Jacob (Jacques) Tancerman

Légende :

Jacob Tancerman, membre fondateur du bataillon FTP-MOI Carmagnole, responsable militaire UJRE (septembre 1943), chef de la milice patriotique juive à Paris (juin 1944), commandant de la compagnie Marcel Rayman du bataillon Liberté.

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Coll. privée Jean-Louis Tancerman Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 1946

Lieu : France

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Contexte historique

Jacob Hersz Tancerman est né le 30 décembre 1917 à Varsovie (Pologne). Son père étant décédé à sa naissance, Jacob est élevé par sa mère, Léa, dans un milieu juif traditionnel non pratiquant. La famille réside dans le quartier juif de Varsovie. En 1928, Jacob et sa mère s’installent à Paris chez son oncle maroquinier. Durant un an, il fréquente l’école communale de la rue Dussoubs (IIe arrondissement) où il apprend le français puis entre comme apprenti dans l’atelier de son oncle. Dans les années 1930, il est domicilié Faubourg Saint-Martin dans le Xe arrondissement parisien. Il adhère au syndicat CGT de la maroquinerie tout en restant éloigné de la politique. Le 18 mai 1937, il épouse Blanche Simone Dreisine à la mairie du XXe arrondissement dont il divorcera dix ans plus tard. L’année suivante, il dépose une première demande de naturalisation qui est ajournée le 1er juin 1939. 

Le 18 octobre 1939, Jacob Tancerman contracte un engagement au sein du 21e régiment de marche des volontaires étrangers et part pour Barcarès. Réformé pour raisons médicales le 14 février 1940, il rejoint sa mère à Paris, reprend son travail d’ouvrier maroquinier et développe ses activités syndicales (collage de tracts, collecte d’argent, actions de solidarité...). En 1941, il se procure de faux papiers et prend l’identité de Jacques Drappier. Il met sa mère en sécurité dans un village du Midi de la France. A la fin de l’année 1941, avec quelques camarades juifs, il se rend à Lyon et y prend contact avec Léon Kaufman, responsable lyonnais du syndicat des cuirs et peaux, qui lui confie des distributions de tracts. Du 21 octobre au 5 décembre 1941, il est employé en qualité d’ouvrier maroquinier aux établissements Garnier fils à Lyon, 14-16 rue de la Quarantaine, sous sa fausse identité. Durant la même période et jusqu’en avril 1943 (selon les documents conservés dans les archives familiales), il est employé en qualité de façonnier (salarié à la pièce) par la maroquinerie Alibert située 19 rue de Bonnel à Lyon ; poste stratégique pour ses activités clandestines puisque ladite maroquinerie était située juste au coin de la Préfecture du Rhône, les fenêtres de l'immeuble ayant une vue plongeante sur l'entrée de la Préfecture.

Quelques temps plus tard, Tancerman émet le vœu d’effectuer des actions plus efficaces. Un petit groupe commence à se former ; il comprend Tancerman, Joseph Kutin, Albert Kugler, Francis Chapochnik, Simon Fryd. Ce groupe constitue l’embryon de ce qui deviendra par la suite le bataillon Carmagnole. D’abord chef de groupe, Tancerman rejoint rapidement l’état-major du bataillon en qualité de responsable technique militaire. L’année 1942 est marquée par de nombreuses actions armées contre des objectifs allemands. Tancerman participe à certaines de ces actions selon l’attestation délivrée en 1960 par Nathan Chapochnik :
- le 4 janvier 1943 – action contre des Allemands cantonnés au groupe scolaire Jacquard à la Croix Rousse ;
- le 10 janvier 1943 – attaque contre des véhicules allemands, rue Juliotte Récamier et boulevard Brotteaux ;
- le 27 février 1943 – action contre un détachement allemand aux Charpennes.

Au printemps 1943, l’Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE) constitue ses premiers groupes de combat en lien avec les FTP-MOI. Jacob Tancerman est chargé de constituer des détachements et devient responsable militaire régional en septembre 1943 puis pour l’ensemble de la zone Sud (mars 1944). Son secteur englobe les unités de Marseille, Grenoble, Toulouse ou Limoges. Il participe lui-même à certaines opérations. C’est lui notamment qui dirige le 22 décembre 1943 l’attaque d’un immeuble occupé par des Allemands boulevard Pinel à Lyon.

A partir de février 1944, l’UJRE organise les Milices patriotiques juives. Or, à Paris, la répression a fait de terribles ravages dans les rangs des FTP juifs. La direction de l’UJRE désigne Jacob Tancerman pour se rendre à Paris et dresser un rapport de la situation dans la capitale. Sur place, il rencontre notamment les responsables de la jeunesse juive. Il rentre à Lyon pour rendre compte de sa mission et reçoit l’ordre de retourner à Paris pour y réorganiser les milices patriotiques juives début juin 1944. Sa première directive est de se procurer des armes sur les Allemands. Lors de l’insurrection parisienne, le quartier général de Jacob Tancerman est installé rue des Tournelles à côté de la synagogue. Ses hommes participent notamment aux combats de la place de la République et à la réoccupation des locaux juifs.

Début septembre 1944, est formée à la caserne de Reuilly une compagnie juive qui prend la dénomination compagnie Marcel Rayman en mémoire du FTP-MOI fusillé au Mont-Valérien. La compagnie comprenant environ 160 hommes est placée sous le commandement du lieutenant FFI Tancerman. Le bataillon Liberté dont elle dépend est commandé par Boris Holban, ancien chef militaire des FTP-MOI de Paris.
Le 15 septembre 1944, Jacob Tancerman souscrit un engagement volontaire pour la durée de la guerre au titre du 1er régiment de Paris ; il y commande la 11e compagnie du 3e bataillon, nouvelle appellation de la compagnie Rayman du bataillon Liberté. Le 9 novembre 1944, le bataillon Liberté du 1er régiment de Paris change de dénomination et devient le bataillon 51/22 (ou Groupement de pionniers étrangers 51/22). Le bataillon est placé sous le commandement de Jeruchem Kleszczelski. Tancerman y commande la 5e compagnie.

Le bataillon 51/22 est dissous le 8 juin 1945 et ses effectifs étrangers versés pour un tiers au 11e Groupement Etranger (Montauban) et pour deux tiers au 14e Groupement étranger (Bordeaux). Les 136 Français du bataillon sont quant à eux mutés au 3e bataillon du 48e régiment d’infanterie. Le 15 mai 1945, Jacob Tancerman est donc affecté au 11e Groupement d'infanterie étranger. Nommé sous-lieutenant de réserve à titre étranger le 1er juin 1945, Jacob Tancerman est démobilisé le 2 juillet 1945. Naturalisé français par décret du 8 octobre 1946, il perd son grade de sous-lieutenant le même jour. Après son divorce, il épouse en juillet 1947 à Paris (IIe) Roony Lopata, fille d’artisans-boulangers arrivés eux aussi de Varsovie (Pologne) en 1923.
Sollicité par l’administration militaire en 1951, Tancerman demande son intégration dans les réserves à titre français. Il lui est proposé en janvier 1958 d’intégrer les cadres de l’armée française après avoir effectué un stage obligatoire, ce qu’il accepte en mars 1958. En novembre 1958, Jacob Tancerman sollicite pour des raisons professionnelles le report de son stage en août 1959. Ne s’étant finalement pas manifesté, le dossier est classé en février 1960.

Décoré de la croix de guerre 1939-1945 (citation à l’ordre du régiment du 30 mars 1945 pour ses actions en qualité de chef de détachement FTP-MOI à Lyon), de la croix du combattant volontaire 1939-1945 et de la croix du combattant volontaire de la Résistance, il est proposé pour la Légion d’honneur en 1951 puis en 1983. Jacob Tancerman est décédé le 17 avril 1995 à Netanya (Israël). Il laisse après lui son épouse Roony et leurs trois enfants Jean-Louis, Claude, et Isabelle.


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources :
Archives nationales, 19770898/13, dossier de naturalisation.
Service historique de la Défense, Vincennes, GR 8 Ye 135 992 (dossier individuel d’officier) ; GR 13P 80 (bataillon Liberté), GR 12P 11 (48e RI).
Archives privées Jean-Louis Tancerman.
Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne, fonds Carmagnole-Liberté.
Boris Holban, Testament, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours. 2824 engagements, Lyon, BGA Permzel, 2003.
Jacques Ravine, La Résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.
Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Perrin, 2018.