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Manuel d'instructions à destination des soldats américains sur la Riviera

Légende :

Instruction Book and Guide to the United States Riviera Recreational Area - Nice - Manuel d'instructions à destination des soldats américains envoyés sur la base américaine de Nice - sans date

Au verso : l'intérieur du livret présente les activités à vélo, en bateau ou dans les piscines de Nice

Genre : Image

Type : Fascicule

Source : © The National WWII Museum - New Orleans Libre de droits

Détails techniques :

Photographies numériques en couleur ( voir recto-verso). Dimensions : 28 x 21,5 cm.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Alpes-Maritimes - Nice

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Analyse média

Ce guide à destination du personnel militaire américain abordait bien des aspects prosaïques de la vie en France, le caractère des Français et les différences culturelles pouvant exister entre les deux peuples. Le peuple français y est notamment décrit comme un peuple exotique, aux mœurs légères et tentatrices.
La couverture du livret montre une femme - qu'on imagine provençale - signalant de la main au marin qui lui tient compagnie la beauté et l'étendue de la baie des Anges, le tout sur fond de drapeau américain mêlé à la Méditerranée et de bouquets de fleurs. Il incluait également des conseils pour rédiger des courriers, ou encore échanger des dollars contre des francs.

Celui-ci était enfin accompagné d'un certain nombre de mises en garde, devant rappeler au soldat américain que la guerre n'était pas encore achevée, et qu'aucun manquement à la sécurité ne saurait être toléré. Il est vrai que, postés à Nice ou encore à Cannes, de nombreux soldats ont pu être tentés par la dolce vita à la française. Les maisons closes, rappelle le guide, ne font pas partie du centre militaire américain, au sein duquel la prostitution est interdite.


Paulina Brault

Contexte historique

Le Riviera Recreational Area à Nice a été ouvert au cours de l'été 1945 pour permettre aux soldats américains revenant du théâtre d'opérations méditerranéen de se reposer, avant de retourner au combat, et pouvait accueillir 18 000 soldats.

En janvier 1945 s'ouvre sur la Côte d'Azur le United States Riviera Recreational Area (USRRA), destiné à accueillir, chaque semaine, 3 000 officiers à Cannes et 10 000 sous-officiers et soldats à Nice, disposant d'un pécule de 10 000 francs à dépenser sur place.

Le 100 000e permissionnaire est accueilli à Nice le 20 juillet, recevant une clé d'or au Negresco ; 350 000 militaires américains sont hébergés jusqu'en décembre 1945, conservant, selon le préfet, « un souvenir excellent de notre région, de son magnifique climat, de l'accueil qui leur a été réservé. »

Il va de soi qu'une telle concentration de soldats décontractés et argentés - si elle revêt des aspects positifs pour l'emploi comme pour la vente des produits de luxe - pose de multiples problèmes, de l'occupation de 154 hôtels aux agressions des passants, des accidents de la circulation à la recrudescence de la prostitution.

Des rixes opposent fréquemment des permissionnaires, mais les Azuréens leur reprochent davantage les bris de vitrines et les agressions de passants (28 agressions du 9 mai au 30 août)  qui entraînent plusieurs décès. Le comble est atteint le 4 août, lorsque le maire Jacques Cotta et trois de ses adjoints sont attaqués à la sortie d'une réception, si bien que le Conseil municipal de Nice adopte une motion relative aux agressions nocturnes.  

Conduisant comme des fous, les GIs provoquent une vingtaine d'accidents de juin à août 1945, faisant 9 morts et 24 blessés. L'Aurore du 28 juillet estime qu'il « serait peut-être bon que les autorités intéressées interviennent pour modérer certains fous du volant ». La préfecture prie donc le colonel Pugh, commandant l'USRRA et la Delta Base Riviera, de recommander à ses conducteurs militaires de réduire leur vitesse dans la traversée des agglomérations.

La prostitution est stimulée par la présence des permissionnaires américains, qui attire nombre de "professionnelles" venues de Paris, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Toulon, mais fait aussi tourner la tête à bien des jeunes femmes aux revenus modestes. Il faut tenir compte du fait qu'une prostituée peut alors gagner de 5 à 10 000 francs par jour, à une époque où le salaire moyen n'excédait pas 3 500 francs sur la Côte d'Azur. La police estime à 508 «professionnelles » et à 1 136 « clandestines » l'effectif des prostituées opérant en 1945, soit 8 fois plus que l'année précédente.  

La présence de l'USRRA débouche également sur une note valorisante pour la Côte d'Azur, avec l'ouverture au Palais des Fêtes de Nice du plus grand centre d'achat américain en Europe (GIs Shopping Center), qui propose les services d'un bureau de poste, d'un bar, de 6 comptoirs à rations, d'un institut de beauté pour les WACS (Women's Army Corps), de 16 coiffeurs et 16 cireurs de chaussures. Le centre est visité le 9 juin par une délégation de 8 sénateurs américains. D'autre part, un dancing flottant est ouvert à Villefranche-sur-Mer le 31 octobre.

Le chef-lieu s'associe à la commémoration de l'Independance Day en organisant, les 4 et 5 juillet, des courses de pédalos et de bateaux dans la Baie des Anges, des matches de basket, des courses cyclistes, un feu d'artifice face au Negresco et une soirée de music-hall au casino municipal.                       


Auteur : Jean-Louis Panicacci

Sources :

Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes - 1939-1945- Un département dans la tourmente, Nice, éditions Serre, 1989, pp. 283-285.

Archives départementales des Alpes-Maritimes - 30 W 6888, rapport préfectoral du 16 janvier 1946.