En 1944, l'Etat clandestin produit ses propres édits

Légende :

Scène illustrant le pouvoir exercé dans un secteur du Limousin en 1944 par le maquis de Georges Guingouin. Au lieu des prix imposés par les services de Vichy,  "le préfet du maquis" fixe par voie d'affiche ses propres prix des aliments de base.

Genre : Film

Type : Film

Source : © Ciné Archives - Fonds audiovisuel du PCF - Mouvement ouvrier et démocratique Droits réservés

Détails techniques :

Séquence extraite de R5 autour d'un maquis
Réalisation : Paton et Georges Lannes
Avec Pierre Louis et René Blancard

Date document : 1945

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Limousin) - Haute-Vienne

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Analyse média

R5 Autour d'un maquis a été réalisé sans doute juste après la Libération, pour retracer l'histoire du maquis de Georges Guingouin.  Instituteur en Haute-Vienne, ce militant communiste était à l'origine d'un des premiers et des plus actifs maquis du Limousin.  R5 était le nom de code du Limousin pour la Résistance, qui avait divisé la zone sud en six régions.

Ce film, comme d'autres tournés après la Libération, présente les protagonistes réels (dont Guingouin) dans des scènes reconstituées. Il est surtout connu par le biais de photographies (extraites du film ou faites à l'occasion de son tournage) que l'on retrouve dans les livres consacrés à ce maquis et à son chef. Ces photos apparaissent dès 1945 dans la brochure R5 éditée à Limoges par le "Comité d'organisation de secours aux combattants de Limoges".


Bruno Leroux

Contexte historique

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Les maquis, incarnation d’une autorité concurrente de Vichy

Les maquis ne se contentent pas de mener des actions militaires et cherchent également à incarner un contre-pouvoir par rapport au régime de Vichy. Alors que la propagande vichyste ou allemande tend à les faire passer pour des « terroristes » ou des « bandits », ils s’efforcent de montrer aux populations que, loin d’être source de désordre, ils incarnent au contraire une autorité nouvelle. Pour bien montrer qu’ils sont à la tête d’une armée disciplinée, des chefs de maquis organisent à l’occasion du 11 novembre 1943 des occupations temporaires de petites villes ou de villages, qui s’accompagnent d’un défilé en uniformes. La plus célèbre fut celle organisée à Oyonnax, par Romans-Petit, dont l’impact sera considérable : le petit film tourné pour l’occasion contribuera à convaincre les Britanniques − assez méfiants jusque-là à l’égard des maquis qu’ils pensaient peu organisés − de les armer.

Indispensables à la survie du maquis, les différentes réquisitions font également l’objet d’un maximum d’encadrement afin qu’elles ne soient pas considérées comme du pillage. Il y eut bien sûr des dérives de la part de quelques chefs se comportant comme de petits seigneurs de guerre. Mais dans sa « charte du maquisard », le Service national maquis appelait à privilégier les réquisitions auprès des services de Vichy (Chantiers de la Jeunesse française, entrepôts du Ravitaillement) plutôt qu’auprès de particuliers. Il demandait aussi aux maquisards de payer dans la mesure du possible leurs réquisitions (sauf lorsqu’elles apparaissaient comme des « confiscations » à l’égard de trafiquants) ou de remettre des bons d’indemnisation permettant un remboursement futur. D’une façon générale, plus les réquisitions étaient encadrées, plus le soutien de la population locale au maquis était affirmé.

Les maquis les plus importants instaurent, dès la seconde moitié de 1943, un contrôle des territoires où ils sont implantés, provoquant un processus d’inversion du pouvoir. Dans certains endroits, des chefs s’intitulant « préfets du maquis » publient des « arrêtés » affichés sur les places de villages : listes de prix agricoles (supérieurs aux taxations de Vichy), directives en matière de ravitaillement (interdiction de livrer aux organismes de Vichy). Les maquis exercent aussi dès 1943 une action épuratrice. Des amendes sont imposées aux trafiquants. Les délateurs ou collaborateurs, mais aussi de « faux maquisards », sont jugés par des tribunaux fonctionnant sur le modèle de la justice militaire. Des exécutions ont parfois lieu en public, sur la place d’un village.

[...]


Fabrice Grenard

Extrait de son article "L'histoire des maquis: évolutions historiographiques et état des connaissances", La Lettre de la Fondation de la Résistance, n°72, mars 2013, p. IV