Louis Martin-Bret

Légende :

Louis Martin-Bret, Michel, chef du MUR-MLN et président du CDL des Basses-Alpes, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Association régionale des familles de fusillés et martyrs de Signes et de Provence Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Paul Louis Martin-Bret est né le 18 juillet 1898 à Marseille, rue-de-la-République, d’une mère couturière et d’un père banquier. Non reconnu par son père, il le fut très officiellement par sa mère, Virginie Marie Pauline Bret (parfois de Bret), le 12 février 1900. Par la suite, Paul Louis ajouta au patronyme de Bret, celui de son père, Martin. L’usage se fit alors du prénom et du nom Louis Martin-Bret.

Après une scolarité effectuée dans la cité phocéenne, Louis Martin-Bret fut incorporé le 12 avril 1917 au 111e régiment d’infanterie. Il rejoignit ensuite le 246e, puis en juin 1918, le 411e régiment d’infanterie. Le 1er novembre 1918, il fut cité à l’ordre du jour de ce régiment comme « Très bon soldat animé des plus belles qualités guerrières pendant les attaques des 17 et 18 octobre 1918. A fait preuve de beaucoup de bravoure et de sang-froid dans les combats où il s’est trouvé engagé ». Il fut muté en mars 1919 au 3e régiment de zouaves qui occupa l’Allemagne, avant de regagner son cantonnement de Constantine et d’intervenir au Maroc. Louis Martin-Bret, devenu sergent-fourrier, fut renvoyé dans ses foyers en avril 1920.

Il se retira à Manosque où il s’installa comme agriculteur et se maria. Il s’investit dans les activités du monde associatif agricole, mit sur pied la coopérative des producteurs de Manosque, favorisa la création de silos à blés dans tout le département, devint secrétaire de la Chambre d’agriculture des Basses-Alpes et président de la Caisse régionale du Crédit agricole. Il milita en faveur de la régulation du marché du blé et, en août 1938, il participa à la mise en place du comité départemental prévu par la loi instituant l’office national des céréales. Parallèlement, Louis Martin-Bret fut très impliqué dans la vie politique du département. Secrétaire de la fédération socialiste SFIO des Basses-Alpes à partir de 1927, il fut élu conseiller de l’arrondissement de Sisteron-Forcalquier en octobre 1934, puis en octobre 1937, conseiller général des Basses-Alpes (pour Manosque), élu à la commission des finances départementale.

En 1940, la Révolution nationale vichyste se traduisit, pour Louis Martin-Bret, par la perte de la plupart de ses responsabilités politiques et sociales. Hostile au nouveau régime, il fut pourtant favorable dans un premier temps, ainsi qu’en témoigne son ami et camarade de Résistance Jean Vial, à une présence au sein de la Légion française des combattants. Il y voyait, en particulier, le moyen d’obtenir des renseignements utiles.

Martin-Bret reprit rapidement contact à Aix et Marseille, avec des responsables socialistes décidés à résister, dont la plupart étaient membres de Combat. En 1942, il adhéra lui-même à ce mouvement qui fut, quelques mois plus tard, intégré dans les Mouvements Unis de Résistance (MUR). Louis Martin-Bret en fut responsable pour les Alpes, sous le pseudonyme de Michel. Il en organisa, à partir de Manosque, les diverses branches et les distributions de journaux clandestins (parfois l’édition). Il utilisa très efficacement le réseau des coopératives agricoles et des silos pour monter son équipe et tisser sa toile dans les Basses-Alpes et les départements adjacents. « Sous son impulsion, écrivit Max Juvenal en octobre 1944, les silos, châteaux-forts de la paysannerie, devinrent les boîtes postales de la Résistance ».

Après l’occupation (italienne) du département en novembre 1942, l’équipe de Manosque mena quelques opérations armées spectaculaires dont le plasticage, à titre d’avertissement, d’une porte de la maison de Jean Giono, en janvier 1943. En mai 1943, Martin-Bret organisa aussi le transfert en lieu sûr, dans les Alpes, de Maurice Chevance-Bertin, chef régional des MUR, qui, sérieusement blessé, venait d’échapper à Marseille, à la Gestapo. Mais la grande affaire, en 1943, fut le développement des maquis, alimentés par les réfractaires au Service du Travail obligatoire (STO) qui cherchaient refuge dans les régions montagneuses.

Pour préparer une action armée estimée de plus en plus nécessaire, un groupe-franc fut rassemblé à la ferme de Pellegrin (au nord-ouest de Manosque). Mais les occupants, vigilants, intervinrent le 10 juin 1943 et arrêtèrent une dizaine d’hommes. Le même jour, Louis Martin-Bret fut interpellé par les Italiens, avec Henri Masi, Mouclier, responsable du maquis, alors qu’ils se rendaient à la ferme du « Petit Valgas » (près de Pierrevert), où étaient entreposées des armes et de l’essence. Mais tous deux réussirent à s’évader. Martin-Bret figura, dans le rapport Flora - établi le 19 juillet 1943 par Dunker-Delage, l’homme clé de la Gestapo à Marseille - sous le numéro 39 de la liste des membres des MUR identifiés, comme « chef départemental MUR et auparavant de Combat ».

Louis Martin-Bret mena dès lors son action de manière totalement clandestine. Celle-ci fut multiforme, depuis la création de maquis, les actions armées, comme le sabotage de l’usine de Saint-Auban (Basses-Alpes) ou de celle d’alumine de Gardanne (Bouches-du-Rhône), les contacts avec les autres organisations de Résistance, l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), le Front national, les FTPF et la CGT. En dépit des divergences, il réussit à faire se rapprocher les diverses formations armées et, en mai 1944, à mettre sur pied, sous sa présidence, le Comité départemental de Libération (CDL) des Basses-Alpes. Lors du débarquement de Normandie, Louis Martin-Bret appliqua les consignes de mobilisation générale prévues, en particulier sur le plateau de Valensole et à Manosque. Il était pour cela en lien avec la mission interalliée de Michel (Henry Chanay). Mais en l’absence de débarquement dans le Midi, il appela rapidement au repli. La tension s’accrut alors avec l’ORA, qui entendait continuer le combat à partir des hautes-vallées alpines. Au début juillet, Louis Martin-Bret s’employa à gérer, avec le CDL, en plus de cette crise, les questions très pratiques des productions agricoles et du marché noir, des réquisitions par la Résistance et d’un ravitaillement devenu très incertain.

Le samedi 15 juillet 1944, une réunion du CDL des Basses-Alpes se tint à Oraison avec, entre autres, Marcel André, François Cuzin, Maurice Favier, Émile Latil, Louis Martin-Bret, Jean Piquemal. Certains d’entre eux, dont Martin-Bret, passèrent la nuit sur place. La réunion du CDL se poursuivit le lendemain, dans une salle au-dessus du Café de France, géré par Léon Gaubert.

Mais les Allemands, informés de cette rencontre, étaient aussi au rendez-vous. En 1945, lors de l’instruction de son procès, Ernst Dunker-Delage déclara en avoir appris la tenue grâce aux papiers saisis sur un résistant – Georges Cisson en l’occurrence, arrêté à Marseille le 12 juillet - et déchiffrés. Le SD de Marseille fut donc à l’origine de l’intervention à laquelle il participa et qui fut soigneusement préparée. Les occupants utilisèrent, pour arriver à leurs fins, une unité de Brandebourgeois. Déguisés en maquisards, comme ils avaient coutume de le faire, ces derniers simulèrent, dans la matinée du 16 juillet, des combats avec des soldats allemands – arrivés dans la localité quelques jours auparavant - et firent accroire à la population une libération du village. L’objectif était, évidemment, d’identifier le maximum de dirigeants de la Résistance. Dans l’après-midi, mettant fin à cette mauvaise comédie, ils arrêtèrent plusieurs membres du CDL et d’autres résistants.

Comme ses camarades du comité départemental de Libération, Louis Martin-Bret fut transféré à Marseille, puis fusillé à Signes le 18 juillet, et inhumé, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 689) le 17 septembre 1944, fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata l’éclatement de l’occipital et des pariétaux, vraisemblablement produit par des rafales de projectiles tirés à courte distance.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre, le 21 septembre 1944, Louis Martin-Bret fut inhumé à Manosque.

Le nom de Louis Martin-Bret figure sur une stèle, avec celui des dix autres résistants arrêtés le 16 juillet, à la sortie nord de la ville d'Oraison. Son effigie occupe la place centrale du monument « Aux martyrs de la Résistance dans les Basses-Alpes » de Manosque, avec l’inscription « Martin-Bret, chef départemental de la Résistance ». Son nom a été donné à des rues, des boulevards et des places dans les Alpes-de-Haute-Provence (Manosque, Digne, Forcalquier, Volx, Ginasservis) mais aussi dans les Bouches-du-Rhône (Gardanne). Le lycée professionnel de Manosque et une école de Villeneuve (Alpes-de-Haute-Provence) portent son nom. Une plaque fut apposée sur la ferme de Martin-Bret, « La Clémente », route d’Apt : « Ici, berceau de la Résistance bas-alpine, du 22 au 23 mars 1950, a séjourné Charles de Gaulle venu pour rendre hommage à Louis Martin-Bret, héros légendaire et martyr de la Libération ». Un timbre en son honneur a été émis par la poste française, au sein d’un ensemble « Héros de la Résistance » de 23 timbres, mis en circulation de 1957 à 1961 par séries de cinq. Celle de 1959 comprend, aux côtés de Martin-Bret, les cinq martyrs du lycée Buffon, Yvonne Le Roux, Gilbert Médéric-Védy et Gaston Moutardier.

Louis Martin-Bret fut reconnu Mort pour la France et décoré à titre posthume de la Légion d’honneur et de la Médaille de la Résistance.


Auteur : Robert Mencherini

Sources : Actes de naissance et de décès ; archives des Bouches-du-Rhône, 1R1440 registre matricule des états de services militaires ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, Interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1 et 42 ; La Liberté des Basses-Alpes, organe du CDL des Basses-Alpes, n°5, 30 septembre 1944 ; La Résistance des Basses-Alpes, 5 octobre 1944 ; presse quotidienne régionale ; Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, rééd. 1990, p. 351 et sq. ; Jean Vial, Un de l’AS bas-alpine. Souvenirs d’un résistant, Marseille, Chez l’auteur, imprimerie Villard, 1947, 3e rééd., Imprimerie Villard, 1990, pp. 214-218 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977, 3 volumes, 820 p. ; Madeleine Baudoin, Histoire des groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la Libération, Paris, PUF, 1962 ; Jean-Christophe Labadie, La répression allemande. Basses-Alpes 1943-1944, Digne, Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, 2014, pp. 121-125 et recueil documentaire, pp. 20-21 ; Thérèse Dumont, Jean-Marie Guillon, notice in Maitron en ligne ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014 ; Chevance-Bertin (général), Vingt mille heures d’angoisse, 1940-1945, Paris, Robert Laffont, 1990 ; Commission départementale de l’information historique pour la paix, Le Mémorial de la Résistance et des combats de la Seconde Guerre mondiale dans les Basses-Alpes, Digne, 1992 ; Hélène Vésian, Claude Gouron, Les chemins de la liberté, sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI/AMRID, 2004.