Dessiner pour témoigner : "La cellule", par France Hamelin

Légende :

La cellule, dessin fait par France Hamelin pendant sa détention à la prison pour femmes de La Petite Roquette (Paris), à l'automne 1943

 

Genre : Image

Type : Dessin

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés

Détails techniques :

Fusain sur papier, dimensions 26,7 cm x 20,8 cm

Date document : Automne 1943

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris XIe

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

France Hamelin a récupéré le matériel nécessaire pour dessiner et peindre pendant sa détention grâce à la solidarité de co-détenues et aux colis qu'elle recevait.

Elle a commenté elle-même ses dessins dans le catalogue d'une exposition qui leur a été consacrée en 2001. Voici ce qu'elle dit à propos de La cellule:

"[...]Quand on entrait dans une cellule, on était en général accueilli par des grondements. Pour celles qui étaient déjà là, cela signifiait qu'il y aurait moins de place. Les dernières arrivantes avaient les plus mauvaises places, les couvertures les plus crasseuses. C'était la coutume...Mais avec Maguy, nous avont été plutôt bien accueillies par des "Droit commun" contentes de voir arriver des "Politiques". La cellule était un espace occupé par cinq paillasses sur des bat-flancs. Sur la paillasse, une couverture, pas deux! Le sol était carrelé et il n'y avait aucun meuble. Une planche était suspendue au-dessus de ma couche. On y mettait le pain pour ne pas que les rats le mangent. Les murs étaient infects. La cellule grouillait de punaises. La seule décoration, c'étaient les inscriptions des prisonnières, avec les jours barrés. Le seau "hygiénique" trônait. Celui que l'on voit sur le dessin était luxueux car il avait une anse. Quand ils n'en avaient pas, nous étions obligées de les porter sous les bras. C'est dans la cellule que l'on avait le plus de contacts avec les "Droit commun". Nous y étions enfermées de six heures du soir à six heures du matin. On voit le guichet avec ses barreaux: la tête de la religieuse apparaissait dans les "grandes occasions", quand il y avait du bruit... Sinon elles n'intervenaient que le matin et le soir."

En rapprochant ce commentaire du dessin lui-même, on voit que la description de la cellule est plus précise dans le texte. La force du dessin réside dans son pouvoir de transcription des sensations et des émotions: l'infection des murs est rendue par l'utilisation du fusain, la centralité du seau hygiénique est soulignée par le point de vue adopté, la promiscuité et, peut-être, la coexistence difficile entre résistantes et "droit commun" transparaît dans la composition des cinq personnages, qui ne se regardent pas. Malgré l'économie des moyens, le souci d'individualiser chaque détenue se remarque dans la différenciation des attitudes générales et des visages.


Bruno Leroux

Source:  France Hamelin, Dessins et peintures de prison, Champigny-sur-Marne, Musée de la Résistance nationale, s.d. (catalogue de l'exposition présentée au MRN de novembre 2001 à janvier 2002)

Contexte historique

France Haberer naît le 14 juillet 1918 à Paris. Elle passe une partie de son enfance et son adolescence dans le Lot-et-Garonne. A Bordeaux, entre 1939 et 1942, elle suit des études supérieures d’art et de philosophie.

Imprégnée d’idéaux antifascistes, elle entre en contact avec le mouvement des Auberges de la jeunesse puis devient résistante dans le secteur de Vanves (banlieue sud-ouest de Paris). Les actions qu’elle mène avec son futur mari Lucien Hamelin combinent l'hébergement de personnes recherchées (résistants et juifs) et la fabrication d’imprimés clandestins.

Lucien et France Hamelin sont arrêtés le 31 août 1943 à Paris. France est interrogée à la préfecture de Police de Paris. Elle est d’abord envoyée au Dépôt (La Conciergerie), internée à la prison de la Petite Roquette dès le 9 septembre - prison pour femmes gérée par des religieuses - puis au camp des Tourelles à partir de décembre 1943. Tombée enceinte avant sa période de détention, France accouche le 21 avril 1944 à l’hôpital Tenon d’où elle s’évade le 17 mai 1944 grâce à un complice résistant. Elle se réfugie alors au Béziat (Lot-et-Garonne) avec son nouveau-né Michel.

Les dessins et son journal qui nous sont parvenus ont été réalisés clandestinement durant sa période de détention. A la Libération France Hamelin retrouve Lucien, revenu du camp de Buchenwald où il avait été déporté.


Bruno Leroux

Source: notice sur France Hamelin dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, disponible sur le site maitron-en-ligne.univ-paris1.fr