Igor de Schotten

Légende :

Le 11 novembre 1940, Igor de Schotten dépose une gerbe en forme de croix de Lorraine sur la tombe du Soldat inconnu

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Service historique de la Défense à Vincennes, GR 16 P 2017 PA 38 17 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Né le 17 décembre 1922 à Paris, Igor de Schotten est le fils d’un officier russe immigré, ancien combattant de la guerre 1914-1918.

En novembre 1940, Igor de Schotten est l’organisateur de la manifestation des lycées de Janson-de-Sailly. Le 8 novembre, une collecte est secrètement organisée au sein de l’établissement. Parmi les donateurs ce jour-là figure un nommé Valéry Giscard d’Estaing alors lycéen en seconde. Le lendemain, avec son pécule, Igor de Schotten se rend chez le fleuriste le plus proche, Charles Landrat, au rond-point des Belles-Feuilles, aujourd’hui appelé place de Mexico, et lui commande un bouquet orné d’un ruban tricolore.
Le 11 novembre, en début d’après-midi, Igor de Schotten fait circuler un message dans les classes : « On sèche la dernière heure et on défile jusqu’à la place de l’Étoile. » À quinze heures, accompagné de son ami Claude Dubost, il court récupérer le bouquet chez le fleuriste. Tout sourire, Charles Landrat les entraîne au fond de sa boutique, où il leur montre « la petite gerbe » qu’il a composée à leur intention : une croix de Lorraine bleu ciel de deux mètres de haut ! En un temps record, il a réussi, assisté de son épouse et de deux employés, à se procurer aux Halles cinq cents œillets blancs, à les assembler et à les teindre par vaporisation. Les trois couches nécessaires pour fixer la couleur leur ont fait passer une nuit blanche.

Dans l’après-midi, les deux jeunes prennent la direction de l'Arc de Triomphe avec leur gerbe. « Lorsque nous nous sommes engagés sur la place de l’Étoile, celle-ci était déserte. Subitement, sur notre droite, ont accouru des soldats allemands. Dubost et moi avons stoppé net. Un rapide coup d’oeil vers l’arrière nous a appris que nous étions seuls. Tous nos copains s’étaient dispersés. La peur au ventre, nous avons continué. Les Allemands, eux, se sont arrêtés. Ils semblaient attendre un ordre. À ce moment-là, des agents de police français nous ont entourés. Leur chef nous a demandé « Que venez-vous faire ici ? » Nous lui avons répondu que nous voulions déposer nos fleurs. « Suivez-nous ! » a-t-il dit. Encadrés par les gardiens de la paix, nous sommes passés devant les Allemands restés en retrait, avons fait le tour de l’Arc de triomphe et déposé à la sauvette notre croix de Lorraine sur la Dalle sacrée. Ensuite, alors que nous descendions les Champs-Élysées, des policiers français en civil nous ont glissé : « Faites pas les cons. Rentrez chez vous. » Quelques mètres plus loin, des flics ont embarqué Dubost dans un panier à salade qui était garé rue de Tilsit. Il passera un mois à la prison de la Santé. Moi, j’ai continué sur le trottoir de gauche, tandis que les Champs-Élysées se remplissaient de lycéens et d’étudiants.
En bas de l’avenue, à hauteur du bar du Colisée, une fanfare allemande a commencé à défiler. Des bouteilles et des verres ont volé vers les musiciens, accompagnés de « vive de Gaulle ! » et des premiers accents de La Marseillaise. Quelques membres du Jeune Front, parti national socialiste français, ont voulu jouer au plus fort. Ils ont vite été neutralisés. La vitrine de leur organisation prônant « la grande France » censée englober la Wallonie, le Luxembourg, la Suisse romande et que sais-je encore… a volé en éclats. Des side-cars et fantassins allemands ont chargé les manifestants. On a entendu des coups de feu. À l’intersection de la rue de Berry, deux policiers m’ont jeté dans un fourgon déjà bondé. On a pris la direction du commissariat du Grand Palais qui résonnait de clameurs et de chants patriotiques. On nous a parqués à l’extérieur. Cela m’a permis, prétextant un besoin naturel, de me glisser dans les massifs et de m’enfuir. » (Témoignage cité par Alain Vincenot)

Entre la fin de l’année 1940 et octobre 1941, Igor de Schotten apporte son aide aux prisonniers évadés et aux personnes recherchées. En juillet 1942, il est arrêté à Paris pour propos anti-allemands et incarcéré à la prison militaire du Cherche-Midi. Condamné à 6 mois de prison par le tribunal du Grand Paris, il est transféré à la maison centrale de Clairvaux (Aube). Grâce à un certificat de complaisance, il obtient une libération provisoire en décembre 1942. En février 1943, il tente de franchir les Pyrénées mais cette tentative se solde par un échec. Le mois suivant, il rejoint un maquis de Haute-Savoie. Face aux difficultés de la vie quotidienne au maquis, il finit par quitter les lieux. C’est alors qu’il est chargé d'une mission de protection de la base radio du réseau Jacques OSS à Cusset (Allier). De retour à Lyon en mai 1943, il effectue des missions de liaison avec la Suisse. Il est interné en Suisse jusqu’en juin 1944 où il part pour l’Allemagne. Evadé en juillet 1944, il rejoint les FFI en France puis souscrit un engagement volontaire dans la Première Armée avec laquelle il rend part à la campagne d’Alsace puis à celle d’Allemagne.

Igor de Schotten, comme beaucoup d’autres, s’est rendu compte tardivement de l’importance de cet acte patriotique du 11 novembre 1940 : Il est vrai que pour moi, comme pour beaucoup d’entre nous, cet acte de courte durée, naturel en lui-même, n’a semblé ni importnt, ni difficile, ni même dangereux par rapport à tout ce qui nous est arrivé après. En ce qui me concerne, je ne mesuis rendu compte de sa valeur que très progressivement, à partir de 1965 par l’intermédiair ed enotre association. Auparavant je n’en avais parlé à personne, ni à mes enfants, ni même à ma femme, élève à Molière, dont je n’ai appris la participation que très récemment. Comment donner une importance à quelques heures de rébellion alors que dans les années suivantes on est entré en résistance… ».

Officier de la légion d'Honneur, président de l’association des résistants du 11 novembre 1940, Igor de Schotten est décédé le 13 novembre 2007.


Fabrice Bourrée

Sources :
Service historique de la Défense,  16 P 178 790 et 2017 PA 38.
https://www.memoresist.org/resistant/igor-de-schotten/