Maurice Favier

Légende :

Maurice Favier, Celse puis Alain, FTPF, membre du CDL des Basses-Alpes - sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © ANACR de Marseille Droits réservés

Détails techniques :

Scan de photographie analogique en noir et blanc. Voir également l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Maurice Antonin Jean-Louis Favier naquit le 23 juin 1917 à Marseille. Son père, Antonin Louis Mamer, « tailleur d’habits », originaire d’Allemagne (canton de Riez, Basses-Alpes, aujourd’hui Allemagne-en-Provence dans les Alpes-de-Haute-Provence), s’était installé dans la cité phocéenne, rue-de-Rome, dans la première décennie du XXe siècle. Il y demeura après son mariage, en 1912, avec Antonine Féraud. Leur fils fit des études classiques chez les jésuites. Très intéressé par la poésie, il pratiqua aussi le scoutisme. Le temps venu, il choisit de travailler dans la marine marchande, ce qui lui permit de découvrir le Moyen-Orient ou les Amériques. En 1940, il participa au transport de troupes militaires. Il fut requis pour les chantiers de jeunesse et suivit les cours de l’école de cadres d’Uriage, créée par Vichy en Isère. Rendu à la vie civile en novembre 1942, Maurice Favier s’installa dans les Basses-Alpes, à Allemagne, dont sa famille était originaire. Il y occupa le poste de secrétaire de mairie. Il écrivit aussi de nombreux poèmes, plus de deux cents, qu’il conservait – sans en faire état - sur son bureau, dans un cahier.

Maurice Favier fit la connaissance de militants du Parti communiste et Francs-Tireurs et Partisans (FTP) et s’engagea à leur côté sous les pseudonymes de Celse, puis d’Alain. Il prit en charge, avec la Section atterrissages-parachutages (SAP), la réception de parachutages. Selon Jean Garcin, Maurice Favier assura la liaison avec la région communiste. Il fut le suppléant de Paul Meyere, représentant du PCF au Comité départemental de Libération (CDL) des Basses-Alpes, et le remplaça lorsque ce dernier fut malade.

Le samedi 15 juillet 1944, une réunion du CDL des Basses-Alpes se tint à Oraison avec, entre autres, Marcel André, François Cuzin, Maurice Favier, Émile Latil, Louis Martin-Bret, Jean Piquemal. Certains d’entre eux, dont Maurice Favier, passèrent la nuit sur place. La réunion du CDL se poursuivit, le dimanche matin, dans une salle au-dessus du café de France, géré par Léon Gaubert.

Mais les Allemands, informés de cette rencontre, étaient aussi au rendez-vous. En 1945, lors de l’instruction de son procès, l’homme clé de la Gestapo à Marseille, Ernst Dunker-Delage, déclara en avoir appris la tenue grâce aux papiers saisis sur un résistant – Georges Cisson en l’occurrence, arrêté à Marseille le 12 juillet – et déchiffrés. Le SD de Marseille fut donc à l’origine de l’intervention à laquelle il participa et qui fut soigneusement préparée. Les occupants utilisèrent, pour arriver à leurs fins, une unité de Brandebourgeois. Déguisés en maquisards, comme ils avaient coutume de le faire, ils simulèrent, dans la matinée du 16 juillet, des combats avec des soldats allemands – arrivés dans la localité quelques jours auparavant - et firent accroire à la population une libération du village. L’objectif était, évidemment, d’identifier le maximum de dirigeants de la Résistance. Dans l’après-midi, mettant fin à cette mauvaise comédie, ils arrêtèrent plusieurs membres du CDL et d’autres résistants.

Comme ses camarades du Comité départemental de Libération, Maurice Favier fut transféré à Marseille, puis fusillé à Signes le 18 juillet et enterré, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille, ne fut pas parmi les 32 premières identifiées. Elle fut même confondue avec celle d’Albert Chabanon. Une ordonnance du tribunal du Tribunal civil de Marseille fut nécessaire, en juillet 1945, pour rectifier les actes de décès.

Le nom de Maurice Favier figure sur une stèle, avec celui des dix autres résistants arrêtés le 16 juillet, à la sortie nord d’Oraison et, à Manosque, sur le monument « Aux martyrs de la Résistance dans les Basses-Alpes », parmi les victimes de la répression classées par villes et villages (dans l’espace réservé aux résistants de Digne). Il est également inscrit sur le monument aux morts d’Allemagne-en-Provence, dont une rue porte son nom. Par délibération du 27 juillet 1946, le conseil municipal de Marseille donna son nom à la rue Rencontre du 6e arrondissement. Il existe également une rue Maurice-Favier à Digne. Son nom figure aussi au Panthéon, à Paris, dans la liste des écrivains morts pour la France, sur le mémorial national consacré aux scouts de France, à Liévin (Pas-de-Calais), au numéro 97, et sur la plaque commémorative des scouts de France de la basilique du Sacré-Cœur, avenue-du-Prado à Marseille. Maurice Favier fut reconnu Mort pour la France.

L’homme de lettres provençal Sully-André Peyre publia, en 1950, dans sa revue Marsyas, plusieurs poèmes de Maurice Favier, extraits du recueil « Ramené par la sonde ». Il estima, dans sa présentation, que « Peu de jeunes gens sont allés vers le sacrifice éventuel avec autant de grave pureté ». L’un des poèmes que Maurice Favier rédigea en 1944 revêt, à la lumière du destin tragique des fusillés de Signes, de sombres couleurs :

 

« Nul soleil n’a lui

Rien n’a orné l’espoir

Ma haine est le nuage désespéré

Mon cœur est le tonneau des Danaïdes

Et un clairon d’argent essaie la destruction des étoiles.

Quels sont ces paysages ?

Laisse rougeoyer les tempêtes des mares et les morts abattus

et les arbres et les mâts et les nids et ma vie ».

[Voir l'onglet "Album" lié]


Auteur : Robert Mencherini

Sources : Acte de décès ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1, 42 et 48 ; Marsyas, n° 275, mars 1950 ; Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, rééd. 1990, p. 351 et sq. ; Jean Vial, Un de l’AS bas-alpine. Souvenirs d’un résistant, Marseille, Chez l’auteur, imprimerie Villard, 1947, 3e rééd., Imprimerie Villard, 1990, pp. 214-218 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-Ligne ; Jean-Christophe Labadie, La répression allemande. Basses-Alpes 1943-1944, Digne, Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, 2014, pp. 121-125 et recueil documentaire, pp. 20-21 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014 ; Association des écrivains combattants, Anthologie des écrivains morts à la guerre, 1939-1945, Paris, Albin Michel, 1960, pp. 229-234 ; Commission départementale de l’information historique pour la paix, Le Mémorial de la Résistance et des combats de la Seconde Guerre mondiale dans les Basses-Alpes, Digne, 1992 ; Hélène Vésian, Claude Gouron, Les chemins de la liberté, sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI/AMRID, 2004.