Robert de Vogüé

Légende :

Robert de Vogüé, gérant de la maison Moët et Chandon d'Epernay et membre de Saule, sous-réseau d'Eleuthère, rattaché à Libération-Nord

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Daniel Pellus Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc, extraite du CD-ROM La Résistance dans la Marne.

Lieu : France - Grand Est (Champagne-Ardenne) - Marne

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Contexte historique

Robert-Jean de Vogüé est né le 3 août 1896 à Menetou-Salon (Cher).

Notable reconnu, le comte Robert-Jean de Vogüé est l'archétype du vichysto-résistant dans la Marne. Négociant en vin de champagne, gérant de la maison Moët et chandon d'Épernay depuis 1930, secrétaire de la Commission spéciale de la Champagne délimitée créée en 1935, Robert-Jean de Vogüé est nommé par René Bousquet en 1940 membre de la Commission administrative provisoire, puis en 1941 du Conseil départemental, créés par le gouvernement de Vichy pour se substituer au Conseil général de la Marne dissous. En septembre 1940, il fait partie du Bureau de contact composé de quelques représentants des négociants de champagne, qui est institué pour entrer en rapport avec la puissance occupante. En novembre 1940, il siège au sein du Bureau national de répartition du vin de Champagne mis en place par le gouvernement de Vichy. En 1941, Robert-Jean de Vogüé est nommé délégué général du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), représentant du négoce, désigné par le secrétaire d'État  ministre de l'Agriculture.

Président du Groupement interprofessionnel patronal d'Épernay (GIPER), Robert-Jean de Vogüé participe dès l'automne 1940 à la création d'une Maison du travail destinée conformément à la politique corporative de Vichy à regrouper les organisations patronales et ouvrières. En 1942, il est l'initiateur avec Fernand Muls, président de l'Union locale des syndicats ouvriers, du Centre interprofessionnel et social d'Épernay (CIS), un des premiers à voir le jour dans la France de Vichy pour promouvoir la Charte du travail promulguée en octobre 1941.
En 1943, membre de Saule, sous-réseau d'Éleuthère dans la Marne, Robert-Jean de Vogüé anime le groupe CDLL d'Épernay, aux côtés de son secrétaire Henri Fignerol, de Frère Birin et de Maurice Germain.

Le 24 novembre 1943, Robert de Vogüé est arrêté par la Gestapo dans le bureau d'Otto Klaebisch le « führer du champagne » 3, boulevard Désaubeau à Reims. Le 29 novembre, Maurice Leflond, secrétaire du syndicat des cavistes lance un ordre de grève aux employés et ouvriers des sociétés vinicoles de Reims et d'Épernay pour protester contre cette arrestation. Incarcéré à la prison de Châlons-sur-Marne, Robert-Jean de Vogüé se confie à son voisin de cellule Robert Tritant chef du groupe CDLR de Châlons, sans se rendre compte que des micros sont dissimulés dans sa cellule. Son procès, que les Allemands ont voulu public, a lieu en février-mars 1944 à Reims dans la salle des criées de la Chambre des notaires, cours Langlet et non pas à Châlons-sur-Marne où siégeait habituellement le tribunal militaire allemand.
Selon maître Pelthier, avocat d' Henri de la Pérouse, intendant de Police de la région de Champagne accusé de complicité, l'attitude de Robert-Jean de Vogüé fut « combien imprudente et maladroite », et traduisait un « curieux mélange : courage allant jusqu'à l'insolence, crânerie devant la mort, et d'autre part, naïveté, maladresse, ou... peut-être besoin de se faire valoir ». Il mit « dans le bain » Henri de La Pérouse, et « raconta tout » : après avoir été un fervent partisan du rapprochement franco-allemand, il avait créé un groupe de résistance afin que les communistes ne soient pas les seuls à organiser la France après la libération ; il avait chargé son adjoint d'établir la liaison entre son groupe et le commandant Derrien de Châlons ; il était en rapport avec le chef de la résistance de la région d'Épernay Pierre Servagnat ; il avait pris contact avec Jean-Marie Docq de Libération-Nord à la Bourse du travail de Reims. Dans l'heure qui suivit, Docq était arrêté et fut déporté à Neuengamme, d'où il n'est pas rentré.

Condamné à mort, Robert-Jean de Vogüé est gracié, bénéficiant de multiples interventions, dont celle de l'ambassadeur de Suède et celle du gouvernement de Vichy dont René Bousquet ne faisait plus partie. Ce dernier pouvait néanmoins encore plaider la cause du délégué du CIVC qu'il avait bien connu dans la Marne, auprès des autorités allemandes, de Laval ou auprès de Pétain lui-même. Il est interné en France puis déporté comme résistant le 27 juin 1944 dans les prisons de Karlsruhe, de Rheinbach, de Ziegenhain, et de Rheinberg, où il est libéré le 3 mai 1945.

Robert Tritant a été fusillé, de même que René Herr et Léon Leroy jugés et condamnés à mort en même temps que Robert de Vogüé.

Après la guerre, lorsqu'à l'époque de la guerre froide, la scission est intervenue au sein de l'association des anciens déportés, Robert de Vogüé adhéra à la FNDIRP au côté des anciens résistants d'obédience communiste.

À Épernay, le nom de Robert-Jean de Vogüé, décédé en 1976, a été donné à une place de la ville où se dresse un buste honorant sa mémoire.

Robert-Jean de Vogüé, décédé le 17 octobre 1976, est Combattant volontaire de la Résistance, mention DIR, et titulaire de la médaille de la Résistance.


Jocelyne et Jean-Pierre Husson, « Robert de Vogüé », in CD-ROM La Résistance dans la Marne, AERI, 2012.