Commémorations au monument des déportés et fusillés de l'Yonne

Légende :

Le groupe de déportés sculpté devant le monument départemental des déportés et fusillés de l'Yonne, place Saint-Amâtre à Auxerre

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Cliché Claude Delasselle Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur (2003).

Date document : 1er septembre 2003

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Auxerre

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Analyse média

Ce monument imposant se dresse au centre de la place Saint-Amâtre, à peu de distance du centre-ville d’Auxerre. Il se compose d’un grand parallélépipède bâti en pierre blanche, de 5 mètres de haut sur 5 mètres de large et 2 mètres de profondeur, sur lequel sont gravés, par ordre alphabétique, les noms et prénoms des déportés de l’Yonne morts en déportation, ainsi que les noms d’internés fusillés de l’Yonne.
En haut de la face dominant le parvis, sous l’inscription : « Ceux-là ont été exterminés en déportation » se succèdent les noms de déportés, hommes et femmes, déportés raciaux ou non.
Les deux faces latérales portent les noms d’internés fusillés mais aussi de déportés (il faut malheureusement signaler que des erreurs ont été commises à l’époque de la construction du bâtiment (1949), que certains noms de déportés ou de résistants fusillés manquent, et que d’autres noms ont été inscrits, à la demande des familles, alors qu’il ne s’agissait pas de résistants de l’Yonne).

Au pied de la face, dominant le parvis, se trouve également un bloc de sculptures de grande taille en pierre blanche représentant cinq déportés, debout ou accroupis, décharnés et au regard halluciné, se soutenant mutuellement.

Cette construction est installée sur un socle auquel on accède par trois marches et domine une place dallée, où se massent les participants lors des cérémonies qui ont lieu en cet endroit. Cette place est semée de 10 blocs de pierre calcaire disposés en demi-cercle, sur lesquels sont gravés les noms de camps de concentration.
Sur la face arrière du monument s’ouvre une sorte de petite crypte, où a été déposée une urne contenant les cendres de déportés, et où sont gravés sur les murs les noms des personnes mortes des suites de leur déportation.
La face arrière porte également le nom des neuf principaux camps de concentration et d’extermination, ainsi que le nom des prisons d’Auxerre, Romainville et Compiègne.

Une plaque gravée en lettres dorées, commémorant la grande rafle du 16 juillet 1942, a été ajoutée à cet ensemble, dans les années 1990, sur le côté gauche du bâtiment.


Auteur : Claude Delasselle

Contexte historique

C’est au début de l’année 1946 que le président de l’Association des déportés et internés politiques de l’Yonne, Jean Marot, ancien déporté, a lancé l’idée de ce monument. Alors qu’il existait déjà dans l’Yonne de nombreux monuments, plaques et stèles concernant la mémoire de la période de l’Occupation, il n’existait aucun monument à la mémoire de l’ensemble des « martyrs de la déportation ». L’idée est accueillie favorablement par les différentes associations et reçoit le soutien du préfet nommé à la Libération, Paul Gibaud, qui accepte de constituer un comité d’honneur chargé de la réalisation de ce projet.

Très vite, d’autres organisations de Résistance demandent que ce monument soit également dédié aux « héros internés tombés sous les balles allemandes ». Une souscription publique est lancée dès 1946 pour financer ce projet, et une commission se réunit pour dresser la liste des déportés de l’Yonne morts en déportation et la liste des internés de l’Yonne fusillés par les Allemands. Le maître d’œuvre et sculpteur choisi pour réaliser ce projet est Henri Lagriffoul, dont la représentation très réaliste des déportés ne manqua pas de susciter des réserves et des critiques.

Le 18 avril 1948, J. Bondi, secrétaire d’État à la Fonction publique, déporté, pose la première pierre du monument, place Saint-Amâtre, à Auxerre. Le 1er mai, une cérémonie est organisée pour recevoir les cendres de martyrs des camps de concentration et d’extermination. Il est prévu que le monument soit inauguré par le Président de la République, Vincent Auriol.

Le dimanche 3 avril 1949 a lieu l’inauguration officielle. L’événement est couvert par la presse nationale et locale, filmé et radiodiffusé. Vincent Auriol, accompagné de diverses personnalités, arrive à la gare d’Auxerre à 10 h 15 et part en cortège automobile pour gagner la préfecture, à travers les rues de la ville, noires de monde et décorées de drapeaux et de guirlandes multicolores. Il gagne ensuite l’Hôtel de Ville. À 15 h 20, après un déjeuner privé à la préfecture, le cortège automobile se dirige vers le monument  de la place Saint-Amâtre. Vincent Auriol y est accueilli par le président de l’Association des déportés de l’Yonne, entouré d’une foule de plusieurs milliers de personnes. Sont présentes de nombreuses personnalités icaunaises, dont le préfet Brunel, les quatre députés de l’Yonne, Jean Chamant, Prosper Môquet, Jean Moreau, et Gérard Vée, les deux sénateurs, P. de Raincourt et le docteur Plait, les représentants des Églises, 31 conseillers généraux, de nombreux maires et dirigeants d’associations.

« La musique du 27e régiment d’infanterie exécuta La Marseillaise, tandis que le voile se découvrait et que le Président de la République s’avançait pour déposer sur la dalle une magnifique couronne ». Ensuite est joué Le Chant des partisans. Les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume sont remis à onze déportés, puis six déportés présents sont à leur tour décorés.

Se succèdent ensuite les discours de Jean Marot, président de l’Association des déportés de l’Yonne, de Maxime Courtis, président du Conseil général, de Jean Moreau, député maire d’Auxerre et enfin de Vincent Auriol. Le discours présidentiel s’articule essentiellement autour de deux thèmes : l’union des Français pour le redressement de la France et la recherche de la paix à l’extérieur, dans le contexte de la « guerre froide », de la guerre d’Indochine et du projet de Pacte atlantique.

La cérémonie se termine à 17 heures. Vincent Auriol et sa suite, ovationnés par la foule, repartent à pied le long de la rue du 24-Août, en direction de la porte du Temple. Ils prennent alors place à bord des voitures officielles pour rejoindre la gare. Le train présidentiel quitte Auxerre vers 17 h 20.

Une nouvelle cérémonie débute à 19 h 30 : l’urne contenant les cendres de déportés est transférée du cimetière Dunand, tout proche, au monument de la place Saint-Amâtre, exposée et veillée jusqu’à 21 heures par quatre déportés. À 21 h 30, l’urne est déposée dans la crypte du monument pendant qu’une chorale exécute le Chant des Adieux.

Depuis 1949, ce lieu est le décor de nombreuses cérémonies annuelles, notamment le 27 avril lors de la journée de la déportation et lors des cérémonies de la libération d’Auxerre, le 24 août. Ces cérémonies comprennent en général plusieurs discours (du préfet, du maire, du représentant du président du Conseil départemental, du président de l’UDAC, des représentants d’associations de déportés, etc.), d’un hommage aux morts et de morceaux de musique (Chant des marais, Chant des partisans, etc.) interprétés par une fanfare locale. En avril, les cérémonies en mémoire de la déportation s‘y déroulent le soir, à la nuit tombante : les flambeaux tenus par des militaires ou des pompiers répartis autour de la place contribuent à donner un caractère particulièrement impressionnant et émouvant à cette cérémonie, qui est toujours suivie par un public assez nombreux.


Auteur : Claude Delasselle

Sources :

L’Yonne Républicaine, éditions des 3 et 5 avril 1949.

Le Monde, édition du 5 avril 1949.

Arnaud Fouanon, fiche « Le monument des déportés de l’Yonne », in CD-ROM La Résistance dans l’Yonne, AERI - ARORY, 2004.

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éd. Tirésias, 2007, pp. 631 et 632.