Avion de chasse Morane-Saulnier MS 406 / D 3801

Légende :

Décollage d'un MS 406 / D 3801 sur l’aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie.

Genre : Image

Type : Engin

Producteur : Cliché Alain Coustaury

Source : © Collection Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur prise au téléobjectif 300 mm.

Date document : Juin 2007

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Chabeuil

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Analyse média

Les avions, comme d’autres engins militaires, au même titre que des lieux de batailles, des monuments, constituent une mémoire des deux conflits mondiaux. En France, à la différence des pays anglo-saxons, ils représentent un patrimoine dont on a pris conscience il y a seulement une trentaine d’années.

Au décollage sur la piste actuelle de l’aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie, la version suisse (D 3801) du Morane Saulnier M S 406. Comme pratiquement tous les avions du début de la Seconde Guerre mondiale, il décollait depuis une piste en herbe. L’angle de prise de vue restitue assez bien ce fait. L’appareil présenté a été restauré, est entretenu et présenté dans des spectacles aériens par une association helvétique, l’Association suisse Morane Charlie Fox. De même, sur l’aérodrome du Creux-de-la-Thine, commune d’Albon (Drôme), l’association Aéro Rétro entretient et fait voler l’avion d’observation et de surveillance, le « mouchard », hantise des résistants, le Fieseler Fi 156 « Storch ».

Au loin, dans la brume, les taches blanches correspondent aux premiers contreforts du massif du Vercors.

L’appareil présenté est, en 2007, le seul exemplaire en état de vol dans le monde de l’avion de chasse Morane-Saulnier MS 406, avion qui constituait l’essentiel de l’aviation de chasse française en 1939-1940. Il porte l’insigne de l’escadrille des Cigognes, une des formations nées pendant la guerre de 1914-1918 et parmi les plus célèbres.

Le MS 406 est construit à partir de 1937. Propulsé par un moteur de 860 CV, il dépassait en vitesse de pointe 480 Km/h.

Plus de 1000 appareils furent construits. La Suisse acquit la licence de production et construisit, après quelques modifications, quatre vingt quatre D 3801. Ils ne furent retirés du service qu’en 1954. C’est cette version qui est présentée.

Le MS 406 vola, après divers avatars, sous les cocardes allemandes, bulgares, italiennes, croates, finlandaises, turques, yougoslaves.

À sa sortie, il était considéré comme « le meilleur chasseur du monde ».

Mais dès le début du conflit en 1939, le MS 406 était dépassé par beaucoup d’avions allemands. Sa vitesse était plus faible que celle des chasseurs (Bf/Messerschmitt 109 E), voire de certains bombardiers de la Luftwaffe. Toutefois ses qualités de maniabilité, ses capacités à encaisser les coups firent qu’il permit à l’Armée de l’air de remporter de nombreux combats aériens.

Le successeur du Morane-Saulnier 406, le Dewoitine 520, aux qualités équivalentes à celles des appareils allemands, arriva trop tardivement dans les combats pour rétablir l’équilibre entre l’Armée de l’air et la Luftwaffe.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Jean Gisclon, La Grande aventure de la chasse française de 1939 à 1945, éditions France-Empire, 1983, 637 pages.

Contexte historique

C’est en pilotant le MS 406 N°1056 que le sous-lieutenant Henri Raphenne fut abattu le 24 juin 1940 par la Flak (artillerie antiaérienne allemande) au-dessus de Mours-Saint-Eusèbe au nord de Romans-sur-Isère.
Un titre du paragraphe du livre de Jean Gisclon, La Grande aventure de la chasse française de 1939 à 1945, définit le sens des combats des jours et des heures précédant l’Armistice :
Les dernières missions de sacrifice « Le 22 juin (1940) la convention d’armistice fut signée avec l’Allemagne, mais les conditions n’en furent rendues exécutoires que six heures après la signature du même traité avec l’Italie. […]
Le temps devint exécrable dans toute la région du Midi. […] Pluie et orages se succédèrent sans arrêt, transformant en fondrières les terrains où les roues des avions s’enfonçaient jusqu'au moyeu.
Les 23, 24, partant de Nîmes, de Salon-de-Provence et de Marignane, les patrouilles des groupes 2/1, 3/1, 1/6, 1/2, furent lancées contre les formations blindées qui approchaient de Grenoble et de Chambéry. Missions dont l’inutilité était flagrante.
[…] Les Morane ne disposaient plus d’un seul obus perforant […] Les chars allemands pouvaient continuer tranquillement leur route. [...]
Au retour de l’une de ces missions, le sous-lieutenant Marchelidon descendit un Henschel 126 (vers Châteauneuf-sur-Isère, Beaumont-Monteux ; un particulier conserve un élément de cet appareil de reconnaissance, dernier avion allemand abattu pendant cette campagne) […]
Le 24, une légère amélioration se produisit sur les Alpes. À 18 heures, deux patrouilles légères du 1/6 furent chargées d’attaquer au canon les colonnes motorisées qui se trouvaient vers Romans-Hauterives-Beaurepaire. La première patrouille, sous-lieutenant Raphenne et Demoulin décolla à 18 h 45. […]
Les deux Morane, dont les fuselages étaient garnis d’une quantité « d’emplâtres » camouflant les impacts des projectiles reçus, s’envolèrent de Salon-de-Provence. […] Des grains bordaient le Rhône, de part et d’autre, sur le relief montagneux.
À Valence, les pilotes descendirent en vol rasant pour identifier à coup sûr les éléments ennemis sur la position desquels les renseignements parvenus au PC du groupe étaient plutôt fantaisistes. Ils survolèrent Romans ; le pont sur l’Isère était détruit (en réalité les ponts), ses débris fumaient encore (ponts en pierre ! ?). […]
Raphenne aperçut une colonne de chars qui se déplaçait entre Romans et Beaurepaire. Il effectua deux passes. À la seconde, quelques paysans témoins de l’attaque, eurent l’impression que l’avion environné de flammes, explosait en vol. Il s’écrasa près de Mours, à quatre kilomètres au nord de Romans. Il était 20 heures. Les Allemands enterrèrent le pilote au cimetière du village, en présence de la municipalité et des enfants. Sur sa tombe, ils déposèrent un gros bouquet de roses rouges orné d’un ruban portant cette inscription « Morane 1056 » et au-dessous en allemand : « descendu le 24 juin 1940 ».
Raphenne, as aux 6 victoires, qui avait collectionné tant de coups durs, fut le dernier tué de cette triste campagne de six semaines. Quatre heures plus tard, ce fut l’armistice … »

Le faible nombre des avions opérationnels, l’insuffisance de leur armement, l’absence de renseignements sûrs, la puissance de l’artillerie antiaérienne allemande sont bien mis en évidence par le récit. L’attitude de l’armée allemande lors des funérailles de l’aviateur français est celle du début de la guerre.

En 2004, en présence du fils de l’aviateur, une plaque en souvenir de cet épisode a été scellée sur le monument aux morts de Mours-Saint-Eusèbe.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Jean Gisclon, La Grande aventure de la chasse française de 1939 à 1945, éditions France-Empire, 1983, 637 pages.