Plaque apposée sur la mairie de Schirmeck (Bas-Rhin)

Légende :

Plaque située sur les grilles de la porte d'entrée de la mairie de Schirmeck (118 avenue de la gare)

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Archives privées de la famille Sauter Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : sans date

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Schirmeck

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Analyse média

Elle porte l'inscription suivante "Cette porte fut enlevée par les SS allemands en 1941 pour servir durant la durée de l'occupation de porte d'entrée du camp de concentration de Schirmeck - La Broque".


Contexte historique

L’annexion de fait de l’Alsace-Moselle entraîne une politique de nazification et de répression, concrétisée par la mise en place, dès juillet 1940 du camp de La Broque Schirmeck, dont l’histoire reste moins connue que celle de son voisin, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, créé en mai 1941.

La terminologie nazie indique clairement les buts de ce camp, ouvert à la demande du Gauleiter Wagner, chef de l'administration civile de l'Alsace et du pays de Bade: la répression de toute opposition (Sicherungslager, camp de sécurité), l'endoctrinement des Alsaciens et Mosellans réfractaires au nazisme (Erziehungslager, camp de rééducation). Un troisième but est de « trier » les détenus pour les exploiter économiquement sur place ou les transférer dans d'autres camps.

Le camp est installé au confluent des vallées de Grandfontaine et de la Bruche, au lieu-dit « Prairie de la Roche » à l'écart de Schirmeck et de La Broque, donc peu visible de la population. Délimité notamment par le ruisseau du Framont et la route départementale menant au Donon, le terrain est alors occupé par six  baraques, construites en 1939 par l'administration française pour accueillir des évacués.

Entouré d'une double clôture de fils barbelés, non électrifiée, avec projecteurs et quatre miradors, le camp comprend en 1944 trois ensembles, le Vorhof ou avant camp avec poste de garde, Kommandantur, chenil, dortoirs et cantines pour les gardiens, local pour les interrogatoires; le camp proprement dit avec onze baraques en bois (150 détenus prévus par baraque), un grand bâtiment en dur servant d'atelier et de magasin, cinq bâtiments pour garage, buanderie, cuisines réserves, cabinets et une grande place pour les rassemblements; enfin le haut du camp avec trois baraques réservées aux femmes, une grande « salle des fêtes » prévue notamment pour l'endoctrinement hebdomadaire des détenus avec dans son sous-sol, 26 cellules.

Karl Buck, amputé d'une jambe en 1930 suite à une blessure de guerre, prend possession du camp le 17 juillet 1940. Formé à la Gestapo, ce SS y règne en maître absolu et violent jusqu'à son départ, le 20 novembre 1944. Il est assisté d'un état-major tout aussi convaincu, d'une soixantaine de gardiens et  gardiennes, souvent renouvelés, et de quatre civils locaux remplissant les tâches de comptable, secrétaires et contremaitre. Arrêté en mars 1946, condamné à mort à trois reprises par des tribunaux militaires entre 1946 et 1953, Buck est finalement libéré en 1955 et meurt, après une retraite tranquille, en 1977. 

Quelque 15 000 détenus sont passés par ce camp (estimation de Jacques Simon) dont une majorité d'hommes et de femmes d'Alsace-Moselle annexée, - réfractaires ou leurs familles - des détenus juifs, droits communs, asociaux, prisonniers d'une vingtaine de nationalités, dont des Polonais travaillant en Alsace ou dans d'autres régions minières, des Allemands ayant fui le nazisme... Pour eux, humiliations et brutalités, malnutrition, travail forcé sont la règle. Leur sort diffère selon les motifs de leur arrestation, le type de Kommandos où ils sont affectés, l'humeur du chef de camp et des gardiens et les possibilités, limitées, d'aide de la population locale. Pour beaucoup, ce n'est qu'un lieu de passage avant leur incorporation dans l'armée ou leur transfert vers les camps de concentration et d'extermination du Reich. Environ 110 détenus du camp décèdent, par suite de maladies et mauvais traitements ou exécutés sur place, dans les forêts voisines ou au camp du Struthof. De nombreux témoignages ont été publiés ou sont disponibles sur internet.

Le camp est évacué entre août et novembre 1944, vers les annexes de Gagguenau et Haslach en pays de Bade: seules 300 femmes sont laissées dans le camp, libérées par les Américains le 24 novembre au matin. Du 1er janvier 1945 au 31 décembre 1949, l'internement dans ce camp vise quelque 400 « ralliés » au nazisme dont de nombreuses femmes. Entre 1950 et 1952, des visites de l'ancien camp sont organisées mais l'idée de musée est rapidement abandonnée au profit d'un lotissement dit du « Souvenir », dénomination assez paradoxale en cette période de destruction du camp. Aujourd'hui, rares sont les traces du camp: plaques apposées sur l'ancien bâtiment de la Kommandantur ou sur l'ancienne porte d'entrée du camp, actuellement grille de l'ancienne mairie devenue médiathèque, une partie du chenil et quelques ateliers englobés dans le lotissement...  

« Schirmeck, connais pas! chronique d'un camp tombé dans l'oubli »: tel est le titre significatif choisi en 1991 par Jacques Granier, pour son article sur le camp dans Saisons d'Alsace, titre auquel font écho ces extraitsdu journal L'Alsace du 27 novembre 2014 à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération du camp: « Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? presque rien au niveau matériel, et pas grand chose sur le plan immatériel...  A quand un monument ».

Dans un article de L'Alsace du jeudi 27 novembre 2014, le journaliste Hervé de Chalendar donne la parole à l'historien Jean-Laurent Vonau: "Durant la guerre, le camp qui terrorisait les Alsaciens, ce n'était pas le Struthof, mais bien Schirmeck... Il ne doit pas tomber dans l'oubli."


Marie-Claire Allorent, "Le camp de sûreté de Vorbrück-Schirmeck" in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016