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Manifestations de résistance de la jeunesse, 1940-1941

Légende :

Le chef de la police spéciale note des manifestations de résistance dans la jeunesse scolaire et universitaire dés la rentrée des classes de septembre 1940

Genre : Image

Type : rapport de police

Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 29 Droits réservés

Date document : 5 juin 1941

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le chef de la police spéciale, en charge des enquêtes politiques fait pour le préfet des Bouches-du-Rhône le bilan de l'année scolaire 1940-1941. Il note des manifestations de résistance dans les établissements scolaires et la faculté d'Aix-en-Provence
-une adhésion à la France libre et au général de Gaulle qui s'exprime sans trop de précaution
-manifestations que le commissaire qualifie d'anglophiles fin mars 1941 (voir contexte historique)
-inscriptions sur les murs de la ville et distribution de tracts communistes par de jeunes lycéens de Thiers et de Saint Charles qui ont été arrêtés (voir notice : "un réseau de jeunes communistes démantelé »)
Du côté des enseignants qui pourraient être contestataires, la prudence est de rigueur.
Deux points en faveur du régime : la constitution de Phalange patriotique et de cadets de la Légion. Dés la rentrée de septembre 1940, la jeunesse est mobilisée dans les établissements scolaires pour célébrer la patrie et le drapeau : « l'école française sera nationale avant tout » déclare le maréchal Pétain le 15 août 1940. Cérémonie de salut au drapeau et constitution par les élèves de phalanges patriotiques sont fermement encouragées par les autorités et la propagande (voir notice « salut au drapeau au lycée Saint Charles, janvier 1941). La Légion française des Combattants (LFC) est créée le 29 août 1940 et se substitue à toutes les organisations d'anciens combattants qui ont été dissoutes. Xavier Vallat, secrétaire général, leur assigne la tâche d'être « les yeux et les oreilles » du Maréchal. A Marseille, les docteurs Bouyala et Arnould fondent la section régionale. Le docteur Bouyala fixe clairement les objectifs de la LFC : « Elle établira la liaison entre le gouvernement et le peuple... Elle combattra les sophismes dissolvants et les calomnies chuchotées. Elle se dressera contre toutes les trahisons. »A l'imitation des adultes, des jeunes maréchalistes créent les cadets de la Légion.

Les établissements scolaires sont un terrain d'affrontement à armes inégales entre ceux qui choisissent la résistance et ceux qui soutiennent la révolution nationale. Le rapport du chef de la police spéciale donne le sentiment que ces derniers sont cependant minoritaires. Pour ne pas terminer sur une note pessimiste, il crédite le discours de l'amiral Darlan de vertus entraînantes.


Auteure : Sylvie Orsoni

Contexte historique

L'année scolaire 1940-41 a vu la mise en place d'une école remodelée et épurée selon les principes de la Révolution nationale (voir notices « Une école nouvelle », « une école épurée »).
Au niveau national, l'amiral Darlan succède le 10 février 1941 comme vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères à Pierre-Etienne Flandin jugé peu fiable par les Allemands. La presse locale célèbre l'union au sommet d'un maréchal et d'un amiral. Le Petit Marseillais intitule son éditorial « Empire, Marine, redressement. Le navire France a retrouvé sa route. » L'amiral Darlan, très hostile aux Anglais, relance la politique de collaboration avec l'Allemagne.
Au niveau international, la bataille d'Angleterre de juillet 1940 à mai 1941,et ses bombardements terrifiants sur Londres et les villes anglaises, permet à la propagande de célébrer la sécurité dont jouit la France grâce au maréchal Pétain.
La résistance cependant se manifeste par des actes isolés, cris hostiles, inscriptions sur les murs ou sur les affiches du régime, mais aussi de façon plus organisée comme on peut le voir avec l'arrestation de jeunes lycéens communistes (voire « notice un réseau de jeunes communistes démantelé) et les premières manifestations publiques de résistance fin mars 1941. Le 27 mars 1941, le jeune roi de Yougoslavie, Pierre II, âgé de 17 ans est porté au pouvoir par des militaires qui n'admettent pas le pacte d'alliance signé par le régent Paul deux jours plutôt. Cet acte interprété comme le refus de se soumettre aux Allemands déclenche des manifestations publiques à Marseille les 28 et 29 mars devant la plaque commémorant l'assassinat de son père au bas de la Canebière en octobre 1934 et le monument à l'amitié franco-yougoslave de la préfecture. Dès le 28 mars, des bouquets et gerbes sont déposés tandis qu'une foule chante La Marseillaise. Le 29 mars, une manifestation plus concertée de lycéens et d'étudiants essaie de se rassembler devant la préfecture avant d'être dispersés par la police. La police fait preuve de retenue car les manifestants ne crient pas de slogans hostiles au gouvernement ou à l'Allemagne. Mais la visite de l'amiral Leahy venu apporter une cargaison d'aide américaine fait craindre que les étudiants profitent de cette venue pour organiser des manifestations cette fois ouvertement hostiles à l'Allemagne. Le 4 avril, le proviseur du lycée Thiers réunit ses collègues pour qu'ils préviennent leurs élèves « des graves ennuis qu'ils pourraient susciter à la cause de notre pays en se livrant à des manifestations déplacées. » Il semblerait que quels cris en faveur du général de Gaulle se soient fait entendre.
Le premier semestre de 1941 voit apparaître des signes de résistance qui restent très limités et montrent que les groupes qui se sont formés disposent de moyens modestes ne leur permettant pas d'aller au-delà d'inscriptions à la craie ou de tracts artisanaux. L'attaque de l'URSS par l'Allemagne en juin 1941 et la dégradation des conditions de vie de la population vont offrir aux organisations de résistance des conditions plus favorables pour se développer.


Auteure : Sylvie Orsoni

Sources
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004.
Maitron.fr/spip.php ? Article 16943 notice Robert Abignoly, Jean Sébastien Chorin ; article 22 950 notice Renée Dray-Silhol, Jean Claude Lahaye ; article 116463 notice Mireille Lauze, Antoine Olivesi, Renaud Poulain- Argiolas ; article 235328 notice Edouard Palomba, Jean Marie Guillon.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.