Jean Lestrade

Légende :

Jean Lestrade, Chac, MUR-MLN, Organisation universitaire (OU), sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © DAVCC Caen Droits réservés

Détails techniques :

Scan de photographie analogique en noir et blanc. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Jean Louis Georges Lestrade naquit le 21 mars 1924 à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône. Après des études secondaires brillantes, il entra en octobre 1943 à l’École de navigation. Il habitait alors avec ses parents, 3 boulevard-des-Grâces, dans le quartier de Saint-Barnabé (12e arrondissement de Marseille).

Issu d’une famille incroyante, Jean Lestrade se convertit au protestantisme. Le pasteur Christian Mazel fut en charge, du 1er juillet 1943 au 30 août 1944, de la paroisse Tilsit (6e arrondissement de Marseille), l’une des deux paroisses protestantes de Marseille, rattachée à l’Église réformée de France en 1938. Il témoigna que Jean Lestrade, « protestant convaincu » et prosélyte, était très actif au sein des Routiers unionistes, branche du scoutisme protestant qui regroupait les garçons de plus de 16 ans. Toujours selon le pasteur Mazel, « toute l’équipe de Routiers de l’Église de Tilsit a fait de la Résistance : renseignements, boîtes aux lettres, aide matérielle ». Ce n’est pas exceptionnel : les mouvements de jeunesse protestants furent, très tôt, un foyer de contestation de l’ordre vichyste.

Jean Lestrade eut une activité résistante multiforme, sous le pseudonyme de Chac. Selon le dossier de demande d’attribution du titre d’interné résistant, il fut membre de Combat depuis 1941, participa au service de renseignement (Noyautage des administrations publiques, NAP) et fut l’agent de liaison de René Mariani, Gaillard, responsable des jeunes des Mouvements unis de Résistance-Mouvement de Libération nationale (MUR-MLN).

Selon Ernst Dunker-Delage, homme clé de la section IV du SIPO-SD (la Gestapo), il fut arrêté chez René Mariani le 13 juillet 1944. Le pasteur Mazel signale que le local des Routiers de la rue-de-Tilsit fut transformé en souricière par la Gestapo et que d’autres personnes y furent arrêtées.

Jean Lestrade apparaît sous le numéro 8 dans le « rapport Antoine », où Ernst Dunker-Delage établit le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes. Il aurait alors avoué avoir servi d’agent de liaison à Marseille, depuis six semaines, jusqu’à son arrestation. Jean Lestrade fut détenu au siège de la Gestapo à Marseille, 425 rue-Paradis. Dans le livre de saisie de la police de sécurité allemande (SD), il figure, sous son nom et alias Champfort Pierre, page 126, numéro 921, à la date du 14 juillet 1944, comme Widerstandler (Résistant). Il était, lors de son arrestation, en possession de 3 715 francs.

Les trois lignes concernant Jean Lestrade dans le rapport « Antoine » se terminent par la formule « … A été… le… », utilisée pour tous les résistants mis à mort à Signes. Jean Lestrade y fut fusillé le 18 juillet et enterré, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 719), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata que la mort avait été provoquée par un seul projectile au niveau de la nuque qui avait perforé le bulbe.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre, le 21 septembre 1944, Jean Lestrade fut inhumé définitivement dans le caveau de famille. Ses états de service dans la Résistance furent attestés par Max Juvénal, Léonce Vial, Georges Zenatti et Yvon Morandat. Jean Lestrade a été reconnu interné résistant, Mort pour la France et fut décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Son nom fut donné au boulevard-des-Grâces, où il habitait, dans le 12e arrondissement de Marseille.

On fait parfois une confusion qui n’a pas lieu d’être entre Jean Lestrade et Adolphe Lestrade, alias Vial. Ce dernier était un militant communiste clandestin, actif dans le département du Rhône, qui arriva à Marseille en janvier 1944 et retourna à Lyon après la Libération.


Auteur : Robert Mencherini

Sources : Actes de naissance et de décès ; DAVCC Caen, 21P 476 877, dossier de mort pour la France, Jean Lestrade ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45, livre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; Société d’histoire du protestantisme, DP 196, témoignage de Christian Mazel ; archives nationales 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, Interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1, 9, 42 et 60 ; Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éd. Jeanne Laffitte, rééd. 2001, p. 267 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Madeleine Baudoin, Histoire des groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la Libération, Paris, PUF, 1962 ; Germaine Madon-Semonin, Les années d’ombre, 1940-1944. Les Jeunes dans la Résistance à Marseille, ronéotypé, sd., 19 p. ; Jean Fabre, Les soldats de l’ombre, Marseille, chez l’auteur, 1998, ronéotypé, 76 p., p. 56 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014, p. 297 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Résistance et Occupation, 1940-1944, p. 506, tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2014, pp. 58-60.