La famille Cherpi, illustration du réseau des résistants sédentaires

Légende :

De 1940 à 1944, Louis et Fernande Cherpi font de leur domicile un lieu d'accueil, d'aide et de réconfort pour tous ceux, prisonniers de guerre évadés, résistants clandestins, aviateurs alliés, qui cherchent à échapper à l'occupant et qui le combattent - ici, en août 1940

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Collection privée Joël Drogland, don de Denise Alainguillaume, née Cherpi Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en noir et blanc (août 1940). 

Date document : Août 1940

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Vaudeurs

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Analyse média

La photographie a été prise pendant l'été 1940, à la ferme des Foix, sur la commune de Vaudeurs, à une vingtaine de kilomètres de Sens. Cette ferme appartenait à Louis et Fernande Cherpi, qui l'avaient achetée en 1936.
Sur la photographie, Louis est le 4e en partant de la gauche ; Fernande, la seconde en partant de la droite ; leur fille Denise se tient à gauche de son père et ses deux jeunes frères sont à sa gauche. Avec eux, sur la photographie, quatre soldats algériens, prisonniers de guerre évadés.

En effet, dès juin 1940, les époux Cherpi hébergent et cachent des prisonniers de guerre. Les uns viennent de Cerisiers, où ils étaient consignés par la Wehrmacht, les autres sont placés par l'occupant dans les fermes de la région. Les époux Cherpi les cachent, leur fournissent des habits civils et se mettent en quête de faux papiers. C'est alors qu'intervient l'abbé de Ternay, curé de Vaudeurs, que les Cherpi, catholiques fervents, connaissent bien, et qui est passé maître dans l'art des faux papiers (lui aussi est un résistant sédentaire).
Ce sont ainsi seize prisonniers de guerre qui peuvent s'échapper de juin 1940 à août 1941. Parmi eux, plusieurs Algériens, qui parviennent à regagner leur pays et le font savoir à ceux qui les ont aidés.

Dans les années suivantes, la ferme sera un lieu d'accueil pour des responsables clandestins du Front national et pour un évadé du centre de détention de Vaudeurs. En mars 1944, les Cherpi accueillirent trois aviateurs américains, et en mai 1944, un aviateur australien. Dénoncés, ils furent arrêtés par la Gestapo auxerroise le 24 mai 1944, mais échappèrent à la déportation.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

Témoignage de Mme Denise Alainguillaume, fille aînée de Louis et Fernande Cherpi - recueilli en 1997.

Témoignage de Robert Loffroy - recueilli en 1996.

Joël Drogland, Histoire de la Résistance sénonaise, Auxerre, ARORY, 2e édit., 1998.

Contexte historique

Les sédentaires sont des résistants qui ne sont pas clandestins. Ils ont gardé leur domicile, leur profession et leur véritable identité ; ils sont même fréquemment connus et estimés dans leur lieu de résidence et aux alentours, ce qui est un atout pour la Résistance. Ils se distinguent ainsi des maquisards et des résistants en constante mobilité : cadres interdépartementaux ou nationaux (munis de faux papiers) et agents de liaison (qui, en revanche, ne sont pas toujours clandestins). Ils sont intégrés à une organisation ou en relation avec une ou plusieurs organisations.

Les sédentaires constituent un ensemble au sein duquel il est possible de distinguer :

- Des groupes structurés pour l’action, homologués par l’organisation à laquelle ils appartiennent. Les membres du groupe se réunissent pour des actions de sabotage, de réception de parachutage, ou pour tout autre type d’action ;

- Des individus, femmes et hommes ou des familles qui, dans le cadre d’une organisation, ou en dehors de toute organisation mais en contact avec elle, acceptent d’accueillir, de loger et de cacher des résistants de passage, de servir de « planques », de « boîte aux lettres », d’organiser chez eux des réunions, et même d’y entreposer des armes. Il arrive que ces sédentaires participent eux aussi à des réceptions de parachutages ou à des actions de sabotage.

Le résistant sédentaire a un rayon d’action limité à un secteur géographique bien défini, sa ville, son village, sa région si elle a une individualité physique bien marquée (la Puisaye, le Morvan, le Pays d’Othe). Bien implanté, estimé de tous, il connaît les gens, les bois et les chemins. Il peut rendre bien des services selon sa profession : garagiste, boulanger, secrétaire de mairie, agriculteur, etc.

La frontière est mouvante entre sédentaires et clandestins. Il arrive souvent que le sédentaire franchisse le pas et devienne clandestin quand l’arrestation le menace : ainsi, Pierre Argoud, vétérinaire, notable connu dans toute la région d’Aillant, devient clandestin au cours de l’hiver 1943-1944 ; de même les sédentaires de Ravières deviennent le maquis Vauban en février 1943.

Le fait que les résistants sédentaires soient très nombreux, individus, familles, groupes, plaide pour un enracinement social profond de la Résistance. L'existence conjuguée des résistants sédentaires et de très nombreux groupes de maquisards actifs et mobiles, ainsi que la répression qui en est la conséquence inéluctable permettent de comprendre que la mémoire de la Résistance soit restée ancrée dans l'espace et dans la mémoire collective des communautés villageoises du département.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004.

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éd. Tirésias, 2007.