Carte de membre des Forces Françaises de l’Intérieur du Vaucluse de Wanda de Komornicka

Légende :

Carte FFI n°529 de Wanda de Komornicka

Genre : Image

Type : Carte

Source : © Archives départementales de Vaucluse, 1 J 345 Droits réservés

Date document : Document non daté, 1ère moitié du XXe siècle.

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Vaucluse - Avignon

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Ce document fait partie d’un dossier d’archives privées remis par Wanda Hudault née de Komornicka aux Archives départementales de Vaucluse en 1994. Il s’agit certainement d’une carte de membre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) avec la mention de l’affiliation au maquis Ventoux. Cette carte a dû être réalisée après la Seconde Guerre mondiale parce qu’aucune date n’y figure et que dans la clandestinité, il aurait été imprudent de constituer un fichier des résistants et de leur distribuer des cartes nominatives avec photographie car si ces informations étaient tombées entre les mains de l’occupant ou des autorités de Vichy, cela aurait permis un énorme coup de filet au sein de la Résistance vauclusienne. Wanda de Komornicka possède la carte n°529.

Dans l’immédiat après-guerre, ce type de carte est établi soit par des instances départementales comme par exemple, les Comités départementaux de la Libération (CDL) ou les FFI du département, soit par des instances locales comme les Comités locaux de la Libération (CLL), soit par les anciennes organisations de la Résistance afin de répertorier leurs membres et que ceux-ci puissent prouver leur appartenance à la Résistance puisqu’aucun document officiel national n’avait encore été créé.

Ce document se compose de trois parties. Les deux premières se présentent comme une pièce d’identité avec des renseignements sur l’état-civil du résistant et sur ses caractéristiques physiques. La troisième partie de la carte indique les services dans la Résistance. Wanda de Komornicka est née le 23 juillet 1925 à Alger, plus exactement à Birmandreis. Elle est la fille d’un comte polonais décédé, Kornel de Komornicki, et d’Yvonne Roeschlin. Elle est étudiante pendant la guerre. Elle est scolarisée au lycée de jeunes filles d’Avignon qui est aujourd’hui le lycée Théodore Aubanel. Lors de l’année scolaire 1941-1942, elle est en 4ème. Elle habite avec sa mère et ses deux sœurs au 4 avenue des chalets à Avignon depuis leur arrivée dans la cité papale le 10 septembre 1941 après avoir fui Nancy.

La dernière partie du document permet de comprendre le rôle de Wanda de Komornicka dans la Résistance. Elle s’engage très tôt, dès le 24 juin 1940. Elle ne vit pas encore dans le Vaucluse à ce moment-là mais à Nancy où sa mère est directrice du foyer du soldat à la caserne Thiry de cette localité. Celle-ci organise dès le mois de juin 1940, un réseau d’évasion pour les soldats prisonniers de guerre afin de les aider à rejoindre la zone libre en passant par Poligny, Arbois et Bourg-en-Bresse. Wanda et sa sœur aînée Christiane aident leur mère dans cette mission ce qui leur permet d’obtenir après la guerre, le diplôme de passeur. Dénoncées par une voisine qui espère ainsi récupérer leur appartement, Yvonne de Komornicka et ses trois filles (Christiane, Wanda et Hélène) quittent précipitamment la Meurthe-et-Moselle le 9 septembre 1941 et passent clandestinement la ligne de démarcation pour gagner la zone non occupée et s’installer à Avignon. Dans le Vaucluse, Wanda occupe les fonctions d’assistante sociale dans la Résistance puis elle prend la direction du service social des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) après l’arrestation de sa mère.

Deux tampons figurent sur la carte avec la mention difficilement lisible « Forces Françaises de l’Intérieur, Département du Vaucluse » apposé sur la photographie et sur la signature des responsables départementaux de la Résistance, Philippe Beyne « d’Artagnan » (chef départemental FFI depuis juin 1944) et André Chanavas (responsable militaire FTPF).


Auteure : Marilyne Andréo

Contexte historique

Dans le Vaucluse, le mouvement Combat est créé à la fin de l’année 1940 par un groupe de réfugiés lorrains parmi lesquels l’abbé Ernest Krebs, le caporal Kessler, Jacques Fridmann, Fischbach, Huot et Weil. L’abbé Krebs est aumônier militaire du centre de réfugiés et vice-président de l’Amicale des réfugiés alsaciens-lorrains où il rencontre Yvonne de Komornicka. En 1941, il devient le chef départemental ROP (Recrutement-Organisation-Propagande) et le chef départemental de l’Armée secrète sous le pseudonyme de « Victor » avant de céder sa place à Yvonne de Komornicka alias « Kléber » en août 1942, quand l’archevêque d’Avignon découvre ses activités et lui ordonne de quitter la ville.

Yvonne de Komornicka, la mère de Wanda, a de hautes fonctions dans la Résistance du Vaucluse. Elle s’engage dans le mouvement Combat le 1er novembre 1941, elle s’occupe du service social de l’organisation puis en août 1942, elle prend la tête du mouvement après le départ de l’abbé Krebs. Elle devient le « capitaine Kléber ». Elle est responsable du ROP. La fusion réalisée entre les mouvements Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud, elle dirige ensuite les MUR dans le Vaucluse. Elle crée également le groupe-franc Kléber qu’elle confie à Jean Garcin « Bayard ». Ce groupe-franc est une branche armée du mouvement. Elle participe à la mise en place de la Section d’Atterrissage et de Parachutage (SAP) de la région R2 à partir du 15 septembre 1943. Ses trois filles l’assistent dans ses missions notamment comme agents de liaison. Elle est interpellée le 23 octobre 1943 dans son bureau du service social de la mairie d’Avignon, rue Joseph Vernet par la Gestapo d’Avignon et son chef Müller. Elle est emprisonnée puis déportée.

Wanda de Komornicka succède alors à sa mère à la tête du service social des MUR du Vaucluse et assure de nombreuses liaisons entre la SAP et les maquis. Le service social aide et conseille les familles des résistants fusillés, emprisonnés ou déportés. Il est présent dans sept secteurs du Vaucluse (Vaison-la-Romaine, Cavaillon, Apt, Carpentras, Pertuis, Orange et Avignon). Les fonds d’aide aux familles (en argent ou en nature) proviennent des parachutages ou des actions menées par les résistants.

A la Libération, dans l’espoir de retrouver leur mère, Christiane et Wanda s’engagent dans les services de rapatriement des prisonniers déportés au sein de l’armée canadienne pour la première et de la Mission militaire de liaison administrative (MMLA) pour la seconde. Elles retrouvent leur mère à l’hôtel Lutetia à Paris le 14 juillet 1945.

Le maquis Ventoux est fondé et organisé par Maxime Fischer et Philippe Beyne. Maxime Fischer est un avocat juif rayé du barreau de Paris, replié à Carpentras. Philippe Beyne est un ancien militaire de carrière devenu percepteur jusqu’à son départ à la retraite le 25 février 1941. Il vit à Sault depuis 1933 et cette commune est le PC du maquis Ventoux. Ce maquis est homologué par les autorités militaires du 1er mai 1943 jusqu’au 26 août 1944 mais les premiers maquisards sont déjà présents lors de l’hiver 1942-1943. Il regroupe 1 091 résistants homologués (1 955 personnes à la mi-août 1944) dans une vingtaine de secteurs dans le Vaucluse et dans la Drôme (Avignon, Bédoin, le groupe Brossard-Aviation, Buis-les-Baronnies, Caromb, Carpentras, Izon-la-Bruisse, Malaucène, Mazan, Mollans, Morières, Mormoiron, Orange, Pernes, Sablet, Saint-Christol, Sault, Séderon, Vaison, Venasque et divers autres secteurs secondaires). Tous les membres du maquis Ventoux ne sont pas maquisards. Certains sont des FFI légaux c’est-à-dire continuant à vivre sous leur véritable identité tout en étant engagé dans la Résistance. Tel est le cas des membres des secteurs d’Avignon et d’Orange qui renseignent le maquis, le ravitaillent, etc.

Wanda de Komornicka n’appartient pas directement au maquis Ventoux mais au mouvement Combat puis aux MUR auxquels le maquis Ventoux est rattaché. Elle est également un agent de la SAP d’abord comme agent P1 (c’est-à-dire en gardant son identité et son activité professionnelle) puis comme agent P2 car elle se dévoue entièrement au réseau à partir du 1er juin 1944.

Après la guerre, Wanda de Komornicka devient assistante sociale et épouse un ancien camarade de combat, Guy Hudault. Elle demeure à Avignon. Pour ses services dans la Résistance homologués officiellement par les autorités militaires du 15 septembre 1943 (date de la mise en place de la SAP par sa mère) au 30 septembre 1944, elle obtient le grade fictif de sous-lieutenant, la médaille de la Résistance et la croix de guerre avec étoile de bronze et le titre de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) en 1953. Elle est décédée le 26 avril 2011 à Avignon.

 

 

 


Auteure : Marilyne Andréo

Sources
1 J 345, AD Vaucluse, Documents, photocopies de documents, récits et témoignages sur la Résistance. Documents remis par Wanda Hudault née de Komornicka en 1994.
1 J 346, AD Vaucluse, Enregistrements (numérisés) de témoignages sur la Résistance (1978-1980).
ONAC Vaucluse, Dossiers de demande de la carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) de Christiane de Komornicka, de Hélène de Komornicka, d’Yvonne de Komornicka et de Wanda Hudault née de Komornicka.
72 AJ 46, Archives nationales, Archives du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, Mouvements Combat, Dossier n°3, pièce 21, Témoignage d’Yvonne de Komornicka recueilli par Marie Granet.
21 P 581 326, DAVCC Caen, Dossier de déporté résistant d’Yvonne de Komornicka.
GR 16 P 517 097, SHD Vincennes, Dossier d’homologation des services d’Yvonne Roeschlin épouse de Komornicka.
GR 16 P 166 564, SHD Vincennes, Dossier d’homologation des services de Christiane de Komornicka.
GR 16 P 166 565, SHD Vincennes, Dossier d’homologation des services d’Hélène de Komornicka.

Hervé Aliquot, Le Vaucluse dans la guerre 1939-1945 : la vie quotidienne sous l’occupation, Le Coteau, Editions Horvath, 1987, p. 74, 84-88, 91, 97.
Claude Arnoux, Maquis Ventoux, Résistance et répression en Provence pendant la Seconde Guerre mondiale, Avignon, Aubanel, 1994, p.51-52.
Aimé Autrand, Le département de Vaucluse de la défaite à la Libération mai 1940-25 août 1944, Avignon, Aubanel, 1965, p. 74-79, 211, 216-218, 248-249.
Département de Vaucluse, 84 Le Mag, Visages du Vaucluse, Hors-série, 2020, p.51-59.
Jean Garcin, Nous étions des terroristes, Avignon, Barthélémy, 1996, p. 39-41.
Robert Mencherini, « Komornicka, Yvonne de, Kléber (1898-1994) » in François Marcot, Bruno Leroux, Christine Levisse-Touzé (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance : Résistance intérieure et France libre, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 450-451.
Jocelyne Riffault, « Yvonne de Komornicka », in Portraits de femmes en Vaucluse, Club Azertyuiop, Avignon, Club Azertyuiop, 2002, p. 188-190.
Service éducatif des Archives départementales de Vaucluse et du Centre départemental de documentation pédagogique, La Résistance en Vaucluse. Documents et témoignages, Avignon, CDDP, 1980, documents 33, 34, 35, 37, 114 et 164.
Association départementale des Combattants volontaires de la Résistance de Vaucluse et départements limitrophes, « Madame Yvonne de Komornicka (alias « Kléber »), chef du mouvement Combat de Vaucluse ». 22 février 2019. [En ligne]. http://cvrduvaucluse.canalblog.com/archives/2019/02/22/37122509.html [consulté le 4 août 2021].
Archives départementales de Vaucluse, « La Résistance au féminin : Yvonne de Komornicka ». [En ligne]. https://archives.vaucluse.fr/documents-a-savourer/histoires-d-archives/la-resistance-au-feminin-1960.html [consulté le 4 août 2021].