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Mémorial en hommage aux républicains espagnols, travailleurs forcés à Bordeaux

Légende :

Stèle de béton inaugurée en avril 2012 devant la base sous-marine de Bordeaux pour rappeler que 3 000 républicains ont été contraints et forcés à bâtir cet édifice pendant deux ans, de 1941 à 1943, et que plus d’une soixantaine y sont morts à la tâche. 

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : L.P.D

Source : © Cliché LPD Libre de droits

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : février 2018

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Gironde - Bordeaux

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Analyse média

Située Boulevard Alfred Danay, dans le quartier de Bacalan au nord de Bordeaux, la base sous-marine, bâtiment colossal de plus de 42 000 mètres carrés en béton armé (dont 12 000 ouverts au public), a abrité pendant plusieurs années, au cours de la Seconde Guerre mondiale, des sous-marins italiens et allemands. L'organisation Todt, chargée de sa construction, employa plusieurs milliers d'ouvriers, certains volontaires, mais la plupart prisonniers de guerre ou requis dont plus de 3 000 républicains espagnols (on estime que plus de 70 y sont morts), mais également des Français, des Italiens, des Belges et des Néerlandais.

Le monument, inauguré en avril 2012, a une hauteur de 4,50 m et se compose de trois flèches de béton dirigées vers le ciel. En haut, le drapeau espagnol. Sur l’une des flèches, une œuvre en relief signée Régis Pedros résume tout. Tout au fond, la chaîne des Pyrénées, l’Espagne. Devant, un ouvrier qui s’échappe du chantier, la tête haute, en écrasant de ses pieds les barrières. Jamais soumis, jamais vaincu ! Sur les deux autres flèches, des documents rappellent l’histoire des lieux et le sacrifice des réfugiés espagnols et des autres communautés présentes.


Extrait de "Souvenirs de sang et béton mêlés", Sud-Ouest, 18 mars 2012

Contexte historique

La base sous-marine de Bordeaux est l’une des cinq bases construites sur le territoire français par les Allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle est à inclure dans l’ensemble hétérogène du Mur de l’Atlantique. Cette fortification était considérée par Adolf Hitler (1889-1945) comme un véritable outil de propagande du IIIe Reich. Le Führer avait imaginé qu’elle durerait mille ans, bien que les travaux engagés en 1940 n’arrivèrent jamais à leur terme. L’occupation du littoral français par les troupes nazies se traduit dans les grands ports par la construction de gigantesques abris bétonnés destinés à la protection de la précieuse force sous-marine italo-allemande. Entre décembre 1940 et avril 1941, les chantiers supervisés par l’Ot-Einsatzgruppe West, branche de l’Organisation TODT affiliée à la France, et la Kriegsmarine sont initiés dans les ports stratégiques de Brest, Lorient, Saint-Nazaire et La Rochelle. À Bordeaux, les travaux débutent plus tardivement en septembre 1941. L’emplacement du port et ses bassins à flot situés au nord de la ville dans le quartier populaire de Bacalan paraît alors évident. En effet, depuis l’été 1940, des sous-marins italiens stationnent dans le bassin à flot n° 1 qui constitue alors, la première base bordelaise appelée « Betasom2 ». La base sous-marine s’enracine ainsi à l’emplacement du réservoir d’alimentation du bassin à flot n° 2, destiné à devenir le bassin à flot n° 3, à l’aide de trois mille poutres en béton armé assurant sa stabilité dans le sol tourbeux.

En dix-neuf mois de travaux, six cent mille mètres cubes de béton sont coulés grâce au travail constant fourni par six mille cinq cents ouvriers – volontaires, contractuels ou forcés – afin de rendre la base opérationnelle. À l’achèvement des travaux en mai 1943, ses dimensions en traduisent les ambitions démesurées, elle occupe une surface au sol de quarante-cinq mille mètres carrés, soit deux cent trente-cinq mètres de long, cent soixante mètres de large pour une hauteur de dix-neuf mètres. Il faut ajouter à cela une tour annexe, qui lui est accolée pour les machineries et les bureaux, mesurant soixante-quinze mètres de longueur, soixante mètres de largeur et vingt-trois mètres de haut. Le plan de la base sous-marine de Bordeaux produit par le service Marinebauwesen de la Kriegsmarine reprend ceux des bases de Brest, de Saint-Nazaire et de La Pallice et comprend onze alvéoles de trois types différents. Les alvéoles 1 à 4 sont les plus imposantes, uniquement utilisables à flot, elles peuvent respectivement accueillir deux sous-marins. Les quatre alvéoles suivantes (5 à 8) présentent une surface moins conséquente, mais peuvent être utilisées en tant que cales sèches grâce à des pompes de vidange et d’assèchement nécessaire à l’accueil d’un sous-marin pouvant subir des modifications d’envergures. Enfin, les trois dernières, les alvéoles 9 à 11, placées en retrait par rapport aux huit précédentes, présentent de faibles dimensions leur permettant d’abriter un sous-marin chacune dans un espace transformable en cale sèche. Au total, quinze sous-marins pouvaient trouver refuge à l’intérieur de la base sous-marine afin de procéder à des travaux d’entretien et de réparation tout en étant isolés du bassin à flot n° 2 par des bateaux-portes s’encastrant à l’entrée de chacune des alvéoles et par des rideaux mobiles à double blindage en acier. Des zones techniques nommées « cellules », situées dans le prolongement des alvéoles, permettaient le stockage du matériel nécessaire à la maintenance et au ravitaillement des submersibles. Par ailleurs, la base sous-marine de Bordeaux diffère de ses aînées par la constitution de son toit. Afin de protéger l’édifice de potentiels bombardements, deux dalles de béton, d’une épaisseur totale de 5,60 m, ont été coulées au gré des travaux et complétées par une troisième structure de type Fangrost destinée à déclencher au premier contact l’explosion des bombes avant qu’elles n’atteignent le toit. Enfin, trois bunkers majeurs se trouvaient à proximité de la base de Bacalan, au nord, la soute à torpille et la citerne à fioul respectivement liées par un réseau ferré et un oléoduc souterrain au U-Bunker et au sud-est, une écluse couverte afin de protéger l’écoulement des eaux et l’accès des sous-marins aux bassins à flot.

Cet ensemble est à plusieurs reprises la cible des bombardements alliés, dégradant faiblement la base sous-marine mais causant la mort de plusieurs centaines de riverains. 


Mathieu Marsan, « La base sous-marine de Bordeaux, sous le béton la culture », In Situ [En ligne], 16 | 2011, mis en ligne le 20 février 2013, consulté le 02 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/insitu/9526.