etats-Unis). Elle admet également fort apprécier la culture anglaise et avoir rédigé une « demande d’enrôlement » pour l’Angleterre. Son anglophilie, dit-elle, s’est accrue après les prises de position britanniques contre la volonté de domination de l’Allemagne. Toutes les personnes qu’elle évoque sont, en 1941, hors de France.  Elle ne cite aucun autre nom.


Robert Mencherini

Contexte historique

Simone Weil et ses parents se réfugient à Marseille en septembre 1940 et s’installent assez rapidement dans un appartement au 8 rue des Catalans. Au cours de ses dix-huit mois de séjour à Marseille, la philosophe écrit des textes théoriques fondamentaux et entretient un dialogue spirituel suivi avec le dominicain Joseph-Marie Perrin. Elle participe également à la Résistance en diffusant Témoignage chrétien. Mais sa préoccupation principale est de rejoindre Londres pour appliquer le « plan d’infirmière de première ligne » qu’elle évoque dans sa « demande pour être admise en Angleterre ». Ce document, saisi par la police est mentionné dans l’interrogatoire comme « demande d’enrôlement », ce qui est très réducteur.

Pour essayer de quitter la France, Simone Weil contacte une filière, démantelée par la police française en 1941. C’est dans ce cadre qu’elle est interrogée par le juge d’instruction auprès du tribunal militaire de la XVe région. La sécheresse des réponses de la philosophe montre qu’elle s’est préparée à cet interrogatoire, au cours duquel elle ne donne aucune précision importante. Simone Weil et ses parents réussissent à quitter Marseille pour New-York le 14 mai 1942. Elle rejoint ensuite l’Angleterre, où elle meurt d’épuisement le 24 août 1943. À cette date, les principaux responsables de la filière d’évasion qu’elle avait contactés en 1941 ont été condamnés à des peines de prison par la section spéciale d’Aix-en-Provence.


Auteur : Robert Mencherini

Sources :
Mencherini Robert, « Simone Weil à Marseille et la "Demande pour être admise en Angleterre" », Cahiers Simone Weil, tome XVII, n°4, décembre 1994, p. 327-362 ; Mencherini Robert, « Simone Weil à Marseille et la Résistance intérieure: un rendez-vous manqué ? », Cahiers Simone Weil, XXXIV-2, juin 2011, p. 149-166 ; Mencherini Robert, « Soixante et dix ans après : la “Demande pour être admise en Angleterre” et le “Génie d’Oc” », Cahiers Simone Weil, XXXV-4, décembre 2012, p. 451-465 ; Weil Simone, Écrits de Marseille (volume 1), Œuvres complètes, IV, Paris, Gallimard, 2008; Pétrement Simone, La vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1973.