Marcel Rajman

Légende :

Photographie anthropométrique de Marcel Rajman, 18 novembre 1943

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives de la Préfecture de Police de Paris - GB 186 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 18 novembre 1943

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Contexte historique

Marcel Rajman, ou Rayman, est né le 1er mai 1923 à Varsovie (Pologne). L’antisémitisme et les persécutions antisémites poussent la famille Rajman à l’émigration vers la France. Son père, Moszek, s’y installe dès 1929 et installe ses métiers à tricoter dans un atelier à Paris pour préparer l’arrivée de son épouse Chana et de ses deux enfants. Marcel Rajman, son frère Simon et leur mère le rejoignent en 1931. La famille loge d’abord dans une chambre d’hôtel du IIIe arrondissement puis au 58 rue Crozatier dans le XIIe arrondissement où ils vivent jusqu’en 1937. Ils déménagent dans un appartement au quatrième étage du 1, rue des Immeubles industriels, dans le XIe arrondissement. Marcel apprend le français à l’école et fréquente, avec son frère, le YASK (Yiddisher Arbeiter Sport Club). Simon témoigne : "C'est à cette époque que mon frère et moi allions le jeudi au patronage juif qui se nommait "Ecole auxiliaire" ; il était dirigé par des moniteurs et des monitrices plus ou moins communistes. On y apprenait un peu d'histoire de la Révolution de 1789, de la Commune de Paris et celle d'octobre 1917 en Russie. On y apprenait aussi à lire et à écrire en yiddish et à chanter dans cette langue et en français des chants révolutionnaires. Les réunions de patronage se tenaient au premier étage d'un café, au coin du faubourg Saint-Antoine et de la rue Trousseau, puis dans un local du 58, rue Crozatier et, en dernier, rue Basfroi. Nous avons retrouvé plus tard dans la Résistance beaucoup de camarades que nous avions connus dans ce patronage".

Simon Rajman poursuit : "Nous avons appris à̀ aimer la France, son histoire, sa culture en plus de celles juives que nous racontaient nos parents". Marcel Rajman réussit ses examens de sortie du Cours complémentaire mais est contraint de commencer à travailler comme tricoteur auprès de son père du fait des difficultés financières de la famille. En 1938, inquiet des rumeurs concernant des camps en Allemagne, les Rajman tentent de partir en Argentine, sans succès. Le père, Moszek Rajman, s’engage dans l’armée française en 1939. La défaite ne bouleverse pas l’insouciance de Marcel et Simon, jusqu’à ce que leur père et un voisin, juif français ancien combattant de la Grande guerre, soient raflés le 20 août 1941. Moszek Rajman est assassiné à Auschwitz-Birkenau en juin 1942.

Déterminés à lutter contre l’occupant et à venger leur père, Marcel et Simon Rajman s’engagent dans les Jeunesses communistes juives, et participent aux premières activités de propagande mises en place par le parti communiste clandestin et la Main d'oeuvre Immigrée (MOI), notamment par l’intermédiaire de lancers de tracts. Selon son frère Simon, Marcel Rajman devient responsable des Jeunesses communistes du XIe arrondissement. Le 11 novembre 1941, leur groupe organise une manifestation, rue de la Roquette, devant le monument aux morts des Juifs orientaux de la Première Guerre mondiale. En 1942, les actions se veulent plus offensives : sabotages de poteaux indicateurs, dégradation des façades des permanences des partis collaborationnistes parisiens ou des bureaux de la Relève.

Le 15 juillet 1942, la rumeur d'une nouvelle rafle incite la famille à se cacher au domicile de madame Lavé, rue des Boulets, d’où ils assistent à la rafle dite du Vélodrome d’Hiver.

Marcel Rajman est alors engagé au sein du Deuxième détachement des FTP-MOI, où il est rétribué et mène ses premières actions armées au printemps 1942. Sa première action armée est datée de mars 1942, avec l'attaque à la grenade d'un Soldatenheim, place de la Nation. Mais il doit concilier cette activité clandestine avec celle visant à subvenir aux besoins du quotidien de sa mère et de son frère. Début 1943, la famille déménage au huitième étage du 68, boulevard Soult. Marcel Rajman se forme au sabotage. En février 1943, son détachement attaque des batteries de DCA situées au pont de Levallois, puis, le mois suivant et à peu près au même endroit, lance des grenades sur un camion de la Wehrmacht. Le 3 juin 1943, à 17 heures, rue Mirabeau, Marcel Rajman et un jeune Juif autrichien, Ernest Blaukopf, attaquent à la grenade un autocar transportant des marins allemands. Lors du repli, Ernest Blaukopf, blessé, se tue avec sa dernière balle.

Dès ce mois de juin 1943, Marcel Rajman fait partie des quatre combattants d'élite composant l'Equipe spéciale, avec Leo Kneler, Spartaco Fontanot et Raymond Kojitski, alors âgé de 18 ans. Ils tentent notamment, le 28 juillet, un attentat à la grenade contre le commandant allemand du Grand-Paris, le général von Schaumburg, qui échoue. Ils abattent Julius Ritter, le 28 septembre 1943. Général SS, Ritter était alors responsable de l’envoi des jeunes Français pour le STO en Allemagne.

Marcel Rajman est identifié par la police le 27 juillet 1943 alors qu’il entre au 68 boulevard Soult pour rendre visite à la mère et à son frère, le lieu étant sous la surveillance des Renseignements généraux. Il est arrêté en compagnie de Golda Bancic le 26 novembre 1943, rue du Docteur-Brousse à Paris, par les policiers français. Fouillé il porte sur lui des faux-papiers au nom de Michel Rougemont, ainsi que des notes sur la surveillance du commissaire Fernand David de la BS1. À son domicile clandestin du 296 rue de Belleville, les policiers saisissent six grenades britanniques Mills et six détonateurs, cinq pistolets automatiques avec chargeurs pleins et un lot de cartouches de 7,65 m/m, deux brochures, des feuillets dactylographiés portaient des indications sur l’activité des FTPF, une feuille manuscrite relatant la surveillance du commissaire Fernand David de la BS1.

Son frère et sa mère sont appréhendes le lendemain puis déportes. Livré aux Allemands, Rajman est jugé par le tribunal du Gross Paris avec 23 de ses camarades, condamné à mort le 18 février 1944, puis fusillé au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) le 21 février 1944 à l'âge de 20 ans. Son portrait figure en médaillon sur l'Affiche rouge diffusée par les Allemands en février 1944, accompagné de la mention "Juif polonais 13 attentats".

Titulaire d’une citation à l’ordre du corps d’armée avec attribution de la croix de guerre avec étoile de vermeil (17 février 1947), Marcel Rajman est décoré à titre posthume de la médaille de la Résistance française par décret du 31 mars 1947.

Un square portant son nom est inauguré́ sur l'Esplanade de la Roquette, au 15, rue Merlin à Paris, dans le XIe arrondissement.


Auteur : Guillaume Pollack

Sources et bibliographie :
Archives de la Préfecture de Police, Paris : GB 186 ; GB 137 - Affaire Dawidowitz (interrogatoire de Marcel Rajman, 16/11/1943) ; GB 93 – Rapport du 3 décembre 1943 dressant le bilan des arrestations opérées au sein de la MOI.
Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 498 157.
Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne, fonds David Diamant, carton 6.
Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Perrin, 2018.
Boris Holban, Testament, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1994.
Denis Peschanski, « Rayman Marcel », Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006.
Michel Laffitte, « Marcel Rajman », DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Notice "RAJMAN Marcel [RAJMAN Miezyslaw, dit couramment RAYMAN Marcel]" par Daniel Grason, version mise en ligne le 23 avril 2017, dernièremodification le 21 novembre 2020.