Journal Défense de la France, n° 46, juin 1944

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°46, June 1944.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur deux feuillets mais seuls les rectos sont imprimés. Format 21 x 27 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent m&ea

Date document : Juin 1944

Lieu : France - Ile-de-France

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

""

 

Ce numéro n’est pas imprimé sur les presses de Défense de la France.
Au cours des dernières semaines, le mouvement est frappé par une vague d’arrestations qui anéantit le potentiel du mouvement et contraint son chef à recourir aux services d’Emilien Amaury pour l’impression de son 46ème journal.

Le 4 mai, suite à un fâcheux concours de circonstances, l’atelier de composition de Clichy dit « l’Asile » est découvert par la police. Ce dernier événement, auquel s’ajoute l’imminence du débarquement et la crainte d'un processus de Libération s'inscrivant dans la durée, incite Défense de la France à réunir en un même lieu clicherie, imprimerie et atelier de composition.
« Il loue une maison rue Jean-Dolent (XIVe) [située sous les murs de la prison de la Santé] et se prépare à fonctionner en autarcie. »
Outre une presse qui pèse plus de 6 tonnes ("la Grosse Margot") sont rassemblés : « une Rotaprint, une Minerve à main, une Minerve, une machine à composer double raisin, un massicot, une machine à imprimer de la marque Phénix, 4 tonnes de papier » (1). A ce matériel d’impression s’ajoutent divers équipements et des vivres leur permettant « de soutenir un siège de trois mois » (2).
« Cette superbe installation […] coûte un temps précieux » (3) à Défense de la France qui souhaite, finalement, créer un bel outil afin de le réutiliser par la suite. « La rue Jean-Dolent devait devenir [leur] centrale regroupant [leurs] principaux moyens » (4) pour une période intermédiaire que Philippe Viannay imaginait longue. Mais il « commit une erreur d’appréciation » car imprimer allait bientôt « ne plus devenir un problème » (5). 
En outre, « à la suite d’une affaire stupide », (6) la police découvre le 27 mai « cette superbe installation » (7) et, presque concomitamment, l’impasse Guéménée qui abrite la Crafftman.

Ces événements et les arrestations qui s'ensuivent, puis la chute de l’imprimerie lyonnaise de Combat, le 17 juin, provoquent « l’effondrement final » (8).
A partir de cette période, le nombre de tirages, en forte croissance depuis le printemps 1943, connaît inévitablement une baisse considérable. Il fluctue de 12 000 à 50 000 exemplaires. La périodicité du journal devient, quant à elle, de plus en plus espacée et incertaine.

Par ailleurs, à cette période, Philippe Viannay est de plus en plus occupé par les nouvelles responsabilités que lui confère sa récente nomination à la direction de la sous-région P1, reçue du commandement FFI. Partagé entre Paris et la Seine-et-Oise, le chef de Défense de la France demande à Robert Salmon et Jean-Daniel Jurgensen d’assurer, en son absence, la responsabilité et la parution du journal afin qu’il puisse s'approprier le secteur qui lui est dévolu.

Cette 46e édition, plus courte que les dernières, propose néamoins trois articles et un communiqué.

- Dans son article, Jean-Daniel Jurgensen, « Jean Lorraine », défend la nécéssité de constituer une « Alliance franco-russe ». Selon lui, les deux pays ont « pour demain des raisons excellentes de collaborer à la même œuvre : l’organisatin pacifique du continent européen ».

- A l’instar des mouvements et des journaux de la Résistance, Défense de la France diffuse à la veille du jour « J » des « Consignes d’action », destinées à l’ensemble des Français.

- Sous la plume du Comité directeur du MLN, Défense de la France publie des directives adressées à tous ses responsables et militants. Dans cette « France qui est en guerre », le mouvement exhorte les Français à « frapper l’ennemi de plus en plus fort » afin d’assurer la « renaissance » de leur pays.

- Dans un bref « Communiqué », Défense de la France énumère plusieurs opérations de sabotage.


Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, édition Seuil, 1995. (2) Ibid. (3) Pilippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (4) Ibid. (5) Ibid. (6) Ibid. (7) Ibid. (8) Olivier Wieviorka, op.cit.


""

This issue of Défense de la France was not printed on the movement's professional printing machines.
Over the course of a few weeks, the movement was struck by a wave of arrests that overwhelmed them, forcing Viannay to go to Emilien Amaury for printing help. On May 4, following an unfortunate combination of circumstances, the composition workshop at Clichy, nicknamed « the Sanctuary » was discovered by the police. This recent event, which along with the imminent debarkation and the fear of not being able to sustain itself through to the Liberation, led Défense de la France to unite its efforts, placing its formatting, template-making, and printing all in one workshop.

« They rented a house on Rue Jean-Dolent (XIVe) [near la Santé prison – a large prison used by the Nazis to detain those opposed to their regime] and prepared themselves to be self-sufficient ».

In addition, a printing press weighing over six tons was constructed, named « Big Margot » :

« a Rotaprint, a handheld Minerve, a Minerve, a composition machine, a paper cutter, a Phénix printer, and 4 tons of paper » (1).

To this collection of materials, even more were added to support a « three-month siege » (2). « This superb installation [...] cost Défense de la France precious time » (3), though eventually creating a useful installation for the future.

« Rue Jean-Dolent was to become their central base of operations » (4) for what Philippe Viannay imagined would be an intermediate period.

However he « misjudged » the situation, as printing « was no longer to be a problem » (5).

Furthermore, « following a stupid affair », (6) on May 27, the police discovered this « superb installation » (7) and almost simultaneously the Guéménée cul-de-sac where the Crafftman was hidden. These events and the arrests that followed, then the fall of Combat's printing station in Lyon on June 17, led to the « final dissolution » (9).

 

From this moment, the printing, which had skyrocketed since the Spring of 1943, was now inevitably diminished, fluctuating between 12,000 and 50,000 copies. The time between issues also became less and less frequent or certain.

Additionally, Philippe Viannay was becoming more and more occupied with his responsibilities following his recent nomination to the director of the sub-region P1 in the Resistance. Sharing his time between Paris and Seine-et-Oise, the leader of Défense de la France asked Robert Salmon and Jean-Daniel Jurgensen to assume the leadership responsibilities in his absence and to further the publication of the newspaper, which had previously been a responsibility reserved for Viannay.

This 46th issue is shorter than its predecessors, only consisting of three articles and a short press release:

- In his article, Jean-Daniel Jurgensen, « Jean Lorraine », defends the necessity to create a Franco-Russian alliance. He believed that the two countries had « excellent reasons to collaborate in the near future: the peaceful reorganization of the European continent ».

- As with other movements and publications of the Resistance, Défense de la France diffused « Action Orders » to the French population just before D-Day.

- Under the pen of the Director of the Committee of the MLN, Défense de la France published directives addressed to all of its followers and militants. In this article, « France at War », the movement urged the population to « strike the enemy harder and harder » to assure the « rebirth » of their country.

- In a short news brief, « Press Release », DF enumerated several sabotage operations.

Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Ibid. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance; Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (4) Ibid. (5) Ibid. (6) Ibid. (7) Ibid. (8) Olivier Wieviorka, Op.cit.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

""

1944 est bien pour l'Europe occupée l'année des plus grands espoirs.
Grâce à l'action des différentes armées alliées ainsi qu'à l'aide qui leur est apportée par les mouvements et les maquis de la Résistance, l'Allemagne nazie recule sur tous les fronts et son effondrement semble proche.

Le repli allemand, amorcé au lendemain de Stalingrad, s’amplifie et ne s’arrêtera qu’à Berlin en mai 1945. Les fronts italien et africain, déterminants en 1943, deviennent secondaires dans le concept stratégique anglo-américain, concentré prioritairement sur la préparation du débarquement, alors imminent.
Par ailleurs, les Alliés poursuivent sans relâche leurs bombardements sur le territoire allemand qui subit des raids massifs destinés à démoraliser la population et à neutraliser ses postes militaires stratégiques.

En France, le mythe du maréchal Pétain est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant qui, dans un dernier sursaut de barbarie, se livre à de nombreux massacres.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration dont profite la Résistance.
Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées. L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.

Depuis 1940, la Résistance a parcouru un long chemin : de quelques groupes d'hommes à l'origine, elle parvient à la mise en place d'importantes organisations qui résultent d’un long processus d’unification élaboré tout au long de l’année 1943. Ce sont principalement les MUR, le CNR et, depuis le 15 janvier, le MLN.
En cette année 1944, malgré un cruel manque d’armes, l’ensemble de la Résistance se prépare à combattre aux côtés des Alliés.

Concomitamment, à Alger, le Comité français de Libération nationale – présidé par le général de Gaulle, désormais reconnu comme chef de la Résistance – devient le Gouvernement provisoire de la République française et s'élargit à de vastes fractions de la société.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.


""

For Occupied Europe, 1944 was a year of hope. Thanks to the actions of various Allied armies with the support of the movements and maquis (militias) of the Resistance, Nazi Germany began to buckle on all of its fronts, as its collapse loomed close. The German fold, sparked by their defeat in Stalingrad, was amplified and did not stop until Berlin in May 1945. After the Allied successes on the African and Italian fronts, the Anglo-American forces concentrated their efforts on preparations for a decisive action designed to strike the Reich at its heart: a landing on the West of continental Europe.
At the same time, the Allies pursued a relentless bombing campaign on the German territory which was subjected to massive air-raids designed to demoralize the population and to neutralize their strategic military operations.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.

The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, from which the Resistance benefitted.

Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.
The influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. Since 1940, the Resistance had come a long way – from a few isolated groups of men, it grew into a movement whose process of unification would span the entire year of 1943. The most important of these unifying movements were the MUR, the CNR, and soon the MLN.

In 1944, despite a massive shortage of arms, the Resistance prepared itself for battle at the side of the Allies. Simultaneously, in Algiers, the Comité français de Libération nationale (French Committee of National Liberation) – presided over by General de Gaulle, henceforth known as the head of the Resistance – formed a provisional government of the French Republic and reached out to the divergent factions of French society.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi