Journal Défense de la France, n° 47, août 1944

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°47, August 1944.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France)) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 21 x 27 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Date document : Août 1944

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Cette 47e édition est le dernier numéro clandestin de Défense de la France.

A cette époque, le mouvement n’est plus en mesure d’imprimer par ses propres moyens.
Victime d’une vague d’arrestations survenue au cours du mois de mai, les capacités d’impression de Défense de la France – à Paris comme à Lyon – sont anéanties et l’organisation est contrainte de recourir aux services d’une autre imprimerie.

A ces coups durs subis par Défense de la France s’ajoutent, d’une part, un contexte général particulièrement difficile, auquel personne n’est préparé, et, d’autre part, une désorganisation du fonctionnement interne depuis le départ d’un grand nombre de ses effectifs dans les maquis.

Le processus des opérations de Libération, engagé sur l’ensemble du territoire depuis le débarquement en Normandie, impose une adaptation constante et modifie inéluctablement l’organisation de Défense de la France qui, comme celle de la Résistance, sort progressivement de la clandestinité.
Par ailleurs, nommé depuis février chef départemental des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) de la Seine-et-Oise nord, Philippe Viannay est désormais pleinement absorbé par son commandement. En s’éloignant de Paris, et donc de la centrale, le chef de Défense de la France est contraint de confier à Robert Salmon et Jean-Daniel Jurgensen la responsabilité et la parution du journal.
En outre, afin d’assurer la formation et l’organisation de son maquis, il entraîne avec lui un grand nombre de militants comblés, eux aussi, de passer à la lutte armée.

L’enchaînement de ces événements, provoque en quelque sorte « l’effondrement final » (7) du journal Défense de la France dont le nombre de tirage, en forte croissance depuis le printemps 1943, connaît inévitablement une baisse considérable. Il fluctue de 12 000 à 50 000 exemplaires.
La périodicité du journal devient, quant à elle, de plus en plus espacée et incertaine.

Cette édition se compose de sept articles :

- Dans son premier article, « Indomitus », Philippe Viannay s’exprime sur « Le sens de la guerre française ». Selon lui, la France, « puissance indépendante et souveraine », doit être « présente à la victoire ». « La prodigieuse puissance matérielle des Anglo-Saxons » ne doit en aucun cas priver « la France de la Résistance » d’une participation aux combats engagés pour sa Libération. « C’est là tout le sens du commandement FFI ». A l’heure de la victoire finale, la France entend prendre toute sa place aux côtés des Alliés mais aussi et surtout rester maître de son territoire.

- « A la veille de la victoire », « Jean-Lorraine », Jean-Daniel Jurgensen dresse une sorte d’état des lieux des différents fronts européens. Qu’il s’agisse de l’ouest, du sud et de l’est de la France ou de « l’intérieur même du Reich », l’Allemangne subit l’assaut final.

- Alors que le territoire se libère progressivement des troupes d’occupation, « Robert Tenaille », Robert Salmon donne aux lecteurs des éléments d’appréciation sur « Le sens de la Libération ». Selon lui, elle « sera triple ». Ce sera celle « de la France, du citoyen et de l’homme »

- Sous la plume d’Aristide Blank, « A.B. », Défense de la France propose des « projets d’assainissement » et « des solutions rationnelles pour une politique économique » nouvelle et constructive.

- Dans sa rubrique « La France est en guerre », le journal transmet à ses lecteurs un « communiqué des FFI (MLN Nord et FTP) » dans lequel sont inventoriés divers combats et opérations de sabotage menés par le maquis de Seine-et-Oise que commande Philippe Viannay.

- Jean-Daniel Jurgensen, « Jean-Lorraine », condamne l’attitude « d’un certain nombre de jeunes freluquets, suppôts du ministère de la Production industrielle, polytechniciens, inspecteurs des Finances. Ces messieurs, qui se sont rués autrefois dans la collaboration », n’hésitent pas à changer d’apparence, à « se teindre en rouge vif », à devenir « plus gaulliste que de Gaulle ». Le « retournement » de ces « Ouvriers de la onzième heure […] ne trompera personne. Le châtiment viendra […] ».

- Le septième article est consacré à « La presse de demain ». « Ecoeurée par la vénalité des quotidiens de l’avant-guerre, choquée par les journaux collaborationnistes », (1) « la Fédération Nationale de la Presse clandestine - groupant tous les journaux qui, pour servir la France, ont bravé le terrorisme germano-vichyssois - vient de soumettre au CNR un projet d’organisation provisoire de la presse qui est de nature à déjouer des manœuvres de dernière heure ».
Cette réforme exigée par la Résistance cherche à « sanctionner les entreprises déshonorées par la collaboration et souhaite moraliser l’information ». (2)

Jusqu’en 1944, Défense de la France maintient certaines consignes lancées dès 1941 comme, notamment, la diffusion, la reproduction et bien-sûr la lecture de leur journal.


Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, édition du Seuil, 1995. (2) Ibid.



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This 47th issue is also the final issue of Défense de la France. At this time, the movement was no longer in a position to print by its own means. Having fallen victim to a wave of arrests in May, their printing capacities – in both Paris and Lyon – were overwhelmed and forced to seek out the services of another printing operation.

Matters were made even worse for Défense de la France as they suffered from internal disorganization as their following was further reduced by inscription to the maquis and other armed branches of the Resistance, a personnel shortage that was unanticipated by the movement.


Following the Allied landing in Normandy, the process of Liberation was taking place over the entirety of the French territory, forcing Défense de la France to constantly adapt to the unavoidable process of going into exiting hiding. Additionally, Philippe Viannay, who was named the departmental head of the Forces françaises de l'Intérieur (FFI), or Internal French Forces, at Seine-et-Oise, was becoming more and more occupied with the responsibilities of his post.

Moving away from Paris, the leader of Défense de la France asked Robert Salmon and Jean-Daniel Jurgensen to assume the leadership responsibilities in his absence and to further the publication of the newspaper. At his departure, Viannay also brought a large number of the movement's followers with him to guarantee the formation of his maquis, moving to armed resistance. These events and the arrests that followed, then the fall of Combat's printing station in Lyon on June 17, led to the « final dissolution » (9).

From this moment, the printing, which had skyrocketed since the Spring of 1943, was now inevitably diminished, fluctuating between 12,000 and 50,000 copies. The time between issues also became less and less frequent or certain.

This 47th issue is composed of seven articles:

- In the first article, « Indomitus », or Philippe Viannay explained « The meaning of the War for France ». According to him, France, an « independent and sovereign power », must be « present at victory ». « The prodigious material strength of the Anglo-Saxons » must never deprive « France and her Resistance » of their right to participate in the battles for Liberation. « That is the commandment of the FFI ». At the hour of victory, France intended to take her place beside the Allies as the master of her own territory.

- « On the Eve of Victory », by Jean-Daniel Jurgensen, « Jean Lorraine », addressed the state of the different European fronts. On all fronts – western, southern, or eastern France and « even inside the Reich » - the final defeat of Germany was imminent.

- As the French territory progressively broke free from the Nazi yoke, Robert Salmon assessed « the meaning of this Liberation ». According to Salmon, the meaning « would be triple »: « for France, for the citizenry, and for humanity ».

- Under the pen of Aristide Blank, « A.B. », Défense de la France proposed « stabilization projects » as well as new and constructive « rational solutions for the economic policy ». - In its column, « France at War », the newspaper shared a press release from the FFI, which recounted various battles and sabotage operations led by the Seine-et-Oise maquis led by Philippe Viannay.

- In the following article, Jean-Daniel Jurgensen condemned the attitude of « certain young whippersnappers, henchmen of the Minister of Industrial Production, école polytechnique students, and financial inspectors who had formerly rushed into the collaboration »; the opportunists who changed cloaks to wear the red of the Resistance, and become « more gaullist than de Gaulle ». The « reversal » of these « workers of the eleventh hour [...] are fooling no one. The punishment will come... ».

- The seventh article is devoted to « The Press of Tomorrow ».
« Sickened by the venality of the pre-war publications, and shocked by the collaborationist newspapers » (1), « the National Underground Press Federation – a grouping of newspapers who braved the German and Vichy terrorism in order to serve France – submitted a provisional organizational project to foil any last-minute maneuvers of re-alignment ». This reform, demanded by the Resistance, looked to « sanction all of those enterprises dishonored by collaboration and who hoped to cover it up ». (2)

Until 1944, Défense de la France maintained certain orders first given in 1941, namely the diffusion, the reproduction and, above all, the reading of their newspaper.


Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Ibid.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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1944 est bien pour l'Europe occupée l'année des plus grands espoirs.

Grâce à l'action des différentes armées alliées ainsi qu'à l'aide qui leur est apportée par les mouvements et les maquis de la Résistance, l'Allemagne nazie recule sur tous les fronts et son effondrement semble proche.

Le repli allemand, amorcé au lendemain de Stalingrad, s’amplifie et ne s’arrêtera qu’à Berlin en mai 1945. 

Depuis le débarquement des troupes alliées en Normandie survenu le 6 juin et celui de Provence, le 15 août, le territoire français recouvre peu à peu sa liberté au prix de longs et violents combats que mènent conjointement les armées anglo-américaines et celles de la Résistance, réunies, après un long et difficile processus d’unification, sous la bannière des FFI. 

Elles doivent faire face à des troupes d’occupation qui, dans un ultime effort, tentent de tenir leurs positions jusqu’au bout afin de contrôler l’avancée des Alliés. Dans un dernier sursaut de barbarie, elles se livrent à de nombreux massacres et exécutions sur les populations civiles, comme ceux de Tulle et d’Oradour-sur-Glane, les 9 et 10 juin.

La Libération du pays se traduit par la fin du Régime de Vichy et l’établissement du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) qui, depuis juin 1944, remplace le Comité français de Libération nationale (CFLN). L’ensemble de la Résistance soutient désormais son chef, le général de Gaulle, comme la population qui partout en France l’acclame. « Plébiscité, le chef du gouvernement provisoire est légitimé tandis que le GPRF est reconnu par les Alliés en juillet 1944 ».

Dans chaque région libérée, un Commissaire de la République, désigné préalablement par le CFLN, exerce l’autorité politique au nom du gouvernement. Avec la Résistance, ils assument le pouvoir et participent au rétablissement des institutions démocratiques « d’un pays qui n’a que trop tendance à oublier que la guerre n’est pas finie. » Bien qu’un grand nombre de dispositions soient prises pour que cette période de flottement dure le moins longtemps possible, les premières semaines qui suivent la Libération sont difficiles. 

A la fin du mois d’août, une moitié au moins des Français est libérée. 

Si l'année 1944 est l'année de la libération de la France, elle n'est certes pas celle de la fin de la guerre. Amalgamés à l'armée régulière, de nombreux résistants poursuivront la lutte pendant de longs mois, avant que la fin des hostilités, le 8 mai 1945, mette un terme, en Europe, à un conflit qui restera parmi les plus meurtriers de l'histoire de l'humanité.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.



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For Occupied Europe, 1944 was a year of hope. Thanks to the actions of various Allied armies with the support of the movements and maquis (militias) of the Resistance, Nazi Germany began to buckle on all of its fronts, as its collapse loomed close. The German fold, sparked by their defeat in Stalingrad, was amplified and did not stop until Berlin in May 1945.

Since the Allied landing in Normandy on June 6 and the subsequent landing in Provence on August 15, regained its freedom little by little through long and violent battles jointly led by the Anglo-American forces and those of the Resistance, which were finally united under one single banner: the Forces françaises de l'Intérieur (FFI).

These Allied forces were pitting against a German army whose last ditch efforts were to hold their positions to the end, so as to control the Allied advance. In a final burst of barbarism, the Germans committed numerous massacres and executions of the civilian population, such as those at Tulle and Oradour-sur-Glane, on June 9 and 10.

The Liberation of the country was fulfilled with the end of the Vichy Regime and the establishment of the Provisional Government of the French Republic, (GPRF in the French acronym) which, since June 1944, had replaced the French Committee for the National Liberation (CFLN in French). The whole of the Resistance supported their leader, General de Gaulle, as did the rest of the French population. « Elected by an overwhelming majority, the head of the Provisional Government was legitimate, as the GPRF was recognized by the Allies in July 1944 ».

In each liberated region, a prefect designated beforehand by the CFLN, exercised the political authority in the name of the government. With the Resistance, they assumed power and participated in the re-establishment of the democratic institutions « of a country who could not forget that the war was not yet over ». Although a large number of arrangements were made to ease the transition during this fragile period, the first weeks following the Liberation were difficult. At the end of August, at least half of France was liberated.

If the year of 1944 was the year of the French Liberation, it was certainly not the end of the war. Integrated into a regular army, countless Resistants would continue to fight for long months until the end of the hostilities on May 8, 1945, ending a conflict that remains among the bloodiest in the history of humanity.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi