Statistiques des rapatriés arrivés au port de Marseille, avril- octobre 1945

Légende :

Tableaux mensuels   des arrivées   au port de Marseille des rapatriés, service statistiques du centre de rapatriement de la Madrague, Marseille, avril- octobre 1945. 

Type : Tableaux statistiques

Producteur : MUREL PACA

Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 77 W 60 Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Au centre d'accueil établi 309 chemin de la Madrague près du port commercial de Marseille, le bureau de contrôle des rapatriements relevant du ministère de la Guerre fait établir des tableaux statistiques sur les arrivées des rapatriés pour les mois d'avril à octobre 1945.

D'avril à juin, le nombre d'arrivée ne tombe jamais en dessous de 10 000. Le pic est atteint en juin avec 16 425 personnes. Le nombre de navires effectuant les rotations passe de sept en avril à dix en mai et juin. A partir de juillet les retours diminuent fortement : encore 4 050 arrivants en juillet, puis 1826 en août avant de tomber à 203 personnes en septembre et 139 en octobre. Le centre ferme et les relevés statistiques cessent.

En avril et mai les navires sont anglo-saxons (voir contexte historique). Il faut attendre juin pour que trois navires français accostent. Cela montre la pénurie de moyens de transport de la France à cette époque après les destructions de la guerre.

Les ports d'embarquement connaissent aussi une évolution nette : en avril 88% des passagers arrivent d'Odessa. Le pourcentage se maintient à ce taux en mai avec 79% en provenance du port soviétique. A partir de juin, les départs s'équilibrent entre Naples et Odessa. Puis Odessa disparaît quasiment : aucun embarquement en août, huit en septembre, un en octobre sur un pétrolier américain qui n'était pas destiné a priori au rapatriement. Le port de Naples a toujours été présent dans les rotations. (voir contexte historique)


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Si Odessa a vu embarquer 31 093 rapatriés soit 52,8% du total c'est parce qu'ont été acheminés vers le port de la mer Noire les prisonniers de guerre, requis du STO, survivants des camps de déportation et d'extermination de la zone libérée par les Soviétiques. Celle-ci s'étend sur la Pologne, une partie de la Tchécoslovaquie et le nord-est de l'Allemagne. Les camps de Ravensbrück, Sachsenhausen, Gross-Rosen, Stuthof et bien sûr Auschwitz ont été libérés par l'armée rouge. Henri Frenay, ministre des prisonniers, déportés et réfugiés, estime à 1 500 000 hommes les Français se trouvant dans la zone tenue par les Soviétiques. Le général Catroux, ambassadeur de France en URSS, n'a connaissance que de contingents épars. Les Soviétiques mettent beaucoup de mauvaise volonté à communiquer aux autorités françaises les noms de leurs ressortissants et à les autoriser à envoyer des représentants auprès d'eux. A partir de mars 1945, les Soviétiques regroupent dans un camp de rassemblement à Odessa la majorité des Français en instance de rapatriement. La France ne dispose pas des bateaux nécessaires et doit s'en remettre aux navires alliés.  Un certain nombre de Français se soustraient aux camps de rassemblement soviétiques et se débrouillent pour gagner Bucarest. De là, ils sont transportés à Naples par avion d'où ils embarquent pour Marseille.

De très petits contingents proviennent d'Alger. Le gouvernement du maréchal Pétain a ouvert   des camps d'internement en Algérie en particulier pour des militants communistes. Des prisonniers de guerre originaires du Maghreb libérés de stalags attendent à Marseille des bateaux pour rentrer chez eux. Aucun de ces groupes n'est considéré comme prioritaire.

 

             

 


                                                                                 Auteure : Sylvie Orsoni

 

Sources :

 -Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947) Midi rouge, ombres et lumières.4. Paris, Syllepse, 2014.

-Wieviorka Annette, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l'oubli. Paris, Plon, 2025.

-Wieviorka Olivier, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours. Paris, éditions du Seuil, 2010.