Face au boche, face à l'hiver, travaillez pour eux

Légende :

Ebauche d'affiche intitulée "Face au boche, face à l'hiver, travaillez pour eux"

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © Archives départementales de l'Ardèche- 98 FI 11 Droits réservés

Détails techniques :

Peinture noire sur papier, datée de 1944. Dimensions : 1,07 x 0,14 mètres.

Aucune exploitation à des fins commerciales n'est autorisée.

Date document : Deuxième semestre 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche - Privas

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Encadré de deux lignes de texte en gros caractères en haut et en bas, au centre de l'affiche, le visage d'un FFI portant béret, écharpe et Sten. Son regard déterminé fixe au loin un objectif sans s'en détourner : le "boche", terme très péjoratif qui désigne l'occupant allemand. L'écharpe volant au vent, qui entoure son cou, indique la rigueur de l'hiver. "Eux", ce sont les FFI ardéchois des bataillons Fauveau (Armée Secrète) et Ravel (FTP), qui, mal, voire sous-équipés en cet hiver 1944, ont besoin du soutien de  la population à l'arrière. Cette solidarité est notamment l'oeuvre d'organisations féminines.
Ces FFI, engagés volontaires, ont été intégrés (amalgame) dans le 159e RIA (Régiment d'Infanterie Alpine) de l'armée française. Ils combattent sur le front des Alpes, d'où la rigueur de l'hiver. Au début de l'année 1945, le bataillon Fauveau et des éléments du bataillon Ravel sont envoyés en Alsace pour faire face à la contre-offensive nazie, avant de revenir dans les Alpes.


En arrière plan, barbelés et oiseaux sont antinomiques et opposent un monde privé de liberté à des combattants qui luttent pour la reconquérir.

 


Alain Martinot, d'après "L'amalgame des FFI dans l'armée française : le bataillon "Ravel"", in CD-ROM La Résistance en Ardèche, AERI, 2004.

Contexte historique

Né en 1920 à Nancy, Robert Petit est issu d’une famille de patriotes catholiques fervents. Grâce à son père, ferronnier d’art, il bénéficie très jeune d’une importante culture artistique et, dès 1935, il entre comme apprenti dans l’atelier du maître verrier Janin à Nancy.

Sa famille est forcée de quitter Nancy pendant l’exode de 1940. Elle échoue en Ardèche, d'abord à Saint-Cirgues-en-Montagne puis à Saint-Privat avant la signature de l’armistice franco-allemand. De juillet 1941 à février 1942, Robert Petit appartient au groupement 13 des Chantiers de jeunesse de Cavaillon (Vaucluse). Contrairement à sa famille qui retourne à Nancy après plus de deux ans d'exil, il décide de rester en Ardèche, attiré par la lumière et les paysages de ce département. Après bien des difficultés dans sa recherche d'emploi (formation de peintre en vitraux d'église et quelques problèmes de santé), il devient agent d'assurances. Il est alors hébergé à "la Châtaigneraie" à Aubenas, véritable lieu de culture animé par les propriétaires Louise et Rose Chaussabel, institutrices de la Loire à la retraite et leur amie enseignante et musicienne, Eugénie Gagnaire. Il y rencontre quelques personnes qui développent chez lui de nouvelles valeurs humanistes et laïques, très différentes de son héritage familial.

Une première exposition de ses dessins à la plume est présentée à Vals-les-Bains en août 1942. Suite à la mise en place du Service du Travail Obligatoire (STO), après avoir été recensé et avoir passé la visite médicale le 4 mars 1943, il entre en clandestinité dès le lendemain. Il change souvent de cachette sur Aubenas : la Châtaigneraie mais aussi Saint-Louis-de-Ferrières, voire l'Immaculée Conception, maisons des frères maristes. Lorsque le danger se précise, il rejoint le plateau ardéchois et ses fermes-refuges, comme celle de «la Grande Borie», près de la Chartreuse de Bonnefoy sur le plateau ardéchois et prend comme nom de résistant «Lorraine» en référence à sa région natale, fortement marquée par les rapports conflictuels entre la France et l'Allemagne.

Pendant cette période, il continue de dessiner et réalise manuellement plusieurs affiches pour la Résistance qui sont placardées dans Aubenas afin d’appeler la population à résister. Vers le milieu de l'année 1944, Robert Petit rejoint les Francs-Tireurs et Partisans. Sous le pseudonyme de "Lorraine", il devient à partir du numéro 6 du 21 août 1944, le dessinateur attitré du journal des FTP : L’Assaut, jusqu'au numéro 14 du 9 octobre 1944. L'imprimerie typographique Mazel située à Largentière qui sort le journal ne disposant pas d’équipement en photogravure, Petit Lorraine réalise ses clichés d’illustration en gravant des plaques de linoléum (1). Il est ensuite l'illustrateur du bandeau du titre de l'hebdomadaire FFI Valmy qui remplace l'Assaut et La IVe République, organes des FTP et de l'Armée Secrète suite à leur unification. La signature de Lorraine n'apparaît au bas des caricatures dessinées au trait que dans les trois premiers numéros de l'hebdomadaire Valmy entre le 14 et le 28 octobre 1944. Pendant cette période, Robert Petit Lorraine crée une série de remarquables affiches appelant au combat patriotique. A partir de septembre 1944, il a désormais la possibilité d’utiliser les services de grandes imprimeries lyonnaises spécialisées.
Ses affiches sont souvent accompagnées d'une légende, comme si Lorraine voulait, par les notes picturale et littéraire, toucher le public le plus large possible. Cette partition à deux temps se retrouve dans sa peinture avec sa gamme en noir et blanc, ses lavis. Le vocabulaire de Lorraine véhicule les valeurs pour lesquelles il combat artistiquement : justice, liberté, dignité de l'Homme, bonheur, espérance d'un monde nouveau. Mais l'artiste n'oublie pas le contexte historique : celui de la guerre, d'où la violence des mots et des expressions : "vengeance, châtier les traîtres, balayer les boches, les profiteurs..."

Après la guerre, Lorraine continue de fréquenter des milieux intellectuels et artistiques et de peindre désormais sous le nom de «Robert Petit Lorraine». Après avoir été l'ami et l'illustrateur de Saint-John Perse, il consacre la dernière partie de sa vie d'artiste à la résistance Cathare. Malgré de nombreux voyages, Robert Petit-Lorraine reste très attaché à l’Ardèche, département où il meurt en 2006. 



(1) Ces linogravures, précieuses oeuvres d’art, sont présentées en vitrine au Musée de la Résistance et de la Déportation en Ardèche, 15, rue du Travail 07 400 LE TEIL.


Alain Martinot