Loi permettant l'internement sans jugement des « individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique. »

Légende :

loi relative aux mesures à prendre, sur instruction du Gouvernement, à l'égard des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique, 3 septembre 1940,

Type : Loi

Producteur : MUREL PACA

Source : © Journal officiel, 4 septembre 1040, p. 4890 Droits réservés

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Auvergne) - Allier - Vichy

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Cette très brève loi du gouvernement de Vichy (trois articles) se situe dans la continuité des mesures législatives adoptées par la IIIe République. L'article 1er du décret du 18 novembre 1939 permettait au préfet d'interner les « individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique » dans un camp. L'article deux supprime les dispositions de décret du 28 novembre 1939 qui instituait une commission chargée de recevoir les recours des internés. Les internés n'ont plus aucun recours contre la mesure d'internement qui les frappe.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

La loi du 3 septembre 1940 fait suite à toute une série de mesures prises à partir de 1938 à l'égard de ceux que Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur de l'époque, désignait comme des « indésirables ». Le 14 avril 1938, Albert Sarraut adresse aux préfets une circulaire dans laquelle il leur demande de « mener une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments étrangers indésirables qui y circulent. » La mesure frappe les réfugiés. Ils   sont astreints à la neutralité politique absolue et doivent bien sûr être en situation régulière. Les étrangers, entrés en France irrégulièrement et les personnes qui les ont aidés sont passibles d'amende allant de cent à mille francs et de peine d'emprisonnement d’un mois à un an. Le préfet est seule habilité à prolonger la carte d'identité pour étranger. Des centaines de réfugiés, Juifs pour la plupart sont ainsi emprisonnés pendant des mois. Le décret-loi du 12 novembre 1938 permet l'assignation à résidence et l'internement des étrangers jugés dangereux pour la sécurité nationale et l'ordre public. Il s'agit d'une loi des suspects : l'internement est prononcé pour une suspicion de dangerosité mais relève de l'autorité judiciaire. Le premier camp est créé à Rieucros (Lozère) le 21 janvier 1939. Il est prévu de créer d'autres centres de rassemblement des indésirables de façon à « éviter aux étrangers des mouvements individuels trop longs pour gagner ces points. » L'exode des républicains espagnols en janvier 1939 entraîne la multiplication des camps à proximité de la frontière pyrénéenne.

La déclaration de guerre aggrave les mesures prises contre les ressortissants du Reich. Dès septembre 1939, les hommes de 17 à 65 ans sont internés dans les centres de rassemblement. Ceux qui sont jugés les plus dangereux, en général des militants antifascistes ou communistes sont envoyés au camp du Vernet (Ariège). Le décret-loi du 18 novembre 1939 (voir album), une « loi du temps de guerre » selon le ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, étend les mesures d'internement aux Français. Le préfet a toute latitude pour interner à titre préventif. Les internés peuvent être « requis en vue d'accomplir tous travaux intéressants la défense nationale ». L'internement est prononcé sans jugement, sans que des faits précis soient reprochés à l'interné et sans limitation de temps. Le décret du 29 novembre 1939 prévoit cependant qu'une commission de vérification (voir album) examine les dossiers d'internement et se prononce sur le bien-fondé de l'internement. Elle pourra recevoir les recours des internés.

La IIIe République finissante lègue au régime de Vichy un arsenal législatif permettant l''internement préventif de toute personne jugée dangereuse pour la sécurité nationale qu’elle soit étrangère ou française et un réseau de camp d'internement dans lesquels des centaines de milliers de personnes s'entassent dans le plus grand dénuement. La loi du 3 septembre 1940 supprime tout recours pour l'interné et donne tout pouvoir au préfet.


Sylvie Orsoni

Sources

Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche,Pari, 1999.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.

 Peschanski Denis, La France des camps. L'internement 1938-1946. Editions Gallimard, Paris, 2002.