Télégramme annonçant le décès de Jean-Claude Camors, chef du réseau Bordeaux-Loupiac

Légende :

Télégramme émanant de la section contre-espionnage du BCRA daté du 13 janvier 1944 annonçant la mort de Jean6Claude Camors le 11 octobre 1943.

Genre : Image

Type : Télégramme

Source : © Service historique de la Défense, GR 28 P 9 1595 Droits réservés

Détails techniques :

Télégramme dactylographié

Date document : 13 janvier 1944

Lieu : Angleterre

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Analyse média

Ce télégramme du 13 janvier 1944 annonce la mort de Jean-Claude Camors survenue le 11 octobre 1943 :

"L'agent gaulliste Camors, connu en France sous le pseudonyme de Collaincourt [mention manuscrite : Caullaincourt] et connu à Londres comme Marie Victor Comte Hugo, a été abattu par un homme à la solde la Gestapo surnommé Roger le Légionnaire [mention manuscrite : Leneveu], le 11 octobre au Café de l'Europe à Rennes. 
Cette information a été obtenue par la collaboratrice de Camors mademoiselle Geo qui souhaite être contactée.
Camors passait habituellement pour un agent anglais, non pas un gaulliste, et notre source savait que son travail consistait à secourir des pilotes et équiper de petits bateaux sur la côte bretonne."


Fabrice Bourrée

Contexte historique

Né le 27 octobre 1919 à Pau (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques), tué en mission le 11 octobre 1943 à Rennes (Ille-et-Vilaine) ; stagiaire à la Banque de France ; résistant FFL ; fondateur du réseau Bordeaux-Loupiac ; Compagnon de la Libération.

Né dans une famille militaire, son père était médecin militaire, Jean-Claude Camors fit ses études au lycée de Pau puis entra à la Banque de France comme stagiaire. En octobre 1939, il fut affecté au 18ème Régiment d’Infanterie à Bordeaux et suivit les cours d’élève aspirant. Fait prisonnier, il fut interné au camp de Châteaubriant, d’où il s’évada et franchit la ligne de démarcation à la fin du mois de juillet 1940, pour rejoindre sa ville natale. En septembre 1940, il confia à l’un de ses amis de Pau : "Je ne reprendrai pas mes fonctions de stagiaire à la Banque de France tant qu’il restera une botte ennemie pour fouler le sol de la Patrie". Il se rendit alors à la Seyne-sur-Mer (Var) et s’initia à la fabrication des faux papiers. Après avoir vainement tenté de rejoindre l’Angleterre par la Bretagne, il retourna en zone non occupée et se fit admettre dans une équipe de marins pêcheurs à Marseille, projetant plus que jamais de s’évader de France.

Le 8 avril 1942, alors qu’il participait à une pêche près des côtes marocaines, il se jeta à l’eau et nagea deux heures pour gagner Gibraltar. De là, il partit sur le Llanstephan Castel le 6 mai et fut débarqué à Glasgow le 13 mai 1942. Il signa son engagement dans les Forces françaises libres le 26 juin 1942 et fut envoyé à l’École des Cadets de la France libre de Ribbersford le 6 juillet. Affecté à l’état major particulier BCRA à partir du 19 septembre. Il suivit un entrainement spécifique à Hans School, centre de formation des agents secrets devant être envoyés en France occupée. Promu sous lieutenant, il fut chargé de monter un réseau d’évasion d’aviateurs alliés au début de 1943.

Parachuté sous le nom de code de Bordeaux à la mi avril 1943 près de Loches (Indre-et-Loire), il développa son réseau qui prit le nom de Bordeaux Loupiac. En mai 1943, suite à des arrestations, il décida de partir en Espagne. Arrêté, il réussit à rejoindre Londres le 21 juin 1943. Il revint en France le 5 juillet 1943, il développa son réseau, sur tout le territoire, chargé de retrouver des aviateurs cachés et leur fixa des rendez-vous en divers points de Bretagne. Il avait alors le pseudonyme de Raoul Caulaincourt.

A Rennes, se trouvait le chef régional du réseau, en la personne d’un pharmacien de la ville, André Heurtier, qui organisait des rencontres avec son chef. Le 5 octobre, il revint en Bretagne pour accompagner des aviateurs. Le 11 octobre 1943, vers 15 h, Jean-Claude Camors avait rendez-vous au café de l’Epoque, rue du Pré Botté avec plusieurs membres du réseau. L’établissement était tenu par Franz Nouët, lui-même agent de renseignement du Mouvement de Libération Nationale. Vers 17 h, entra un certain Roger L. dit "le Légionnaire", qui s’était engagé dans la résistance dès le début et qui travaillait à présent pour les Allemands. Il reconnut Jean-Claude Camors, qu’il avait autrefois rencontré, sortit une arme et voulut arrêter tout le monde. S’ensuivit une bagarre, un sergent de l’aviation allemande entendit des coups de feux et entra porter main forte à Roger L.. Jean Claude Camors avec deux autres camarades prit la direction de la rue Maréchal Joffre, avec Roger L. à ses trousses qui fit feu à plusieurs reprises. Les trois hommes s’engouffrèrent dans l’immeuble du 2, rue Maréchal Joffre et montèrent jusqu’au grenier pour s’enfuir par les toits. Très grièvement blessé, Jean-Claude Camors laissa ses compagnons et redescendit se réfugier sur un palier pour protéger leur fuite. Avec l’aide d’un habitant de l’immeuble, il détruisit des papiers compromettants qu’il portait sur lui et en avala une partie. C’est là au petit matin que son cadavre fut retrouvé. Persuadé qu’il avait avalé tous ses documents, les Allemands emmenèrent son corps pour l’autopsier.

Jean-Claude Camors fut déclaré "Mort Pour la France" le 11 octobre 1943. A titre posthume, il fut fait : Commandant, Compagnon de la Libération le 4 mai 1944, Chevalier de la Légion d’Honneur et reçut la Croix de Guerre et plusieurs décorations britanniques. A Rennes, une rue porte son nom depuis le 13 avril 1953 et à Pau existe une rue des Frères Camors.

Grâce à l'œuvre de Jean-Claude Camors et avec l'aide des membres de "Bordeaux-Loupiac", une soixantaine d'aviateurs alliés seront évacués de la Bretagne vers l'Angleterre entre le 23 octobre 1943 et le 22 janvier 1944.


Jean-Pierre Besse pour le Dictionnaire des fusillés et exécutés

SOURCES : Service historique de la Défense, 16 P 102970. — Vladimir Touplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010. — site de l’Ordre de La Libération.