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Diplôme de reconnaissance d'Yvonne Oddon, membre du réseau Musée de l'Homme

Légende :

Au recto, diplôme britannique signé par Montgomery
Au verso, photographie d'identité d'Yvonne Oddon

Genre : Image

Type : Diplôme

Source : © Service historique de la Défense, CHA Vincennes, 16P 448886 Droits réservés

Détails techniques :

Au recto, diplôme imprimé et manuscrit
Au verso, photographie analogique en noir et blanc

Date document : 6 mai 1946

Lieu : Angleterre

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Contexte historique

Yvonne Oddon est née le 18 juin 1902 à Gap dans les Hautes-Alpes au sein d'une famille protestante. Son père, officier de carrière sorti de Saint-Cyr meurt en 1920 des suites d'une blessure reçue pendant la Première Guerre mondiale. Elle connut une enfance et une adolescence nomade au gré des affectations de son père : Alger, la Drôme, Châteauroux, Verdun, Nîmes ou encore Grenoble. Après avoir obtenue son baccalauréat au lycée de Versailles en 1920, elle séjourne un an au Pays de Galles (1922) puis elle suit les cours de l'école américaine des bibliothécaires de Paris de 1924 à 1926. Elle part alors aux Etats-Unis et, pendant deux ans, perfectionne sa formation en travaillant dans différentes bibliothèques publiques (Détroit) et universitaires (Ann Arbor dans le Michigan).

De retour en France, elle prend, en janvier 1929, la direction de la bibliothèque du vieux musée ethnographique du Trocadéro. Elle participe à plusieurs congrès internationaux de bibliothécaires (Rome, en 1930, et Berne, en 1932) avant de repartir en 1933 pour dix mois, grâce à une bourse de la fondation Rockefeller, à la bibliothèque du Congrès de Washington.
Elle effectue un autre voyage d'étude en Allemagne, visitant les meilleures universités du pays.
Lors de l'Exposition universelle qui se tient à Paris en 1937, elle est la directrice technique de la section bibliothécaire. A la même époque, au moment où le vieux musée d'ethnographie donne naissance au moderne et novateur Musée de l'Homme, c'est elle qui prend en charge l'organisation de la nouvelle bibliothèque ; les aménagements intérieurs (magasins, bureaux, annexes, classements...) sont définis sous son autorité et s'inspirent largement des méthodes acquises au cours de ses voyages d'études dans les bibliothèques américaines. Aux côtés de Paul Rivet, de Georges-Henri Rivière et d'Anatole Lewitsky qui partage sa vie depuis l936, elle joue donc un rôle majeur dans la création d'un musée qui devient vite une référence dans le monde entier. Au moment de la débâcle, elle ne quitte pas Paris et s'installe à demeure au coeur du musée dans sa bibliothèque.

Son refus de la défaite est immédiat et débouche sur des actions concrètes dès la seconde quinzaine de juin : à cette date, elle est déjà en rapport avec une des premières chaînes d'évasion de prisonniers de guerre créée à Paris par une de ses voisines Madame Lucie Boutillier du Rétail. Lorsque le linguiste Boris Vildé et l'ethnologue Anatole Lewitsky reviennent à Paris en juillet et août 1940, elle devient naturellement leur adjointe et participe activement à la naissance d'un des premiers groupes de résistance à l'occupant. Véritable "secrétaire général" du secteur clandestin du Musée de l'Homme qui se met en place, c'est elle qui prend les rendez-vous, répond au téléphone, reçoit les visiteurs, assure une part des contacts et des liaisons.
C'est ainsi qu'elle traite elle-même avec le "noyau de l'Ambassade des Etats-Unis" qui lui fournit de précieuses informations. Au sein d'une nébuleuse complexe qui ne cesse de s'étendre et fédère des groupes et des secteurs distincts, elle joue un rôle essentiel de boîte aux lettres et de coordinatrice. Dans le domaine du renseignement en particulier, elle centralise une large part des informations qui affluent au musée par différents canaux ; c'est dans ce cadre qu'elle entretient des relations suivies avec le colonel Maurice de la Rochère qui fait de son côté travailler plusieurs groupes à Paris et en province.

Elle participe également à la fondation du journal Résistance dont le premier numéro paraît le 15 décembre 1941. Mais les activités du réseau du Musée de l'Homme sont rapidement repérées par les services allemands. Ceux-ci sont informés par un double canal : par Albert Gaveau d'une part, dont Vildé a fait son agent de liaison, et qui est en réalité un agent du SD infiltré ; par deux fonctionnaires du musée d'autre part, Mme Erouchkowsky et son ami Fedorowsky, tous deux russes blancs, qui sont en relation avec une antenne de l'Abwehr et dénoncent leurs collègues de travail. Le 10 février 1941 au soir, Yvonne Oddon et Anatole Lewitsky sont arrêtés. Le lendemain, un vaste coup de filet est déclenché par les Allemands contre le Musée de l'Homme.

Emprisonnée au Cherche-Midi d'abord, puis à la Santé et enfin à Fresnes, elle ne met personne en cause pendant l'instruction. Le 8 janvier 1942, elle comparaît devant le Tribunal militaire allemand réuni à Fresnes dans le cadre de "l'affaire du Musée de l'Homme". Lorsque le verdict tombe le 17 février, elle est condamnée à mort. Ce qui n'empêche pas le président du Tribunal, Ernst Roskothen de rendre hommage à sa parfaite dignité de "vraie fille d'officier". Les nombreuses interventions en sa faveur permettent d'éviter l'exécution immédiate de la sentence. Elle est néanmoins déportée "sous menace d'exécution" en Allemagne le 16 mars 1942. Successivement, elle est internée à la forteresse d'Anrath, à Lübeck, à Cotbus et enfin à Ravensbrück dans le bloc NN. C'est là qu'elle est enfin libérée, après plus de trois années de détention dans les camps allemands, par la Croix-Rouge internationale le 22 avril 1945.

A son retour en France, elle reprend son travail à la direction de la bibliothèque du Musée de l'Homme. En 1946, elle devient présidente de "l'Amicale du réseau du Musée de l'Homme", association d'entraide et de souvenir crée la même année. Commandeur de la Légion d'Honneur, Croix de guerre avec palmes, médaillée de la Résistance, elle meurt le 7 septembre 1982.


Julien Blanc, "Yvonne Oddon (1902-1982)" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004