Affiche "Aux populations des territoires libérés du Sud-Est"

Légende :

Le CRR Raymond Aubrac, dès son arrivée en France avec les troupes de Libération, s’adresse aux habitants de la région qu’il dirige au nom du GPRF, 18 août 1944

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © AD du Var - 1 W 157 Droits réservés

Détails techniques :

Affiche en couleur.

Date document : 18 août 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Saint-Tropez

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Analyse média

Le message délivré par cette affiche est conforme à l’ordre de mission de Raymond Aubrac en tant que « commissaire régional de la République dans les premiers territoires libérés sur la côte méditerranéenne ». Organisé en six paragraphes assez brefs, il s’adresse aux habitants des localités libérées (donc celles du Var en premier lieu). Bien évidemment, il reste d’actualité pour les territoires dont la Libération est proche, mais dont la localisation comme « Sud-Est » demeure encore floue.

Les deux premiers paragraphes sont un hommage rendu aux résistants (qualifiés de « Patriotes », puis de « FFI »), avec lesquels le CRR aura à travailler.
Le troisième donne le détail des tâches des nouvelles autorités dont l’ordre correspond aux préoccupations les plus urgentes : assurer le ravitaillement, l’épuration, le rétablissement de l’appareil d’État.
Le quatrième fait appel à la mobilisation de la population en faveur de l’effort de guerre contre l’occupant, aux côtés des armées de Libération. La consigne suivante est plus prosaïque, mais très importante : il s’agit pour les évacués, chassés en nombre de la zone littorale, de ne pas tenter de rejoindre leur domicile. Les mouvements de population peuvent constituer une gêne importante pour les opérations militaires et les nouvelles autorités ne pourront assurer leur subsistance dans des cités ruinées par les bombardements et les combats.

Les deux dernières phrases concernent l’avenir : il s’agit de gagner la guerre, d’abattre totalement l’ennemi, puis de rétablir, dans un bref délai, la démocratie, de « rendre la parole au peuple français », ainsi que l’a promis le général de Gaulle.

Ainsi, en peu de mots, cette affiche - barrée de tricolore - dit l’essentiel, marque la rupture avec l’État français et l’entrée dans une nouvelle ère : l’hommage rendu aux résistants (que Vichy dénonçait comme terroristes), et énonce les tâches à accomplir : l’épuration, la reconstruction de l’État, l’effort de guerre, le rétablissement de la démocratie. La volonté de refondation républicaine est très présente. On la trouve dans l’en-tête de l’affiche au nom de la République française et où la devise « Liberté, égalité, fraternité » chasse la formule pétainiste « Travail, famille, patrie », mais aussi dans l’intitulé du nouveau gouvernement « Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) ».

Enfin, le mode d’énonciation est remarquable : ce n’est pas le CRR qui s’exprime, mais, par sa plume, directement, le GPRF. Cet effacement relatif du nouveau pouvoir régional est aussi une manière d’affirmer son lien très étroit avec la nouvelle souveraineté nationale.


Robert Mencherini

Contexte historique

Le CRR Raymond Aubrac débarque sur les côtes provençales dans la matinée du 18 août 1944, accompagné par le préfet Paul Escande et le commissaire de la Sûreté Herviot. Garant de la nouvelle légalité, il est porteur d’une collection complète du Journal officiel de la République française édité à Alger. Pour pallier toute destruction des billets de banque par les Allemands, il est également muni de dix millions de francs en coupures diverses entassées dans un sac à pommes de terre.

Raymond Aubrac a quitté Alger pour Naples le 10 août et a réussi à rejoindre son poste après un voyage mouvementé, les Américains ne manifestant aucun zèle pour l’acheminer vers la France. Le cabinet du général de Gaulle lui a dépêché finalement un avion spécial qui l’a conduit de Naples à Ajaccio, d’où il s’embarque vers le continent dans la nuit du 17 août.

Dès son arrivée à Saint-Tropez, il entre en contact avec le général de Lattre et se met au travail. C’est à ce moment-là qu’il rédige son appel « Aux populations des Territoires libérés du Sud-Est ».

Au soir du 18 août, ces territoires libérés, au sens strict, sont compris entre la mer et un vaste arc de cercle partant de la rade de Hyères et passant par Brignoles et au nord de Draguignan. Mais, de fait, ils s’élargissent très rapidement au cours des jours suivants sous la poussée des troupes américaines vers les Alpes et de l’armée française vers Toulon et Marseille.


Auteur : Robert Mencherini

Sources :
Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1996.