Le détachement Marat exécute le chef départemental de la Milice à Marseille le 29 mai 1943

Légende :

Croquis de police reconstituant le déroulé de l'exécution du docteur Bouysson à Marseille le 29 mai 1943.

Genre : Image

Type : Croquis

Source : © Archives nationales 19870802-3-2 Droits réservés

Date document : 1er juin 1943

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le commissaire de police de Sûreté de Marseille, Gilard, envoie à son supérieur à Vichy un rapport très documenté sur l'exécution de chef départemental de la Milice, le docteur Bouysson. Croquis, photos de la rue où a lieu l'attentat, de la voiture du docteur Bouysson, témoignages divers, enquêtes dans différents milieux doivent attester de la bonne volonté de la police marseillaise qui ne peut identifier les auteurs de l'attentat et en est réduite à des hypothèses.

Le croquis permet de reconstituer l'itinéraire des deux membres du groupe Marat qui exécutent le chef départemental de la Milice et Jules Laugier, chef des renseignements de la Milice. Les deux miliciens sont abattus alors qu'ils viennent de monter dans la voiture du docteur Bouysson dans le quartier du cours Lieutaud. Pendant que le premier assaillant, arrivé à la hauteur de la voiture du docteur Bouysson tire sur les deux passagers par la vitre avant gauche, le second le couvre en restant sur le trottoir. Le docteur Bouysson succombe, Jules Laugier est grièvement blessé. Les témoins produisent des descriptions contradictoires des agresseurs, mais souvent cependant décrits de teint basané, de type oriental ou méditerranéen.

L'analyse balistique des douilles trouvées sur les lieux de l'attentat conclut que c'est avec la même arme que Paul de Gassowski, chef départemental adjoint de la Milice, a été abattu en avril 1943. L'enquête du commissaire de la Sûreté montre que le chef régional de la Milice avait mis en demeure le docteur Bouysson de démissionner de ses fonctions dans la Milice à la suite de contacts avec Paul Gaillet, chef du groupement de la « Jeunesse française du Maréchal ». Paul Gaillet proposait de faire entrer à la Milice son adjoint Rouyau qui ferait office de radio technicien. La police allemande arrête Paul Gaillet et son adjoint en possession d'un poste émetteur. Ils sont convaincus de fournir des renseignements aux Anglais, d'être subventionnés par un parti antifasciste italien tout en étant gaullistes. Le docteur Bouysson aurait été rendu responsable de l'arrestation de Gaillet et abattu en représailles. Le rapport hebdomadaire des Renseignements Généraux du 7 juin 1943 reprend de façon allusive cette théorie : « les "patriotes" (communo-gaullistes) avaient vraisemblablement des intelligences dans la Milice : le docteur Bouysson les aurait-il découvertes et dénoncées à la police allemande ? ». Il propose par ailleurs une autre piste : un règlement de compte interne à la Milice, le docteur Bouysson venant d'adhérer au Parti populaire Français (PPF) n'essaie-t-il pas de noyauter la Milice, ce qui aurait entraîner son exécution ? La police conclut à un crime politique sans doute en relation avec l'arrestation de Paul Gaillet.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources
Archives nationales 19870802-3-2 (dossier Bouysson)
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 132.
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Editeur, 1971.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, éditions Tirésias, 2011. 
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Jacques Ravine, La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.

Contexte historique

Pour la seule année 1943, le détachement Marat exécute ou blesse grièvement cinq responsables de la Milice ou de partis collaborationnistes. Il abat également fin octobre une gardienne de la prison des Baumettes particulièrement zélée et Georges Balligand, inspecteur de la Sûreté.

La Main d'oeuvre immigrée (MOI) est créée par le Parti communiste en 1932. Comme toutes les organisations liées au parti communiste, la MOI est interdite le 1er octobre 1939. Les militants poursuivent clandestinement leurs actions. A Marseille, aux militants déjà implantés avant guerre comme Avram et Choura (Sifra) Haham s'ajoutent des réfugiés de la zone Nord, Albert et Bella Levin, Hélène Taich, Maurice Korzec et d'anciens des Brigades internationales (Basil Serban, Léon Tchernine). Cette force militante permet la création dés septembre 1940 du Secours populaire (Solidarité en zone Nord) qui aide les réfugiés et les internés, diffuse la presse clandestine en français et en yiddish. Les militants MOI de Marseille, conformément aux directives du parti communiste, basculent une partie de leurs effectifs dans les Francs Tireurs et Partisans (FTP). Le premier groupe de FTP-MOI est constitué à Marseille au cours de l'été 1942. Il rassemble des immigrés de toute origine et prend le nom de Marat en hommage au révolutionnaire français.

Les collaborateurs et organisations collaborationnistes sont particulièrement visées par les FTP-MOI. Les rapports des renseignements généraux ne cachent pas l'impopularité des victimes et semblent même en éprouver une certaine satisfaction. Un rapport du 31 mai note : "il [l'assassinat du docteur Bouysson] n'a,...causé aucune réaction défavorable dans la masse du grand public où l'on relève aucun sentiment de pitié... Les milieux élevés qui semblent pénétrer plus profondément la question précisent que ce n'est pas un acte de gaulliste ou de communistes, mais celui d'un patriote." Le rapport du 7 juin insiste : "Ainsi qu'on l'a déjà dit, la Milice est très mal vue de la population(et pas seulement des communo-gaullistes). On lui reproche d'une part de comprendre une foule d'éléments brutaux rejetés par les autres groupements politiques, d'autre part des agissements illégaux de tous genres et enfin on la soupçonne d'être à la base des arrestations opérées par la police de sûreté allemande." Les FTP-MOI ne constituent pas une base de travail pour la police qui après avoir suivi les pistes les plus diverses conclut de façon très vague,comme lors de l'exécution de Paul de Gassowski , à un crime politique.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources et bibliographie :
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 132,137
Archives nationales 19870802-3-2 (dossier Bouysson)
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Editeur, 1971.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, éditions Tirésias, 2011.
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.