Journal Défense de la France, n°4, début décembre 1941

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°4, early December 1941.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Format 23 x 29 cm. Deux feuillets imprimés au recto et au verso. Il s'agit ici d'une photocopie.

Date document : début décembre 1941

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Cette 4e publication de Défense de la France ne comporte ni numérotage, ni date. Toutefois, comme il fait allusion à des articles parus dans les journaux du 30 novembre, la date la plus probable est début décembre. Il est tiré à 5000 exemplaires et imprimé sur la Rotaprint dont se dote le mouvement dès le printemps 1941.
Il est orné de plusieurs croquis : « croquis de la France, de l’Empire français d’Outre-mer, de la côte de Libye (Tobrouk) et de la mer d’Azov, où se livraient alors de durs combats » (1). 

Ce numéro se compose de quatre principaux articles :

- Le premier, signé « Indomitus », s’intitule « la France commande ». Dans son article Philippe Viannay rejette une fois encore, avec fermeté, la collaboration mais ne cache pas son attachement au Maréchal Pétain qui, selon lui, poursuit « seul » la lutte encerclé par le « nazisme qui se referme autour de lui ».

- Sous la plume de Robert Salmon, « Robert Tenaille », Défense de la France informe ses lecteurs sur la « situation de l’industrie française ». Ce deuxième article est constitué de neuf rubriques dans lesquelles il dénonce le pillage économique allemand dans les différents secteurs industriels.

- Dans son troisième article le journal énumère, sommairement, les revers de l’armée allemande en « Russie méridionale ».

- Le quatrième et dernier article est consacré à l’arrestation de Weygand.

- Pour conclure ce quatrième numéro de  Défense de la France, « Indomitus », dénonce au moyen d’un discours moralisateur, la délation et encourage la solidarité dans cette « France en guerre ».

 

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A cette époque, l’impression du journal se fait de nuit dans les caves de la Sorbonne (Paris). L’entreprise est encore très artisanale et la petite équipe, aux effectifs encore réduits, gère en totale autonomie cette entreprise dont le chef, Philippe Viannay, souhaite conserver une totale indépendance.

« A trois et bientôt quatre puis cinq, ils s’occupent de tout : transporter du papier, aller chercher de l’encre, installer la machine, imprimer, faire sécher les pages, mettre les journaux en paquet et les donner à ceux qui allaient les diffuser » (2). Ces premiers mois, l’impression, longue et difficile, est faite par Philippe Viannay. Il est alors le seul à connaître le fonctionnement de la machine et délègue difficilement.

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal » (3). 

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich.


Sources : (1) Marie Granet, Le Journal Défense de la France, Presses universitaires de France, 1961. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (3) Olivier Wieviorka,  Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.


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This fourth publication by Défense de la France is marked with neither the issue number nor the date. However, as it alludes to the articles in the issue from November 30th, the most probable date of publication is sometime in early December. 5000 copies of this issue were printed on the Rotaprint machine that had been in the movement's possession since Spring 1941.
It is adorned with several sketches: « sketches from France, from French colonies overseas, from the Libyan coast (Tobrouk) to the sea of Azov, where hard battles are yet being waged ». (1)

This issue is composed of four principal articles:

- The first, signed « Indomitus », is entitled « France in command ». In his article, Phillipe Viannay once again firmly rejects collaboration, but does not hide his attachment to Marshall Pétain who, according to Viannay, is alone in the struggle against the « Nazism that is closing in around him ».
- By the pen of Robert Salmon, « Robert Tenaille », Défense de la France informs its readers about the « state of French industry ».

This second article constitutes nine sections in which Salmon denounces the economic pillaging by the Germans in different industrial sectors.

- In the third article enumerates, summarily, the defeat of the German army in southern Russia.

- To conclude the fourth issue of Défense de la France, « Indomitus » denounces informers on a basis of morality, encouraging solidarity during this period of « France at war ».

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At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne in Paris. The operation was still very artisanal, and the small team, workforce already diminished, managed to remain autonomous. The leader, Philippe Viannay wanted to conserve this total independence.
« At three, soon four, then five, they did everything: transportation of papers, finding ink, setting up the machine, printing, drying the pages, packaging the papers, and giving them to those who would diffuse them ».
During these first months, the printing, which was long and difficult, was done by Philippe Viannay. « He was the only one who had seen how to use the machine and wanted to keep his role. He did not delegate any responsibility! He wanted to be the one to know. It was his disposition as the boss ». (2)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (3)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Marie Granet, Le Journal Défense de la France, University Press of France, 1961. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (3) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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En cette fin d’année 1941, l’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. L’ennemi gagne du terrain. Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 41 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.

Dans ce contexte, résister ne va pas de soi. Encore sous le choc de la défaite, les Français sont soumis au bon vouloir de l’occupant, divisés par la ligne de démarcation, privés d’une partie de leur territoire, de nouveau annexé, séparés d’un million et demi de leurs jeunes compatriotes restés prisonniers en Allemagne, dépouillés de leurs biens, rationnés, endeuillés mais aussi et surtout déboussolés par la collaboration que préconise « leur maréchal » au retour de Montoire. 

« Une impression de malheur domine. Pour une nation qui a pris l’habitude d’être tenue en haute estime dans le monde, subir une défaite aussi cinglante est terrible. Chacun se sent humilié. Honteux même. Le doute s’est installé dans les esprits. […] Ce sentiment de frustration joue certainement un grand rôle dans la confiance accordée au Maréchal. Dans le jeu inégal avec Hitler, on veut espérer qu’il parviendra à éviter le pire. Au cours de l'année 1941, les certitudes du peuple français s’effondrent. […] Le terreau est donc particulièrement défavorable » au développement d’une Résistance de quelque nature qu’elle soit. La tâche se révèle être particulièrement ardue notamment en zone Nord où l’ennemi est clairement désigné.

Pourtant, dans ce contexte soudain et inattendu, auquel personne ne s’est préparé, quelques citoyens décident, dès 1940, de réagir en résistant à un envahisseur fermement décidé à contaminer leur pays par ses « valeurs inadmissibles ». Ensemble, ils vont forger un instrument de lutte original : le mouvement de Résistance. 


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.


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At the end of 1941, the evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. The enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism. For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.
In this environment, resisting was no small matter. Still shocked by their defeat, the French were submitted to the will of their occupants, divided by the line of demarcation, a part of their territory seized, a part annexed, separated from a million and a half young compatriots imprisoned in Germany, stripped of their assets, grief-stricken and above all confused by the collaboration advocated by « their Marshall » upon returning from Montoire.
« A feeling of misery dominated the country. For a nation used to being held in high esteem by the rest of the world, to be submitted to such a crushing defeat was terrible. Everyone felt humiliated; even shamed. They began to doubt themselves in their minds. [...] This sentiment of frustration certainly played a large role in the trust placed in the Marshall. In the unequal game with Hitler, they hoped he would manage to avoid the worst. During the winter of 1940- 1941, the certainty of the French people collapsed. [...]
The situation was thus particularly unfavorable » to the development of a Resistance in the way that it did. The task turned out to be particularly arduous, most notably in the Northern zone, where the enemy was most deeply entrenched.

However, in this context, suddenly and unexpectedly, in 1940, a few citizens decided to act out in against the invaders dead set on contaminating their country with their « inadmissible values ». Together, they were to forge one of the original instruments of the struggle : the movement of the Resistance.

Source: Serge Ravanel, L'esprit de Résistance, Seuil publications, 1995


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi