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L'introuvable musée de la Résistance icaunaise

Légende :

La Maison du Combattant, rue Basse-Moquette à Auxerre, siège d’un petit musée de la Résistance icaunaise ayant fonctionné quelque temps dans les années 1990, mais depuis à l’abandon

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Collection Claude Delasselle Droits réservés

Détails techniques :

Photographies numériques en couleur (2017) - Voir recto-verso.

Date document : 29 janvier 2017

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Auxerre

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Analyse média

Lorsque l’Association pour la Recherche sur l'Occupation et la Résistance dans l'Yonne (ARORY) a été créée, en 1988, l'un de ses objectifs prioritaires était la réalisation d’un musée de la Résistance de l’Yonne, à Auxerre, chef-lieu du département de l’Yonne. Des locaux, baptisés « Maison du Combattant », situés rue Basse-Moquette, avaient été mis à disposition des associations d’anciens combattants, d’anciens résistants et déportés, et de l’ARORY par la municipalité d’Auxerre, avec le soutien du député-maire d’Auxerre, Jean-Pierre Soisson. Ces locaux devaient à la fois accueillir ce futur musée et servir de lieu de réunion pour ces associations.

Un petit groupe d’anciens résistants s’était alors mis à la tâche. Un appel à fournir des documents, textes, photos, objets, armes, etc. avait permis de réunir rapidement de nombreux objets et documents, prêtés ou donnés par des résistants ou leurs familles. Un petit musée, limité à une seule pièce d’environ 70 m2, avait été rapidement installé par ce petit groupe de volontaires, qui se chargeait aussi d’assurer une permanence et de le faire visiter, en particulier à des groupes d’élèves. Malheureusement, ces volontaires, déjà âgés pour la plupart, ont vu leur nombre et leurs forces s’amenuiser rapidement et, à la fin des années 1990, il n’y avait plus personne pour assurer les permanences ni les visites. Par ailleurs, à la suite de dissensions entre le président de l’ARORY, Jacques Direz, et d’autres membres de cette association (dont les créateurs du musée), l’ARORY avait été expulsée de la Maison du Combattant en 1997 et avait dû s’installer dans d’autres locaux. Depuis, le musée est fermé, les collections de ce musée restant stockées dans un local voisin de la Maison du Combattant, appartenant à la municipalité d’Auxerre.

En 2010, l’ARORY avait proposé à la municipalité d’Auxerre de transférer ces collections inutilisées dans les vastes locaux de l’abbaye Saint-Germain, aux côtés des autres salles de ce grand musée. Non seulement cela aurait permis de disposer de surfaces beaucoup plus vastes que le petit musée de la Maison du Combattant, mais surtout de profiter de la présence et des compétences du personnel du musée Saint-Germain pour assurer une réalisation muséographique moderne et la pérennité des visites. Malheureusement, la municipalité d’Auxerre a décliné cette proposition.


Auteur : Claude Delasselle

Contexte historique

D’autres tentatives ont été faites pour créer, dans l’Yonne, un musée de la Résistance. La plus connue est celle initiée par l’amicale du groupe de résistance Bayard, à Joigny. Dans les années 1990, cette amicale très ancienne (fondée en 1945) et encore très active à Joigny et dans ses environs a créé un petit musée dédié avant tout à la mémoire du groupe Bayard, en utilisant des documents et objets fournis par d’anciens résistants de ce groupe. La municipalité de Joigny avait alors accepté de mettre à sa disposition un petit local situé dans le centre ancien de la ville, rue Boffrand. Comme à Auxerre, ce musée a été conçu et créé par d’anciens résistants n’ayant aucune notion de muséographie moderne, même s’ils avaient reçu l’aide d’un universitaire, Jean-Yves Boursier, s’intéressant à la mémoire du groupe Bayard à Joigny. Plus encore qu’à Auxerre, ce petit musée est installé dans des locaux particulièrement exigus, ce qui en rend difficile la visite par des groupes scolaires. D’autre part, le vieillissement des anciens du groupe Bayard risquait d’entraîner, comme à Auxerre, la fermeture de ce musée. Consciente de ce risque, la municipalité a accepté de mettre du personnel à disposition de l’amicale pour assurer l’accueil du public.

En 2012, la nouvelle municipalité de Joigny a tenté de créer un musée plus ambitieux, dédié à la mémoire de l’ensemble de la Résistance icaunaise, et non pas à la seule mémoire du groupe Bayard, dans les locaux récemment désaffectés de l’ancien Groupe Géographique de l’Armée. Mais ce projet, poursuivi pendant deux ans et auquel ont participé activement deux membres de l’ARORY, a finalement été abandonné pour des raisons essentiellement financières, la municipalité de Joigny n’ayant pas les moyens de réaliser à elle seule et de pérenniser un tel musée. Le Conseil départemental de l’Yonne, qui, dans les années 1990 s’était montré disposé à fournir une aide financière et des locaux adaptés au projet de musée porté par l’ARORY, a depuis changé de politique à cet égard et refuse toute participation financière au projet jovinien.

Un autre acteur de la mémoire de la Résistance icaunaise, Jean-Luc Prieur, petit-fils d’un résistant déporté, collectionneur lui-même d’objets de cette période et depuis quelques années président départemental de l’ANACR, avait fondé en 1995 une association, l’AMMRY (Association pour un Musée Mémorial de la Résistance de l’Yonne), dont le but était de créer un musée de la Résistance dans le Sénonais. Plusieurs tentatives de sa part pour entraîner des élus du nord du département (en particulier la municipalité de Sens) dans ce projet ayant échoué, il s’est rallié à un nouveau projet relancé en 2016 par le maire de Joigny, Bernard Moraine. Dans ce nouveau musée, implanté dans les locaux de la mairie de cette ville, prendraient place les collections personnelles de Jean-Luc Prieur et, si l’amicale Bayard l’acceptait, celles du petit musée de la rue Boffrand. Mais des dissensions persistantes entre la municipalité de Joigny et les responsables actuels de l’amicale Bayard, ainsi que des incertitudes sur les capacités de la municipalité de Joigny à financer un tel projet, le rendent encore bien incertain.

Ainsi, malgré les multiples tentatives lancées depuis près de 30 ans, aucun véritable musée de la Résistance de l’Yonne n’a encore vu le jour dans le département. Aux difficultés de financer un tel organisme et surtout d’en assurer le fonctionnement durable, s’ajoutent les dissensions personnelles entre les résistants ou les associations qu’ils ont créées, et surtout la concurrence des mémoires particulières des différents groupes de résistance.

Les deux musées de la Résistance les plus proches du territoire de l’Yonne sont le musée de la Résistance en Morvan de Saint-Brisson, dans la Nièvre, créé et géré par l’ARORM (Association de Recherche sur l’Occupation et la Résistance en Morvan), et celui de Lorris-en-Gâtinais, dans le Loiret. Tous deux ont une vocation régionale plus que départementale et n’ont pu voir le jour et se maintenir que grâce au soutien financier constant des autorités locales et départementales, et même régionales. Un musée de la Résistance à vocation uniquement départementale est-il viable ? Etant données les difficultés financières et la faible fréquentation que connaissent de nombreux petits musées de province, la question mérite au moins d’être posée.


Auteur : Claude Delasselle