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Premier numéro de Midi-Soir, 7 septembre 1944

Légende :

Une de Midi-Soir, supplément de La Marseillaise, journal du Front national, 7 septembre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © AD Bouches-du-Rhône - PHI 413-1 Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal (voir recto-verso).

Date document : 7 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le 7 septembre 1944 sort le premier numéro du supplément vespéral de La Marseillaise, Midi-Soir.
Comme les autres publications de l'époque, le journal se compose d'un recto-verso et est publié en grand format pour son premier numéro. Le bandeau ne précise pas que La Marseillaise est l'organe du Front national. La une est très éclectique. Si le titre principal traite des opérations militaires qui sont développées dans le reste du journal, l'article consacré au général de Gaulle vise à mieux faire connaître aux lecteurs le chef de la France libre, tout en l'humanisant par des anecdotes familiales qui insistent sur la simplicité du train de vie de la famille de Gaulle.

Mais l'attention des lecteurs peut aussi être attirée par la photo de deux grandes vedettes hollywoodiennes, Carole Lombard et Robert Montgomery. Sous le titre « Hip ! Hip ! Hourrah ! Nous allons « les » revoir », Marcel Blisten se félicite du retour des films américains sur les écrans marseillais. Le journaliste éprouve le besoin d'écarter toute accusation de frivolité : « Comment, diront peut-être certains, est-il possible d'attacher tant d'importance à un plaisir et à des artistes alors que le monde se bat ? » Le cinéma hollywoodien devient à la fois le symbole d'une avant-guerre heureuse et l'annonce de lendemains qui chantent : « Les films américains étaient à tel point le symbole d'une vie heureuse que nous avons la certitude que leur retour coïncident [sic] avec la réapparition des beaux jours et du bonheur. » Il incarne l'antithèse du cinéma allemand, sans que les stéréotypes soient épargnés : « À la sortie d'une lourde comédie boche, comme nous évoquions avec mélancolie ces charmantes comédies américaines, faites avec rien, mais légères, vaporeuses, pétillantes, jeunes. Devant la manière appuyée d'acteurs teutons, comme nous manquait le jeu subtil d'un William Powell ou d'une Mirna Loy.» Avec une certaine muflerie, le journaliste s'interroge sur les dégâts que quatre années ont pu produire sur les vedettes féminines. Marlène Dietrich est renvoyée au passé : « Je me demande si nous verrons encore beaucoup Marlène, ses jambes, ses plumes et ses faux cils, Marlène Dietrich qui n'était pas une comédienne extraordinaire mais dont nous avons si souvent rêvé. » L'article se poursuit en page deux, ce qui montre l'importance accordée par la rédaction à la libération culturelle. Les tribulations des animaux du zoo de Marseille donnent aussi lieu à un article illustré par une photo sous le titre « Avec les rescapés du zoo ». Il s'agit, là encore, de renouer les liens avec un passé léger et de persuader les lecteurs que l'on peut à nouveau se soucier de Jambon-le-singe ou de la perroquette-Dingo.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Lorsque cet article paraît, Marseille et le département sont libérés. Dès le 24 août 1944, Raymond Aubrac, commissaire régional de la République, a pris ses fonctions à la préfecture, avec pour mission de réaffirmer l'autorité de l'Etat républicain. Il doit assurer le ravitaillement de la population, qui souffre de très graves pénuries, garantir l'ordre tout en épurant. Les journaux se font l'écho des préoccupations des Marseillais dans ces domaines, ainsi que de la poursuite des combats sur les différents fronts. Les rapports des renseignements généraux indiquent que les Marseillais sont avides de nouvelles et achètent massivement les journaux qui leur sont proposés.
Avant même la fin des combats à Marseille, des groupes de résistants investissent les locaux des quotidiens d'avant-guerre qui avaient poursuivi leur parution pendant l'Occupation et avaient activement soutenu le régime de Vichy. Des militants socialistes font paraître Le Provençal sur les presses du Petit Provençal, des membres du Front national et du Parti communiste font de même au Petit Marseillais, ils publient La Marseillaise et Rouge-Midi. La commission de Presse du CDL, qui se reconnaît dans les orientations des trois quotidiens, valide leur parution, entérinée par l'arrêté n° 33 du commissaire régional de la République par intérim, le 2 septembre 1944. Le Provençal et La Marseillaise reçoivent l'autorisation de publier un supplément vespéral, Le Soir pour Le Provençal, Midi-Soir pour La Marseillaise. Midi-Soir tire à 30 000 exemplaires en juillet 1945.
Dès leur première parution, les quotidiens ont fait une place aux informations qui renouaient avec l'avant-guerre : les sports et les spectacles. Dès le 2 septembre 1944, le directeur de l'Office français de l'information cinématographique annonçait aux directeurs de cinéma marseillais qu'une quarantaine de films américains seraient bientôt à leur disposition. Le Provençal titrait dès le lendemain : « Mickey, Donald, Gary Cooper, Clark Gable seront dans quelques jours parmi nous. » Le retour sur les écrans des vedettes hollywoodiennes devient la manifestation de la liberté retrouvée. Les trois quarts des écrans marseillais projettent dans les semaines qui suivent la Libération des films américains de la fin des années trente. Le public marseillais découvre ainsi Blanche neige et les 7 nains, sorti en 1937. Cette domination de la production américaine se poursuit dans les années suivantes et fait l'objet de critiques, en particulier de Marcel Pagnol.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014.