Croquis des limites du Vercors lors des événements de 1944, paysages

Genre : Image

Type : Carte

Producteur : réalisation Alain Coustaury

Source : © Collection Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Croquis géographique en couleur. Format numérique.

Date document : 2010

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Le croquis a été réalisé afin de définir des limites du Vercors à un moment de son histoire. Le massif est replacé dans son environnement géographique.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Le Vercors est un massif pré-alpin. Il est séparé de celui de la Chartreuse, au nord, par la rivière Isère. Au sud, c'est la rivière Drôme qui sert de limite avec le Diois. Le Vercors a une orientation alpine, c'est-à-dire nord-est sud-ouest. À partir de la Drôme, c'est la direction pyrénéenne, ouest-est qui prévaut. Le synclinal perché de Saou est le parfait exemple de ce changement de direction.

Les limites du Vercors varient selon les époques, les événements et les personnes. Si le général Alain Le Ray place Malleval en dehors du Vercors, c'est qu'il évoque le Vercors de l'organisation « Vercors » dont ne fait pas partie le maquis ORA (Organisation de Résistance de l'armée) de Malleval. Pour certains, le Royans est distinct du Vercors, ce qui est bien ressenti par les habitants du canton. Mais quand on parle, en France ou à l'étranger, du Vercors, on entend tout le massif, y compris les reliefs méridionaux, jusqu'à la rivière Drôme. On considère actuellement le Vercors comme composé de l'ensemble du massif calcaire limité au nord par les falaises dominant l'Isère en aval de Grenoble, au sud par la vallée de la Drôme, à l'ouest par la ligne de crêtes et les collines dominant la vallée de l'Isère puis du Rhône, à l'est par la vallée du Drac et le col de Lus-la-Croix-Haute. Historiquement, les limites sont plus complexes. Pendant des siècles on distinguait le Vercors proprement dit, situé au sud du massif, du secteur des Quatre montagnes au nord. Les débouchés sur les vallées bordières étaient différents, les relations entre les deux régions relativement faibles. L'ouverture aux contrées limitrophes par la construction de routes, au profil souvent mouvementé, a eu pour conséquence d'amoindrir les contrastes démographiques et économiques des quartiers du massif. Ce sont les événements de la Seconde Guerre mondiale qui ont donné une dimension plus large à l'appellation Vercors. De plus, le parc naturel régional du Vercors, créé en 1970, augmente encore le domaine puisqu'il inclut les Quatre montagnes, le Vercors drômois, le Royans mais aussi les pays de la Gervanne, une partie du Diois et du Trièves.

Les limites que l'on peut retenir en ce qui concerne l'histoire dramatique du Vercors au printemps et à l'été 1944 peuvent être celles de la ligne d'investissement et d'encerclement mise en place lors de l'opération Bettina.

On peut contester ces délimitations car le fait d'appartenir au Vercors est actuellement valorisant. C'est une reconnaissance très recherchée. La preuve en est le désir d'accoler au nom de la commune l'appellation « en-Vercors ». Récemment plusieurs en ont bénéficié, d'autres ont vu leur demande rejetée.

Le Vercors est un massif calcaire où se développe un gigantesque système karstique (la roche est dissoute par l'action simultanée de l'eau et du dioxyde de carbone) dont le paysage le plus important pour l'histoire est d'une part l'absence d'eau, qui s'infiltre immédiatement dans des lapiaz, avens, scialets, pots et d'autre part le grand nombre de grottes aux dimensions variant de quelques mètres à des centaines de mètres, voire à des kilomètres. Le porche d'entrée de l'un de ces systèmes karstiques a été utilisé comme abri pour les blessés évacués de l'hôpital de la Résistance de Saint-Martin-en-Vercors. Il s'agit du porche d'entrée de la grotte de la Luire où, le 27 juillet 1944, les Allemands ont commis un massacre. Un des paradoxes géographiques du Vercors est que, fortement arrosé (plus de 1 500 mm par an), le massif ne possède, sur ses hauts, que très peu de sources. Lors de la dispersion des résistants, après le 23 juillet 1944, beaucoup d'entre eux souffrirent de la soif. Ils l'étanchèrent souvent en buvant l'eau de quelques flaques résiduelles.

Communément le massif du Vercors est défini comme étant un plateau. Or, dans Les mots de la géographie, le plateau est une « forme de relief tabulaire. Il peut être "éventré" ou "incisé" par des vallées encaissées et porter des reliefs résiduels. Le plateau domine la plaine d'un ou plusieurs côtés ; ne pas confondre avec hautes plaines ou altiplano, dites quelques fois à tort hauts plateaux mais qui sont dominés par des monts ». Si, pour ses habitants ou pour ceux des environs immédiats, le Vercors est identifié comme étant un plateau, cette définition ne satisfait pas le géographe. Même Pierre Dalloz, dans sa note sur les possibilités d'utilisation militaire du Vercors (Isère et Drôme), confond « les larges vallées longitudinales, orientées nord-sud, et qui sont assez semblables aux cluses du Jura », avec de larges synclinaux (Vassieux-en-Vercors). De même, les cluses coupent perpendiculairement les anticlinaux (cluses complexes des gorges de la Bourne et des Goulets). La définition de « plateau », locale, traditionnelle, pour les habitants comme pour des responsables politiques ou militaires impliqués dans l'affaire du Vercors, ne correspond nullement à la définition géographique. Même erreur : Combe Laval n'est pas une combe mais une reculée. Pour celui qui n'a jamais traversé le massif, plateau suggère l'existence d'une vaste surface relativement plane, à l'horizon largement ouvert, surplombant les vallées bordières. Les Causses Méjean du Larzac répondent parfaitement à cette définition. Le Vercors est cloisonné, l'horizon souvent fermé par une barre rocheuse, par le flanc d'un lourd anticlinal. Des dépressions profondes sont dominées par la proue d'éperons, excellents postes d'observation, d'emplacements de mitrailleuses. On aperçoit les conséquences, pour le militaire, de ce type de paysage. On imagine donc, quand on n'a pas parcouru le Vercors, une vaste surface plane. C'est en grande partie inexact. Il y a eu extension exagérée à l'ensemble du massif du mot qui définit seulement un modeste secteur du sud du Vercors, ou aux larges fonds des synclinaux.

En réalité, le massif pré-alpin du Vercors est constitué de lourds alignements anticlinaux orientés nord-est sud-ouest. Les monts qui sont un relief allongé coïncident avec une voûte anticlinale de sédiments résistants. Ils sont défoncés par :

- des reculées, « terminaison brutale d'une vallée vers un plateau calcaire », « un bout du monde », « une grosse source existe au pied de la paroi ». L'exemple est donné par Combe Laval. Au fond de la reculée, au pied de la falaise, sourd le Cholet, résurgence d'un ruisseau dont la source est située à Font d'Urle.

- des cluses « passage bas qui traverse un mont ». Une cluse normale a donc deux entrées, deux goulets. L'exemple en est la vallée de la Vernaison depuis Sainte-Eulalie-en-Royans jusqu'aux Baraques-en-Vercors, avec les Petits Goulets, l'évasement d'Echevis et l'imposant rétrécissement des Grands-Goulets. Ils séparent de larges fonds de synclinaux, les vaux, « les vastes berceaux dénudés pouvant accueillir d'importantes formations » (A. Le Ray). Les quartiers relativement plats, par exemple à Vassieux, sont mités de dépressions métriques ou décamétriques, les dolines, semblables à des trous d'obus, obstacles à tout atterrissage, sans préparation du terrain, mais favorables à l'avancée de fantassins, passant de l'une à l'autre. Les surfaces planes de Lans, Autrans, voire Méaudre, fonds de synclinaux, sont souvent tourbeuses et difficilement aménageables en piste d'atterrissage, même sommaires. Tout est bien visible sur une carte au 25 000e. Petits gouffres, les scialets perforent un peu partout le massif. Celui de Barme-Chinelle à l'ouest de Saint-Julien-en-Vercors servit de cache pour les armes parachutées sur le terrain « Coupe papier » le 16 mars 1944. Pierre Lassalle narre : « Sur le terrain situé entre Saint-Julien-en-Vercors et Saint-Martin-en-Vercors les Alliés ont largué une centaine de containers. Les hommes ont consacré toute la journée à transporter le matériel et à le camoufler dans une grotte du Scialet de Barme-Chinelle, à l'ouest de l'agglomération ». Dolines et scialets sont visibles au sud de Vassieux, au niveau de Taille-crayon. Pour passer d'un synclinal à l'autre, il faut franchir des cols (col de la Croix-Perrin entre Lans-en-Vercors et Autrans), des pas, synonymes de cols, (pas de la Sambue, de l'Âne entre Corrençon et Saint-Martin-en-Vercors, pas du Pré, souvent cités lors des combats de Vassieux le 21 juillet 1944). Cette géographie physique doit être connue pour comprendre les combats. Des Résistants, du haut des crêtes, ont vu les B 17 voler à leur hauteur, voire en-dessous d'eux lors du parachutage du 14 juillet 1944, de même que les planeurs allemands le 21 juillet. Rares sont les quartiers comme le terrain d'atterrissage, de parachutages « Taille-crayon » au sud de Vassieux, où les courbes de niveau sont éloignées, traduisant une surface plane mais mitée de dolines. La mission « Paquebot » (Tournissa) était chargée d'y préparer une piste d'atterrissage en comblant ces petites dépressions. Pour comprendre ce qu'est réellement le Vercors du point de vue géographique, il faut découvrir la magnifique maquette de ce massif au Mémorial du col de La Chau à Vassieux. Même si l'échelle des hauteurs est exagérée, elle révèle bien la topographie mouvementée du Vercors. Une coupe géologique ouest-est confirme cette vision. Si le Vercors était un plateau, au sens commun du terme, c'est-à-dire une surface plane dominant par des falaises des plaines ou des vallées, les combats qui s'y sont déroulés auraient pris une autre tournure. Gorges profondes, abrupts intérieurs, routes en lacets, en encorbellement, cols intérieurs, pentes escarpées, défilements nombreux pouvaient favoriser une défense relativement facile du massif ou conduire à des embuscades meurtrières. Le drame du 29 janvier 1944, à Malleval, montre l'importance de cette topographie tourmentée, en cul-de-sac, qui se révèle être un piège et non un refuge.

Le massif est couvert de forêts de hêtres, de profondes sapinières, essentiellement sur les pentes et les sommets intérieurs, surtout au nord. Cette végétation arbustive a joué un rôle important dans l'histoire du Vercors résistant. La sylviculture, la fabrication du charbon de bois, ont constitué de bonnes raisons pour faire échapper de nombreux jeunes au STO (Service du travail obligatoire). Les chantiers forestiers (Ambel) ont accueilli des camps de réfractaires, premiers pas vers une Résistance armée. Ils ont donné des salaires aux réfugiés, ce qui permettra de survivre dans un milieu difficile.

En conclusion, il faut toujours avoir à l'esprit ces puissants paysages du Vercors qui ont fasciné civils et militaires avant et pendant le conflit. La vision de Jean Bruller traduit très bien cette perception : « Nous reçûmes dans nos gamelles un café léger mais bouillant et, tandis que nous buvions, un murmure parcourait le couloir [du train] « le Vercors, le Vercors ». Je connaissais ce nom, j'en admirais la sonorité suggérant une noblesse hautaine, mais je n'avais jusqu'alors qu'imparfaitement situé ce massif puissant au contrefort des Alpes. Je gagnai le couloir, et fut surpris par l'espèce de respect, de révérence, sinon de vénération que mes camarades montagnards paraissaient porter aux sévères remparts de cette forteresse naturelle. Bientôt moi-même je partageai ces sentiments, un peu par contagion peut être ; mais aussi la grandeur indomptable qu'évoquait l'immense navire surgissant de la plaine exerçait sur moi une fascination croissante ». Cette fascination sera nourrie ensuite par le séjour de Jean Bruller, cantonné pendant la « drôle de guerre », d'abord à Mours-Saint-Eusèbe puis à Romans-sur-Isère, situés à quelques kilomètres du Vercors et dominés par les falaises orientales du massif. Jean Bruller le visitera, lors de son passage dans cette région. Quand il dut choisir un pseudonyme lors de la parution en 1942 du Silence de la mer, il se souvint de la fascination causée par sa vision du Vercors et par ses randonnées dans le massif. Contrairement à l'opinion générale qui ignore souvent la date de parution du livre mais qui est marquée par le drame de juillet 1944, ce n'est pas ce dernier qui a conduit au choix du pseudonyme mais une révélation née en 1939-1940.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Jean Bruller, Vercors, La bataille du silence.