Un gendarme déplore les conditions de transfert d'une Italienne vers le camp de Brens, 21 mai 1942

Légende :

Rapport du gendarme Merit sur les conditions de transfert d'une italienne arrêtée à Marseille vers le camp de Brens, 21 mai 1942

Type : rapport

Producteur : MUREL PACA

Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 105 Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le gendarme Merit attire l'attention de ses supérieurs sur la situation d'une Italienne détenue dans les locaux de la Sûreté. Il précise que cette femme qui n'avait pas été nourrie pendant les deux jours de détention a effectué le voyage vers Brens sans provision de route. Elle est donc restée trois jours sans manger. La bonne volonté du gendarme n'est pas en cause : il a essayé d'acheter des vivres pendant le trajet. Le gendarme Merit rappelle la réglementation qui n'a pas été respectée. L'avant dernier paragraphe suggère que ce cas n'est pas isolé et que les gendarmes en sont préoccupés.

Le ton du rapport est très mesuré. C'est celui d'un subordonné s'adressant à ses supérieurs. On peut percevoir cependant le malaise, voire la pitié, des gendarmes qui effectuent les transferts devant le dénuement des personnes qui leur sont confiées.

L'intervention du gendarme Merit ne reste pas lettre morte et chemine lentement à travers l'administration. Le 31 juillet 1942, son supérieur hiérarchique confirme les manquements relevés par le gendarme Merit et se décharge sur le gardien-chef des locaux disciplinaires de la Sûreté de Marseille du soin de procurer aux transférés les vivres nécessaires.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

En 1942, de multiples camps d'internement couvrent la zone sud. Ils ont pris naissance dans les dernières années de la IIIe République. Le décret-loi du 12 novembre 1938 permet l'internement d'étrangers dans des camps de rassemblement. Le premier camp d'internement est créé à Rieucros (Lozère) par le décret-loi du 21 janvier 1939. L'exode des républicains espagnols amène la création des six camps d'internement à la frontière pyrénéenne. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale amène une extension de l'internement qui frappe les ressortissants du Reich mais aussi de toute personne suspecte « au niveau national et politique ». Les militants ou sympathisants communistes français ou étrangers sont particulièrement visés. Le gouvernement de Vichy aggrave la législation répressive en place. Il introduit une dimension antisémite. La loi du 4 septembre 1940 permet l'internement des Juifs étrangers.

Les femmes jugées politiquement dangereuses sont internées à Rieucros qui est un camp répressif. Lorsque celui-ci ferme début 1942 à cause de son insalubrité, un nouveau camp est ouvert à Brens dans le Tarn. Julie L. n'est pas internée à Brens en raison de sa nationalité. La zone sud comptait de nombreux camps comme Gurs, Rivesaltes pour les femmes étrangères. De plu les Italiennes arrêtées aux débuts des hostilités ont été en général rapidement relâchées. C’est certainement son engagement politique qui lui vaut son arrestation par la Sûreté puis son internement au camp répressif de Brens.


Sylvie Orsoni

Sources

Gilzmer Mélanie, Camps de femmes, chroniques d'internées, Rieucros et Brens 1939-1944. Collection Mémoires n° 65, éd. Autrement, Paris, 2000

Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche, Paris, 1999.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.

Peschanski Denis, La France des camps. L'internement 1938-1946. Editions Gallimard, Paris, 2002.