Chant officiel des détenus politiques de la centrale d’Eysses

Légende :

Chant écrit entre 1943 et 1944, intitulé « Debout ! ». Paroles de Paul Deguilhem, musique d’Hippolyte Lambert.

Type : Chanson

Producteur : Paroles de Paul Deguilhem, musique d’Hippolyte Lam

Source : © Archives de l’Amicale d’Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Retranscription dans un fichier .pdf.

Date document : Entre octobre 1943 et mai 1944

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

« Debout ! » est probablement écrit entre octobre 1943 (date d’arrivée à Eysses des deux auteurs) et mai 1944 (date de départ d’Eysses pour être ensuite déportés à Dachau). Chaque couplet est composé d’alexandrins.

« Debout ! » exprime cette émotion de l’auteur, Paul Deguilhem, par laquelle il souhaite que tous les détenus d’Eysses, Français et étrangers, se dressent contre l’ennemi, se battent pour leur libération et celle de la France (« tous ici réunis sous le même drapeau »).

Né le 10 mai 1904 à Beaucaire (Gard), Paul Deguilhem, employé SNCF à Armes, est arrêté le 7 juin 1941 pour propagande communiste et distribution de tracts. Condamné à 10 ans de travaux forcés en juin 1941 (peine commuée en 5 ans de prison), Deguilhem arrive à Eysses en octobre 1943. Il est également l’auteur d’une pièce de théâtre jouée dans la centrale par les détenus à l’occasion du 11 novembre 1943 ainsi que de plusieurs poèmes. Déporté à Dachau le 16 juin 1944 avec l’ensemble des 1200 détenus patriotes, il y décède le 06/02/1945.

Hymne à l’intérieur de la centrale, ce chant est un acte de Résistance à l’ennemi, à l’emprisonnement (« …que les murs épais s’écroulent… ») et un appel au rétablissement de la République (« Pour notre République il faut vaincre »). C’est unis (« comme un seul homme ») qu’ils réussiront à chasser le régime nazi. Le vocabulaire employé pour le désigner (« odieux, exécré, infâme, décadent… ») rend bien compte du contexte et des atrocités dont il est responsable (massacres, fusillades, déportations …).

La devise de la République française, Liberté-Egalité-Fraternité, transparait à travers ce chant.


Auteurs : Aurélie Pol, Fabrice Bourrée
Sources : Jacques Girault, « Hyppolite Lambert » in cédérom Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Bureau Résistance, 16 P 165784, dossier individuel de Paul Deguilhem.

Contexte historique

Dans les centrales où doit régner le silence, les chants entonnés en cœur expriment, plus que toute autre forme d’expression, une résistance collective au règlement, à l’emprisonnement. Ils ont une vacation de sociabilité, destinés à être partagés, entonnés entendus. Dans une lettre adressée à sa famille le 12 mai 1943 de la prison Chave de Marseille, Paul Courtieu écrit « Ici on n’a pas peur de se faire mettre en prison ! » : cette remarque permet de mieux comprendre l’état d’esprit des détenus qui, lorsqu’ils se retrouvent assez nombreux, lancent des formes ouvertes d’actions, comme les chants à tue-tête, rébellion collective classique dans les prisons. Le répertoire des emprisonnés d’Eysses révèle la double fonction qui lui est assignée. Il répond à la fois à un besoin d’évasion qui renvoie au monde libre, avec les chansons traditionnels, mais comprend aussi des chants engagés, à tonalité patriotique. La note patriotique est essentielle, jouant le rôle d’émulation collective.

Le chant officiel des emprisonnés d’Eysses, intitulé « Debout !» répond à d’autres objectifs. Le refrain exhorte le groupe à la cohésion et à la combativité. Chant à tonalité républicaine et patriotique, il se veut rassembleur, le refrain reprend inlassablement le thème du combat unitaire jusqu’à la libération du territoire et tait les divergences politiques, le mot « ami » supplante le mot « camarade ». Chant unitaire de combat tourné vers la victoire, il ne contient aucune allusion au régime de détention, ni à la souffrance endurée. C’est un hymne à la République sans aucun ancrage révolutionnaire.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.