Journal Défense de la France, n°38, 20 septembre 1943

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°38, September 20, 1943.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 25 x 32 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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38e journal de Défense de la France imprimé sur la presse du mouvement, la Teisch, acquise au mois d’avril 1943. Elle est installée depuis le mois de juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers. La machine est placée dans le local des expéditions, recouverte, en dehors des heures de tirage, d’une énorme caisse que manœuvre un système de poulies.

La Phénix, dont se dote Défense de la France en juin n’est utilisée que peu de temps. Les arrestations du 20 juillet débouchent sur la saisie de cette presse sans pour autant entamer le potentiel du mouvement qui conserve la Teish et les ateliers typographiques.

Ce nouvel équipement spécialisé permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal (les compositions sont désormais irréprochables) et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression augmentant ainsi le nombre de tirages qui n’a cessé de s’intensifier depuis le début de l’année. A cette époque, le tirage s’élève en moyenne à 150 000 exemplaires.

Cette édition propose, comme les précédentes, une abondance de sujets qu’expliquent des caractères d’imprimerie de plus en plus petits. Huit articles sont développés :

- Dans son article « la Flétrissure, « HB », Robert d’Harcourt, dénonce les agissements et les écrits collaborationnistes des écrivains Sacha Guitry et Drieu-la-Rochelle. 

- Sous la plume « d’Indomitus », Philippe Viannay, Défense de la France appelle les résistants à « être forts », à ne pas « dégénerer dans une opération politique » ou dans des « mésalliances » mais, au contraire, à « faire bloc », à demeurer, « purs, désintéressés » et « intègres »

- La publication de la « Lettre d’une déportée » fait l’objet d’un troisième article. Défense de la France s’appuie sur ce témoignage, porteur d’espoir, afin de convaincre les Français de choisir, comme l’a fait cette jeune déportée, la seule voie qui vaille : celle de la lutte physique et morale.

- Jean-Daniel Jurgensen, « Jean Lorraine », signe le quatrième article dans lequel il s’exprime sur « Les droits de la France ». Il entend bien, comme le peuple français, que la France soit pleinement considérée et que le Comité Français de la Libération Nationale (CFLN) – reconnu par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’URSS le 26 juillet 1943 – « soit appelé à participer aux grandes délibérations » aux côtés des Alliés. 

- Dans son cinquième article intitulé « Un archevêque déclare », Défense de la France propose des extraits d’une lettre de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, adressée aux Scouts. En maintenant sa référence chrétienne, le mouvement manifeste sa fidelité aux postulats énoncés dès le début de l’Occupation. 

- La revue de presse présentée dans ce numéro fait état de la « Mort du fascisme » et véhicule les mots d’ordre de la Résistance qui appelle les Français à « Etre efficaces »

- Deux brefs articles finalisent cette édition : dans le premier, « Leur combat », Défense de la France partage avec ses lecteurs « des témoignanges de solidarité qui l’ont particulièrement émue ». Le deuxième est un extrait des Inventaires rédigés par Marcel Déat en 1937.

 

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Défense de la France finalise donc, à cette époque, ses installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métier – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir ces machines, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.
Très vite, ces nouvelles acquisitions renforcent l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. 

Dans un souci de transparence, le Comité de propagande de Défense de la France informe ses lecteurs sur ces réaménagements justifiant ainsi « le silence de six semaines », annoncé dans leur numéro du 14 juillet. Le journal a « le plaisir d’annoncer à ses lecteurs, amis ou ennemis, à tous ceux qui brûlent du désir de nous connaître, qu’après cette courte interruption, Défense de la France repart plus fort et mieux armé que jamais : de nouvelles imprimeries sont installées en zone Sud qui nous évitent des transports dangereux, de nouvelles machines, de nouveaux ateliers ont été montés à Paris. Avant peu, nous espérons augmenter notre tirage au-delà de 300 000. » Défense de la France, n°37.

Cette professionalisation du mouvement s’accompagne en effet d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue, en une organisation nationale » et s’assure des relais en province, notamment en zone Sud, moyennant des échanges de services.

Nul doute, l’année 1943 marque une étape importante ; le mouvement change de dimension. 

Par ailleurs, l’accroissement des effectifs de Défense de la France, notamment depuis l’intégration d’une partie des éléments des Volontaires de la Liberté que dirige le très charismatique Jacques Lusseyran, permet une extension de la diffusion – dont ils ont la charge – qui impose une augmentation des tirages et accélère par conséquent la professionnalisation des imprimeries du mouvement. 

L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. 

Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi. »

Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers. De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion. 

Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées passent au second plan. 

En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » 

La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. » 

Enfin, après une brève parenthèse giraudiste, le discours du journal affiche, sous l’influence de Jean-Daniel Jurgensen, une loyauté sans faille à l’égard du général de Gaulle qu’il considère, finalement, comme l’unique chef de la France combattante. 


Sources
: Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil. 


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This 38th issue was printed on the movement's printing press, the Teisch machine that it had acquired in April 1943. The machine had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers in July, placed in the dispatch department, and covered by a case that was maneuvered by a system of pulleys. The Phénix, recovered in June 1943, was only used by the movement for a short time.


he arrests made on July 20 and the subsequent seizure of the Phénix machine were without seriously undermining the potential of the movement, which had retained the Teisch and its typographic workshops.

This new professional equipment allowed the movement to greatly increase its printing speed and augment the number of copies it could diffuse, which would increase continuously since the beginning of the year.

 

At this point in time, the average printing reached approximately 150,000 copies. This issue, like many of its predecessors, has an abundance of subjects which rendered the text even smaller.


Eight articles were developed in this issue:

- In the first article, « The Stigmatization », « HB » or Robert d'Harcourt, denounced the activities and writings of collaboration by writers Sacha Guitry and Drieu-la-Rochelle.

- Under the pen of « Indomitus », Philippe Viannay called the resistants to « be strong » and not to « degenerate into a political operation » or into false alliances but instead to « side together » to remain « pure, unbiased, and with integrity ».


- The publication of the « Letter from a Deportee » was the focus of the third article. Défense de la France drew up its testimony, a bearer of hope, so as to convince the French to choose the same path as this young patriot: the path of physical and moral resistance.

- Jean-Daniel Jurgensen, « Jean Lorraine », signed the fourth article in which he explained « The Rights of France ». He, like the rest of the population, clearly understood that France was to be plainly considered and that the Comité Français de la Libération Nationale (CFLN), or the French National Liberation Committee – recognized by Great Britain, the US, and the USSR on July 26, 1943 - « was called to participate in the deliberations of the Allied forces ».

- In the fifth article, titled « An Archbishop Declares », Défense de la France shared excerpts from a letter by Monseigneur Sallège, Archbishop of Toulouse, addressed to the Scouts.
By maintaining this Christian reference, the movement remained loyal to its postulations made at the beginning of the Occupation.


- A review of the press presented « The Death of Fascism » and relayed orders from the Resistance which called the people to « be efficient ».

- Two news briefs concluded this issue: in the first, « Their Combat », DF shared « accounts of solidarity that were particularly moving ». The second was an excerpt from Inventaires (inventories) written by Marcel Déat in 1937.


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At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.


The acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement.

Worried about transparency, the Propaganda Committee of Défense de la France informed its readers of its redevelopments, justifying its « six weeks of silence » announced in their July 14 issue.

The newspaper had « the pleasure to announce to its readers, friends or enemies... that after its short interruption, Défense de la France was back stronger and better equipped than ever: of new printers installed in the Southern zone who avoid sending us dangerous transports, of new machines, and of new workshops established in Paris. Before long, we hope to augment our printing to a level of 300,000 copies. »

This professionalization of the movement was accompanied by a desire to expand. « It would be transformed from a Parisian organization into a national one » and verified intermediaries in the countryside, notably in the southern zone, reaching out to exchange services.


Undoubtedly, 1943 marked a critical step in the development of the movement. Additionally, an increase in membership to Défense de la France, most notably following the integration of a part of the Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers), led by the charismatic Jacques Lusseyran, allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization.

The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.

While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».

Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.

At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops.
The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert.

In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat.

Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». Finally, after a brief Giraudist period, with the influence of Jean-Daniel Jurgensen, the newspaper exhibited an undaunting loyalty to de Gaulle, who it considered to be the sole leader of the French struggle.


Source: Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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 L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.

Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. A l’été 1943, les Allemands ont définitivement perdu l’initiative sur le front de l’Est tandis que les forces de l’Axe capitulent en Italie. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre.
Les bombardiers alliés pilonnent sans relâche les centres industriels et les postes militaires stratégiques du Reich et des territoires occupés par la Wehrmacht.  

Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande. Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.

En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du traval obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942 de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation.

Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des « maquis »  dans des zones peu habitées. L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.

Elle s’organise, en outre, grâce à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces.
Ainsi se constituent, en janvier 1943, les Mouvements unis de Résistance (MUR) réunissant les trois principaux mouvements de zone sud, Combat, Libération et Franc-Tireur et le 27 mai se tient la première réunion du Conseil national de la Résistance, représentant des formations des mouvements de Résistance des deux zones.

1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.



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The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.

From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. In the summer of 1943, the Germans definitively lost their momentum on the Eastern Front, while the Axis forces capitulated in Italy. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November. The Allied bombardments relentless pounded the industrial centers and military posts of the Reich and the territories occupied by the Wehrmacht.

These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.


In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.

The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population.
The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.

The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events.


Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.


This influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification.


Thus in January 1943, he created the United Movements of the resistance, united three principal movements in the Southern Zone – Combat, Libération, and Franc-Tireur.

On May 27, he organized the first meeting of the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), which would represent the formation of movements across the two zones.


1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthia R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi