Meules de foin et carcasses de planeurs à Vassieux-en-Vercors

Légende :

Pendant plusieurs années les vestiges des planeurs parsèment les prairies jouxtant Vassieux-en-Vercors.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Bleicher Maurice Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

Un des intérêts de la photographie est de percevoir l'activité agricole du lieu : l'élevage. Les meules de foin sont des réserves d'aliments pour les bovins qui doivent rester dans les étables durant les hivers rigoureux régnant sur le massif. Ce paysage traditionnel a disparu progressivement avec la construction ou la reconstruction de hangars à foin et l'arrivée des presses qui délivrent des ballots de foin facilement entassés dans les hangars. Depuis une dizaine d'années cette technique est, en partie, remplacée par celle des presses à fourrage qui produisent des bottes de foin protégées par un film plastique qui permet un stockage à l'air libre. Actuellement, on peut apercevoir ces alignements de bottes qui ont remplacé les meules de foin.

La photographie représente des carcasses de fuselages de planeurs d'assaut. Elle a été prise à l'est de Vassieux, en bordure de la route départementale 76. Une ligne électrique longe cette route. En juillet 1944, les travaux d'aménagement de la piste « Taille-crayon » par la Résistance avait conduit à sa dépose. En arrière des fuselages, de nombreuses meules de foin témoignent de l'activité essentielle du lieu, l'élevage. On distingue les ruines des maisons du village. L'ensemble est dominé par la montagne de Grand-Côte, à gauche, au sud, l'inflexion du col de La Chau et la montagne dominant le hameau de Jossaud. Le vieux chemin d'accès au col rejoint la route départementale 76 au niveau de ce dernier. Leur tracé est marqué par les deux sillons blanchâtres à travers la forêt. Des carcasses des 42 planeurs posés les 21, 23 et 24 juillet 1944 ont été regroupées en plusieurs lieux. Sur la photographie, on peut distinguer au premier plan le fuselage d'un Gotha 242. À droite, un fuselage de DFS 230 permet d'apprécier sa différence de taille avec le planeur précédent. En arrière du DFS 230, on aperçoit un amoncellement de fuselages. Pour les deux types de planeurs, on constate qu'il ne subsiste plus que la carcasse des fuselages. La toile qui les recouvrait a disparu, les Allemands ayant incendié leurs appareils quand ils ont quitté le massif au début d'août 1944.

La photographie est intéressante aussi dans la mesure où, pendant plusieurs années, les habitants de Vassieux ont vécu au milieu des ruines de leur village et au contact des engins qui ont amené les soldats responsables des destructions. Ils ont aussi, dans une période de pénurie, récupéré des éléments de ces planeurs, notamment des tubes à des fins diverses, comme la fabrication d'échelles, des piquets pour limiter des jardins et soutenir des grillages, etc. Progressivement, les carcasses ont disparu, détruites, ferraillées. Seuls quelques fuselages ont été conservés dont ceux que l'on peut observer à la nécropole et au musée de la Résistance de Vassieux. Ce n'est que récemment que l'on a pris conscience de la valeur historique de ces vestiges. Un fuselage, d'ailleurs récupéré à Vassieux, est en cours de restauration au musée de l'air du Bourget. En Allemagne, à Berlin et à Munich, deux DFS 230 peuvent être aperçus dans leur intégralité.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Dans le cadre de l'opération Bettina, il est nécessaire de connaître, le plus précisément possible, l'histoire et la composition des unités qui ont été déposées les 21 et 23 juillet 1944 à Vassieux. Ainsi, rumeurs, erreurs peuvent être corrigées.

Le groupe du 21 juillet 1944 :

Il est composé de :
Deux compagnies de chasseurs-parachutistes de la Kampfgeshwader 200 (escadre de combat 200) d'environ 160 hommes. Il est nécessaire de préciser l'histoire de ces chasseurs parachutistes car une confusion est née de leur dénomination. Contrairement à ce qui est parfois dit ou écrit, il n'y a pas eu de parachutistes largués à Vassieux. Les Allemands ont abandonné les opérations aéroportées après la coûteuse affaire de Crête en 1941. Il n'y a pratiquement plus de divisions de parachutistes dans l'armée allemande. Cependant, la Luftwaffe possède encore quelques unités indépendantes pour des missions spéciales. En février 1944, est créé le Kampfgeschwader 200 - escadre de combat 200. Cette unité est composée de deux groupes. Le 1er rassemble tous les moyens nécessaires au transport d'agents d'espionnage ou de sabotage (notamment des avions capturés aux Alliés et utilisés avec un marquage allemand). Le 2ème regroupe quelques centaines d'hommes, souvent anciens parachutistes, entraînés pour des missions spéciales ponctuelles. Le groupe est commandé par le major (commandant) Hans Jugwirt, vétéran parachutiste. Dès mars 1944, des volontaires, 350 environ, commencent un impitoyable entraînement à Dedelstorf. Des groupes d'assaut de neuf hommes sont formés, correspondant aux neuf places du DFS 230. Chaque groupe est fortement armé : une mitrailleuse MG42, sept fusils Mauser KO8K et un fusil à lunette STG44. Cette précision technique prend toute sa valeur quand on connaît la faiblesse de l'armement des résistants du Vercors. Ces derniers vont affronter des soldats supérieurement entraînés et armés.


Un détachement du service de sécurité de Lyon, environ 20 à 30 hommes. Cette unité, commandée par le SS Obersturmfuhrer (lieutenant colonel) Werner Knab, est chargée de la répression de la Résistance dans les départements du Rhône, de la Loire, de la Haute-Savoie, de la Drôme et de l'Isère. Knab a sous ses ordres Klaus Barbie. Il participe à l'opération, se pose en planeur avec « une vingtaine/trentaine de Français en uniformes allemands, probablement d'anciens miliciens ». Alain Chazette, reprenant un ouvrage allemand précise : « Une vingtaine de DFS 230 remorqués par des Do 17, en provenance de Strasbourg, appartenant au I./LLG1 (Hauptmann Krug) et en particulier à sa 2.Staffeln, déversent sur le plateau du Vercors une première vague d'assaut de parachutistes allemands ». Ceux-ci sont constitués d'une part de parachutistes appartenant au bataillon du major (commandant) Hans Jungwirth basés depuis le 14 à Lyon-Bron (Fallschirmschule 1 du XI.Fliegerkorp dirigée par l'Hauptmann (capitaine) Hornburg, d'une compagnie du II./Kampf-Geschwader 200 sous les ordres de l'Oberleutnant (lieutenant) Friedrich Schaëfer et, d'autre part, des éléments de la 8.(Leg.) Kp.3./Rgt.Brandenburg. Les parachutistes proviennent initialement du centre d'instruction de Mannheim alors que la 8.(Leg.) Kp.3./Rgt.Brandenburg est détachée de la division du même nom et rebaptisée Streifkorps Frankreich Süd. La 8e compagnie du régiment Brandenburg fait partie intégrante du 3e. Régiment Brandenburg sous le commandement de l'Obersleutnant (lieutenant-colonel) Fritz Jacobi et de son 2ème bataillon dirigé par l'Hauptmann Bansen. Ce bataillon constitué initialement de quatre compagnies (5-8 Kp) et d'une compagnie italienne d'emploi spécial "M". En octobre 1943, est mise sur pied la 8ème compagnie du 3ème régiment Brandenburg formée à l'origine de volontaires russes et à cette date elle va regrouper un certain nombre de volontaires francophones. Cette compagnie stationnée dans le secteur de l'AOK 19 est alors rattachée au bataillon de transmissions de la 19ème armée allemande. En avril 1944, le bataillon du 3ème régiment Brandenburg sous les ordres du Hauptmann Helmuth Pinkert et en particulier la 8ème compagnie du 3ème régiment Brandenburg commandée par le lieutenant Neubauer, se battent tous les deux en Italie. Le 14 juillet 1944, la 8ème compagnie est détachée de la division du même nom puis rebaptisée Streifklorps Frankreich Süd. L'Hauptmann Traeger nouveau commandant de l'unité dispose alors de deux Einsatzgruppen et d'un kl.Führungsstab avec une Nach-Zug. Cette compagnie participera à l'attaque du Vercors et un planeur sera même abattu le 21 juillet au hameau de La Mure où seront recensés huit morts : trois soldats d'origine française, quatre Ukrainiens et un officier.

Le groupe du 23 juillet 1944 :

Il est très différent. Il est formé de :
Une compagnie de légionnaires de l‘Est (Ost Legionare) (Freiwillingen -Stam Division- Regiment 3) de 150 hommes. Elle est composée de troupes de l'Est de l'Europe, souvent enrôlées de force dans l'armée allemande. Pour la population régionale, ces soldats sont appelés les Mongols. Faits prisonniers, des soldats racontent que le régiment engagé dans le Vercors venait de Belgique. La compagnie est dirigée sur Macon, transportée à Bourg-Saint-Maurice via Lyon, et finalement à Valence-Chabeuil d'où elle décolle le 23 juillet. On met au compte de ces hommes les exactions commises dans le Vercors plus que les soldats déposés le 21 juillet qui ne firent pas de quartier mais ne perpétrèrent pas des atrocités. Un encadrement de cette compagnie est assuré par 50 chasseurs-parachutistes.

La description des unités qui ont atterri à Vassieux et particulièrement celle de « Mongols » renforce le sentiment d'horreur quand on regarde ces vestiges qui deviendront un lieu de visite. Paradoxalement, de nombreuses photographies de familles, d'enfants montrent des personnes assises sur les carcasses de sièges de DFS 230, souriant et inconscients de ce que représentent ces morceaux de ferraille ou de tôles d'aluminium.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et la Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.