Témoignage de Jean Leroch et Jean Langevin sur les cours

Légende :

Jean Leroch (à gauche) et Jean Langevin (à droite) : « Eysses était une université en prison ». Extrait vidéo du documentaire « Eysses, une prison dans la Résistance » (Amicale d'Eysses / IFOREP).

Genre : Film

Type : Témoignage filmé

Producteur : Amicale d’Eysses / IFOREP

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Libre de droits

Détails techniques :

Durée totale : 52 minutes. Durée de l'extrait : 00 :01 :33s.    

Date document : février 1986

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Le film retraçant l'histoire d'Eysses est décidé lors du 40ème congrès en 1985 pour donner un contenu plus historique que celui du livre édité précédemment. Le film tourné à Villeneuve-sur-Lot et à Eysses en février 1986, sort en janvier 1987, sous le titre « Eysses, une prison dans la Résistance ». Il retrace en cinquante deux minutes les victoires remportées dans la prison, le grand dessein : l'évasion du 19 février et son échec, ce qu'était l'esprit d'Eysses, fait de tolérance, de civisme, d'abnégation, tout en le replaçant bien dans le contexte.

Pour les détenus d'Eysses, la culture tient une place très importante, en lien avec les idéaux de la Résistance, exprimés dans un article du Jeune Enchaîné du 11 novembre 1943 : « Demain, il faudra poser chacun sa pierre, cette pierre, il faudra donc l'avoir, donc nécessité à tous les jeunes patriotes de la centrale de se mettre au travail de tout cœur, car c'est le seul moyen d'apporter votre aide au combat libérateur. Apprendre. Savoir. Connaître. » Les bénéfices des cours proposés quotidiennement au sein de la Centrale par les détenus eux-mêmes sont multiples. Sur le plan personnel, ils permettent d'éviter l'ennui et le désœuvrement, de se sentir valorisé par l'acquisition de connaissances nouvelles, de se projeter dans la France libre de l'après-guerre. Sur le plan collectif, ils resserrent les liens entre les détenus et contribuent à établir un esprit de solidarité et d'entraide. Enfin, l'« université » d'Eysses est aussi un lieu et une occasion de contacts et d'échanges pour préparer l'évasion collective. Les « professeurs » sont des détenus ayant une compétence professionnelle ou disciplinaire : instituteurs et professeurs, étudiants, mais aussi ouvriers, médecins, cheminots, imprimeurs, maître d''hôtel... Les disciplines sont variées : langue française (grammaire, orthographe, rédaction, mais aussi littérature et poésie), calcul et mathématique, physique (cours dispensés par le tout jeune Georges Charpak, futur prix Nobel !), biologie, géographie, histoire, quelques rudiments de langues étrangères (espagnol, anglais ou allemand), mécanique... Des détenus font partager une expérience ou connaissance particulière, comme la gestion d'une ville, l'organisation de la presse ou la vie quotidienne à Belleville. Les cours, autorisés à condition qu'ils n'apparaissent pas comme activité subversive, servent aussi de paravent aux cours politiques clandestins (l'histoire du PCF, la vie de Lénine, la biographie du Général de Gaulle, les mouvements de jeunesse, communiste ou catholique...) et aux cours de théorie militaire.

Dans un courrier daté du 29 octobre 1943 et adressé à sa mère et à son frère, Jean Vigne (fusillé à Eysses le 23 février 1944) montre l'importance de ces cours en écrivant : « Je profite d'une occasion pour vous faire quelques lignes qui je l'espère vous trouveront en parfaite santé. Le moral reste excellent [...] Si vous saviez je suis presque heureux d'être venu ici. Mon éducation se parfait et lorsque je reviendrai il faudra travailler mais je ne serais pas pris au dépourvu [...] La prison est pour moi un lieu d'études et s'il ne m'a pas été permis de m'éduquer quand j'étais jeune, j'espère profiter au maximum de mon séjour ici pour le faire. L'espoir et l'avenir nous appartiennent. »


Auteur : Gérard Michaut, Fabrice Bourrée
Sources :  Amicale des anciens d'Eysses, Eysses contre Vichy, 1940-..., Tiresias, 1992. Documentation Corinne Jaladieu.