Tract accusant l’adjudant de gendarmerie de Saint-Jean-en-Royans

Légende :

Extrait d’un tract reçu par des commerçants de Saint-Jean-en-Royans accusant et menaçant le nouvel adjudant de gendarmerie.

Genre : Image

Type : Tract

Source : © ADD, 4 W 15 Droits réservés

Détails techniques :

Format 21 x 27 cm.

Date document : Octobre-novembre 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Jean-en-Royans

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Analyse média

Extrait d’un tract reçu par des commerçants de Saint-Jean-en-Royans entre le 12 octobre et le 16 novembre 1943, accusant et menaçant le nouvel adjudant de gendarmerie.

Pièce annexée au procès-verbal de gendarmerie.

Transcription :
« à L’Adjudant de gendarmerie […], Nouvellement nommé à ST JEAN EN ROYANS.
SOUHAITS DE BIENVENUE
Peuple de St Jean en Royans
tu auras un drôle d’adjudant
salue, bien que personne ne rie
il est adjudant de gendarmerie
comme son grand maitre adolphe hitler
Il voudra faire son gauleiter
Prussien déguisé, dont la veine insolence
illustre trop bien le défaut d’intelligence »


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

C’est la chasse aux communistes qui occupe les gendarmes dans les premières années de la guerre. En 1940, l’appartement d’Albin Vilhet à Nyons est perquisitionné, sans résultat. En 1941, les gendarmes de Valence ou Bourg, sur ordre du préfet, appréhendent ainsi Marc Champion, Marius Badel, Marcel Defuides, Léon Ferodet, Marcel Gabet (déjà enfermé trois mois à Montluc pour le tract des lycéens de Loubet), Georges Michel, René Robert, Roger Riausset, Jules Thomas : souvent d’abord enfermés au camp de Loriol, tous se retrouvent internés au camp de Saint-Paul-d'Eyjaux (Haute-Vienne). Si les captures d’innocents bien connus et repérés sont assez faciles, les recherches s’avèrent peu fructueuses : selon le rapport du préfet du 29 avril 1941, « une seule perquisition a donné un résultat positif amenant l'arrestation d'un individu trouvé en possession d'un exemplaire du journal L'Humanité ».

Jusqu’en 1942, les activités de résistance se limitant à un travail clandestin d’information par des tracts, papillons ou affiches, les gendarmes sont chargés de ramasser ces tracts ou de déchirer papillons et affiches (par exemple à Saint-Vallier, le 29 août 1942, où ils font disparaître affiches et inscriptions contre les arrestations de Juifs). Les nombreux rapports de gendarmerie mettent en avant la conscience professionnelle des gendarmes qui, selon ces rapports, ramassent tous les tracts avant qu’ils soient lus, mais déplorent que « la recherche des auteurs de la distribution [soit] restée infructueuse ». « Les milieux communistes » restent la cible : le 4 janvier 1942 une perquisition est organisée dans les villes, avec le concours de la gendarmerie, des polices locales et de la police mobile régionale, mais elle ne donne aucun résultat, alors qu’à la même heure, – elles le découvriront ultérieurement – des distributions de tracts sont opérées : le préfet soupçonne une fuite ! Le 15 septembre 1942, la brigade de gendarmerie de Saint-Vallier se saisit quand même d’un jeune de 22 ans « qui avait chanté l'Internationale dans la rue en levant le poing ».

La dispersion de manifestations interdites est une autre tâche confiée aux gendarmes. Les 300 à 400 femmes qui manifestent à Valence les 21 et 22 juillet 1942 sont dispersées par les GMR de Valence, la police locale et la gendarmerie. Aucune des six arrestations n’est maintenue. Les manifestations commémorant l’armistice du 11 novembre, auxquelles les gendarmes sont chargés de faire obstacle, ne donnent guère lieu à signalement d’incidents, ce qui laisse à penser que l’on s’est « arrangé » localement. En 1942, le préfet attribue ce calme à « l'intervention des gendarmes auprès de certains personnages considérés comme les responsables probables des manifestations envisagées ». En 1943, les célébrations interdites se multiplient : dans le nord du département, à Saint-Vallier, Albon, Saint-Uze, Saint-Barthélemy, Ponsas (et Sarras sur la rive ardéchoise) ; dans le sud, à Mirabel, Taulignan, Valréas, Tulette, Saint-Ferréol, Saint-Maurice. On comptabilise 250 ouvriers de la cartonnerie Milou, 1 000 manifestants à Dieulefit, 200 au Poët-Laval, 1 000 à Nyons. À Montélimar, les manifestants acceptent de se disperser après avoir obtenu des quatre gendarmes de service qu'ils chantent La Marseillaise avec eux.

Certains chefs de brigade font état d’un découragement des gendarmes devant la mansuétude dont bénéficient les hommes qu’ils se sont donné tant de mal à appréhender : le 19 novembre 1941, le commandant de Gendarmerie de Valence signale que « le personnel fournit un gros effort et doit être soutenu et suivi pour garder le sentiment que son activité n'est pas inutile ». Aussi se plaint-il que la répression n'est pas suffisante. Il cite le cas des lycéens de Valence, Gabet et Coursange, qui n'ont encouru que le minimum (3 à 6 mois de prison tout de même) alors que les gendarmes, « à la suite d'une enquête longue et difficile » ont opéré « de nombreuses arrestations pour menées antinationales » et saisi « un matériel important de diffusion et de nombreux documents communistes et gaullistes » (quelques tracts imprimés sur un jouet d’enfant !)

Les gendarmes participent cependant à des arrestations. Arrestations de Juifs : La grande rafle du 26 août 1942 est encadrée par les gendarmes, aussi bien ceux de Crest, qui prélèvent dans le GTE et dans la ville, que ceux de Dieulefit, profitant de l'absence de la directrice de l’école de Beauvallon, ou que ceux de Loriol à la poursuite de Rosa Walk à Mirmande. Arrestations de communistes : le 8 janvier 1943 les gendarmes de Saint-Vallier arrêtent Gabriel Gay, de Saint-Uze, chez qui ils ont trouvé des armes, et le livrent à la Milice. Le 27 février 1943 des communistes sont arrêtés par les gendarmes à Pierrelatte, deux sont déportés à Dachau.

Les gendarmes sont encadrés dans les opérations par des policiers, des GMR, la Milice ou les Allemands.
En mars et avril 1943, les rafles dans la communauté arménienne de Valence sont opérées par les gendarmes français et les Feldgendarmes. Les Arméniens pris sont destinés à l'organisation Todt. Des maquisards de Charmes-sur-l’Herbasse tombent dans une embuscade tendue au lieu-dit Cabaret-Neuf à Montchenu par des gendarmes de Romans et des policiers aux ordres de Vichy. Deux Résistants sont tués. Le 20 mars 1944, à 23 h, des troupes allemandes font ouvrir les portes de la caserne de Buis-les-Baronnies, pénètrent dans les logements et exigent que le chef de poste et 2 gendarmes les accompagnent. Le 19 avril 1944, ce sont des GMR de Lyon qui accompagnent la gendarmerie à Benivay et arrêtent trois hommes qu’ils feront déporter.

Les gendarmes restent mal vus :
Le préfet signale le 24 février 1943 « la baisse sensible du prestige de la gendarmerie à la suite des multiples mesures coercitives impopulaires qu'elle est chargée de mettre à exécution, et qui lui aliènent l'estime et la considération des populations ». Dans l’été 1943, le capitaine de gendarmerie Guin, adjoint au colonel, fait savoir à Vincent-Beaume qu’il désirerait que la gendarmerie soit mieux comprise dans son rôle ingrat, car de nombreux gendarmes sont patriotes et démocrates.


Auteurs : Robert Serre
Sources : AN F/1a/3901. AN, BCRA 3AG2/478-171Mi189. SHGN, rapport Cie Drôme R4. ADD, 9 J 5, 97 J 54. Archives Yves Vert. Archives et thèse Alain Chaffel Pour l'Amour de la France. Des indésirables. Drôme Nord, terre d'asile et de révolte. Drôme terre de liberté. Le Vercors raconté... Sandrine Suchon, Dieulefit…. Ladet, Ils ont refusé de subir. Veyer, Souvenirs sur la Résistance dioise. Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud. Taravello Pierre, La Drôme en armes, BT n°720. Chronique d’une France occupée.