L'attaque du train de Mazamet - 19 août 1944

Légende :

Attaque du train entre Labruguière et Mazamet : vue des rails disloqués par la charge explosive du commando américain.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Amicale des maquis de Vabre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 19 août 1944

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn - Labruguière

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Le 19 août 1944, Pierre Dunoyer de Segonzac, alias commandant Hugues, chef FFI de la zone A du Tarn, prépare avec ses hommes et le commando américain OSS PAT, une attaque du train de la garnison allemande de Mazamet, qui prévoit, d’après les renseignements recueillis, de se replier sur Castres. L'attaque est mise en place entre Mazamet et Labruguière à l’endroit « où la voie se trouve encastrée sur une longueur de plus de 150 mètres entre deux remblais d’environ 5 mètres de haut ». Des explosifs sont placés sous la voie et des mitrailleuses installées en divers points. Dans son témoignage, Jean Hirsch évoque également l’installation de ces positions: « Tout le long du talus qui domine la voie, on creuse des positions individuelles que l’on renforce de traverses. Un peu en retrait s’installent les mitrailleurs ». La compagnie Marc Haguenau est disposée au sud de la voie. Entre Mazamet et Labruguière, la voie a été coupée en sept endroits pour ralentir la progression du train et permettre l'organisation de l'attaque. Mais les Allemands réparent les voies au fur et à mesure de la progression du train.

Le train arrive lentement aux alentours de 21h, les Allemands étant naturellement extrêmement méfiants. Le train s'arrête subitement, sans raison apparente, une mitraillette se fait entendre, mais le train a dépassé l'emplacement de la charge et c'est l'explosion (la charge est déclenchée par François Lévy, un maquisard juif de Vabre), suivie de tirs croisés nourris d'armes automatiques, mitrailleuses, canons allemands… Le silence revient, permettant de panser et d'évacuer les FFI blessés.

Au matin du 20 août, le commandant Hugues fait pilonner le train avec les deux mortiers dont il dispose. Après une dizaine de tirs, les militaires allemands hissent le drapeau blanc, descendent du train et se laissent désarmer. Selon le rapport sur l’attaque du train, les Allemands dénombrent 4 morts, une douzaine de blessés et un total de 56 prisonniers. « Le butin se compose de 4 canons automatiques de DCA, un hors d’usage, et d’une quantité énorme d’armes, de munitions et vivres ». Jean Hirsch évoque, quant à lui, « des poules, des lapins, des cochons et quelques barriques de vin ».

La participation des maquisards juifs à cette attaque du train de Mazamet, leur permet de souligner avec fierté leur identité juive, puisque, passant près des prisonniers allemands, ils crient, “Ich bin jude!” (“Je suis juif !”). Dans le documentaire d’Ariel Nathan, Le maquis des Juifs, Léon Nisand revient sur cet épisode. Surpris par ce slogan, un soldat allemand rétorque "Nein, unmöglich" ("Non, impossible"). "Pourquoi impossible ?". "Parce que les juifs ne sont pas de combattants !", lui répond l'allemand. "Qui t'a dit ça ?". "Le führer nous a toujours dit ça". Hubert Beuve-Méry relate également cet épisode glorieux dans son article “la guerre des juifs”, et il conclut ainsi son récit : "ce fut la seule fière vengeance de ces êtres devenus soudain maîtres de leurs bourreaux”.

Ce jour-là, ils s’affichent comme juifs, mais ils se veulent également patriotes, et c’est en tant que tels qu’ils sont chaudement félicités par Pierre Dunoyer de Segonzac, alias commandant Hugues, chef FFI de la zone A du Tarn dans une lettre qu’il adresse à Robert Gamzon (capitaine Lagnès) : « Je vous confirme ce que je vous ai dit trop rapidement hier. Votre unité s’est battue comme se battent depuis toujours les meilleurs soldats français; leur attitude au feu a été belle, les résultats qu’ils ont obtenus ont dépassé mon attente. […] Je vous demande de bien vouloir transmettre mon admiration à votre escadron, très simplement. Permettez-moi enfin de vous dire que cet escadron doit infiniment à l’apôtre magnifiquement dévoué que vous êtes. Au dévouement, vous ajoutez un courage peu banal. J’ai demandé pour vous une citation à l’Ordre de l’Armée.(...) »

L’attaque du train de Mazamet s’inscrit dans les combats de libération nationale auxquels la compagnie juive participe, ce qui souligne bien son insertion dans la résistance locale et plus largement nationale. A ce titre, les résistants juifs de cette Compagnie Marc Haguenau, intégrée au CFL10 Vabre, prennent part, également, à la libération de Castres, le 20 août 1944, obtenant la reddition des trois mille cinq cents soldats et officiers allemands. Le 21 août, montée à bord de camions gazogènes, la compagnie Marc Haguenau est acclamée dans les rues de la ville.

La majorité de ce peloton juif s’engage ensuite pour poursuivre la guerre. La Compagnie Marc Haguenau devenue 2e commando du corps-franc Bayard commandé par Dunoyer de Segonzac quitte Castres le 6 septembre 1944. Après avoir participé à la libération de Nevers, ils font la jonction à Autun avec la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny.


Auteurs : Valérie Pietravalle et Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Mémorial de la Shoah, Paris :
-DLXXXI-31, « Compte-rendu de l’attaque du train de Mazamet 19 août 1944 ».
-CMXXI-10, Jean Hirsch, « Journal de marche du peloton Malquière – Larroque (compagnie Marc Haguenau) »

Lucien Lazare, La Résistance juive, Ed du nadir, 2001.
Robert Gamzon, Les eaux claires, journal 1940-1944, Eclaireuses Eclaireurs Israelites de France, 1981.
Témoignage de Léon Nisand : « Le maquis des juifs », documentaire d’Ariel Nathan (2015).
Hubert Beuve-Méry, « La guerre des juifs », Temps présent, novembre 1944.
Site de l’amicale des maquis de Vabre.