Caméra cachée

Légende :

Caméra « Emel » avec objectif Berthiot de 8 mm dissimulée dans un faux livre en bois

Type : Objet

Producteur : Cliché Denis Gliksmann

Source : © Coll. MRN - Champigny-sur-Marne, Don de Francis Porret Droits réservés

Détails techniques :

Faux livre en bois recouvert de papier.
Dimensions: H 22,7 cm, largeur 16,7 cm, épaisseur 8,6 cm.

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Analyse média

Projectionniste à Enghien-les-Bains, Francis Porret achète chez un photographe de Bayonne cette caméra amateur Emel avec objectif de 8 mm. La diversification du marché amateur dans les années 1930 a permis un progrès du matériel photographique, avec en particulier une miniaturisation des caméras (et l’invention en 1932 par Kodak de la pellicule 8 mm) qui va lui permettre de camoufler son engin dans un faux livre, taillé à partir d'un morceau de bois.

Porret réussit par la suite à obtenir un Ausweis avec le titre d'opérateur de cinéma, ce qui lui permettra de se réalimenter sans problème en pellicules Kodak. Avec cette "caméra cachée", il va tourner clandestinement des scènes de la vie quotidienne dans Paris occupé.

Le "livre", une fois ouvert, laisse voir le mécanisme de déclenchement de la caméra, confectionné avec une tringle en métal: une légère pression sur le bout de tringle dépassant du livre fermé permet d'actionner le déclencheur. La clé visible sur le corps de la caméra permet de remonter la bobine (laquelle était chargée en ouvrant la caméra de l'autre côté, le livre pouvant s'ouvrir des deux côtés).


Bruno Leroux

Source:
Xavier Aumage et Céline Heytens, Mémoires d'objets, histoires de résistants, Editions Ouest-France, 2016.

Contexte historique

Les photographies et les films font partie des procédés utilisés par les résistants pour témoigner sur l'Occupation et sur leur combat. On peut distinguer plusieurs méthodes, suivant les circonstances.

Les films et photographies les plus connus sont ceux réalisés dans des zones contrôlées par les maquis en 1943-44, donc dans des conditions sinon "normales", du moins sans précaution particulière en matière de dispositif de prise de vues. C'est le cas des photos et du film tournés lors du défilé des maquis de l'Ain dans la ville d'Oyonnax, le 11 novembre 943, pour répandre en France et auprès des Alliés un message précis: ce défilé prouvait que les maquisards n'étaient pas les "bandits" décrits par la propagande de l'occupant mais une véritable armée organisée et disciplinée. Film et photos sont parvenus à Londres, tout comme le film Ceux du maquis tourné à la même période à la demande de la Délégation générale en France du Comité français de la Libération nationale (siégeant à Alger), pour convaincre les Alliés de parachuter des armes aux maquisards.

D'autres photographies ou films ont été réalisés dans des conditions plus risquées, sous l'oeil de l'occupant ou des forces de l'ordre vichystes. C'est le cas en particulier des photographies qui nous sont parvenues de manifestations patriotiques, prises à la va-vite. Mais il y a eu aussi quelques films, tournés par des amateurs ou des professionnels en milieu urbain. On est généralement peu renseigné sur les intentions de ces opérateurs. Ils pouvaient simplement vouloir témoigner pour l'avenir, sans but précis et en gardant par devers eux les images ainsi filmées, ou bien avec le vague espoir de les faire parvenir au monde libre sans attendre la Libération. Enfin, en 1944, la proximité espérée de la Libération a pu susciter l'envie de tourner et stocker des images afin qu'elles soient intégrées après la guerre à des documentaires sur la Résistance.  

L'exemple le plus connu de ce type de film est celui d'Albert Mahuzier,. Son documentaire Réseau X, réalisé fin 1944, contient des séquences filmées sous l'Occupation, le 9 juin 1944, montrant plusieurs aviateurs alliés "planqués" en plein Paris. Il sont d'abord interviewés dans un appartement, leur interview étant filmé avec du matériel professionnel. Puis, avec une caméra cachée, Mahuzier les filme en train de déambuler dans Paris, se mêlant parfois à des soldats allemands ou posant devant une affiche qui rappelle que l'aide aux militaires alliés est punie de mort...Dans la perspective d'une sortie après la Libération, ce "reportage" devenait une forme de preuve de la puissance de l'Etat clandestin en 1944, capable d'occuper l'espace public sans que l'occupant ne se rende compte de sa présence. 


Bruno Leroux

Source:  
"Les photographies de la Résistance", dossier thématique in La Lettre de la Fondation de la Résistance, n°78, septembre 2014
Albert Mahuzier, Caméra sous la botte, Presses de la Cité, 1963