Déplacement d'office d'instituteurs suspects « d'activité anti-nationale »

Légende :

Le ministre de l’Éducation nationale notifie aux préfets et inspecteurs d'académie les modalités de déplacement d'office des enseignants suspects d'activité anti-nationale, 18 février 1940

Genre : Image

Type : instruction officielle

Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 48 Droits réservés

Date document : 16 février 1940

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Analyse média

La circulaire que le ministre de l'Education nationale adresse le 16 février 1940 aux préfets et inspecteurs d'académie montre que les mesures frappant les instituteurs et institutrices suspectes d'activité anti-nationale ne vont pas de soi et suscitent des interrogations chez les hauts fonctionnaires chargés de les appliquer. La première phrase de la circulaire suggère l'agacement du ministre - « quelques uns de vos collègues croient devoir me demander... »- devant ce qui pourraient s'apparenter à des scrupules. En effet, le déplacement d'office touche des enseignants suspects et non convaincus d'activité antinationale. Ce terme désigne principalement la propagande communiste ou pacifiste (voir contexte historique). Le reste de la circulaire s'emploie à lever toute ambiguïté. Le déplacement d'office n'est pas une sanction disciplinaire interne à l'Education nationale mais relève de la défense nationale. L'inspecteur d'académie fournit le dossier de l'enseignant incriminé mais c'est le préfet « qui a la connaissance précise et directe des faits » qui prend la mesure. Le ministre insiste sur le contexte particulier « en temps de guerre », qui oblige les deux administrations à « résoudre ces problèmes sous votre propre responsabilité et en complet accord ». A aucun moment le ministre n'évoque de voie de recours pour l'enseignant frappé par la mesure.
En exigeant un compte rendu scrupuleux de toutes les mesures de déplacement d'office prononcées, le ministre veut s'assurer de l'application de sa directive et de la situation politique de chaque département.


Auteur : Sylvie Orsoni

Contexte historique

L'entrée en guerre de la France accroît les mesures permettant de contrôler les populations. A la suite du pacte germano-soviétique (23 août 1939), un décret du 26 septembre 1939 interdit le parti communiste et toutes les organisations qui lui sont liées. Le gouvernement d'Edouard Daladier adopte le 18 novembre 1939 un décret-loi permettant l'internement dans des camps des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique sur décision du préfet et non du juge. Ce décret concerne les étrangers déjà visés par le décret-loi du 12 octobre 1938 mais aussi les Français. A ces mesures générales, s'ajoutent pour chaque administration des mesures particulières : le déplacement d'office n'empêche pas des poursuites judiciaires en application du décret du 26 septembre ou un internement en application du décret du 18 novembre 1939. Dès la Troisième République finissante, des mesures d'exception frappaient pour des raisons politiques certaines catégories de Français.


Auteure : Sylvie Orsoni

Sources
Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières 1. Les années de crise, 1930-1940, Paris, éditions Syllepse, 2004.