Gabrielle Jeanine Picabia, chef du réseau Gloria SMH

Légende :

Photographie de Jeanine Picabia, fondatrice du réseau Gloria SMH, l'une des deux premières femmes décorées de la Médaille de la Résistance

Genre : Image

Type : Photographie d'identité

Source : © SHD - GR 16 P 295544 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Née le 19 juin 1916 à Saint-Cloud (Seine-et-Oise), Jeanine Picabia, fille du peintre Francis Picabia, obtient son diplôme d'infirmière de la Croix-Rouge en mars 1940 et rejoint la section sanitaire du 19e régiment du Train à Metz. Après l'armistice et jusqu'à sa démobilisation en décembre 1940, affectée à la section de Châteauroux, elle s'occupe du ravitaillement des camps de prisonniers de Bordeaux et de Bretagne.

En novembre 1940, elle rencontre M. Guimpel qui appartient à un réseau dépendant de l'Intelligence Service (IS). A ce moment, elle est déjà en contact avec un groupe qui recueille des renseignements de tous ordres dans la région de Cherbourg. A Paris, elle connaît aussi des personnes qui ont la possibilité de lui remettre des renseignements intéressant la Belgique et toute la zone occupée. Avant de rencontrer Guimpel, Jeanine Picabia avait déjà à plusieurs reprises réunit des renseignements et les avait fait déposer au Consulat britannique de Marseille. Guimpel lui apporte la liaison directe avec l'Intelligence Service.

En janvier 1941, elle créé, par ordre reçu de Londres, le réseau Gloria SMH axé essentiellement sur le renseignement maritime et en prend la direction avec Jacques Legrand. Né le 24 octobre 1906 à Douai (Nord), ce dernier s'engage dans l'armée en octobre 1939. Il est incorporé à la 6e brigade d'artillerie comme canonnier. Entre le 15 mai et le 29 juin 1940, il est affecté dans une batterie d'artillerie de DCA sur le front. Fait prisonnier, il s'évade au moment de son départ pour l'Allemagne. Au moment où Jeanine Picabia le contacte pour créer le réseau Gloria, Jacques Legrand est alors déjà en liaison avec Germaine Tillion et avec l'Abbé Allesch. Le nom du réseau a beaucoup varié : Gloria jusqu'en juin 1942 et après août 1942, entre temps Tar jusqu'en juillet 1942 et Wol au mois d'août 1942.

Le réseau Gloria entretient des liaisons avec plusieurs réseaux et mouvements : Etoile (Michel Brault), Combat, Libération, Ali-France (Joseph Dubar), Pat O'Leary ainsi qu'avec Pierre de Vomécourt. Le réseau était divisé en secteurs et sa centrale implantée à Paris. Chaque chef de secteur était en contact direct avec la centrale parisienne. En décembre 1941, Picabia et Legrand sont secondés à la direction du réseau par Suzanne Roussel, professeur au lycée Henri IV, et Gilbert Tomazon. Parmi les membres parisiens du groupe, il faut mentionner Alfred Péron, professeur au lycée Buffon, et l'écrivain irlandais Samuel Beckett. Les instructions et les fonds étaient fournis par l'état-major anglo-polonais de Londres. Le réseau était en contact avec cet organisme par des courriers qui partaient régulièrement de Paris et qui étaient déposés dans une boîte aux lettres soit à Marseille soit à Nice. Un contact avec Londres était également assuré par le radio d'un réseau belge, vraisembleblement Ali-Tir.

En mars 1942, Pierre de Vomécourt se charge d'organiser une liaison radio directe entre Gloria et Londres. De Vomécourt est arrêté à son retour de Londres et le réseau Gloria se trouve coupé de Londres. En mai 1942, Jacques Legrand entre en contact à Lyon avec Virginia Hall, responsable d'un réseau du SOE, qui accepte de prendre en charge la transmission des messages et rapports de Gloria. Le 10 ou 12 août 1942, Legrand confie à Alesch le courrier avec mission de le remettre à Miss Hall. Ce courrier contenait 20 à 25 pellicules photographiques représentant des plans de défense côtière à Dieppe, divers autres renseignements militaires et des notes de service. Quelques temps plus tard, Jeannine Picabia se rend à Lyon et y rencontre Philippe de Vomécourt qui travaille avec miss Hall et lui demande des nouvelles du courrier. Celui-ci lui répond alors qu'il est bien arrivé mais qu'il était totalement inintéressant. Jeannine Picabia demande alors à contrôler le courrier arrivé à Lyon et constate que celui-ci a été falsifié et que les documents photographiques et les renseignements militaires ont disparu. Elle conclut immédiatement à la trahison de Alesch. En même temps, elle apprend que des arrestations ont été opérées dans le réseau entre le 13 et le 16 août 1942. Jacques Legrand est arrêté le 14 août 1942. Elle ordonne alors la cessation de toute activité.

Quelques temps après, Jeanine Picabia apprend que Miss Hall a encore reçu quatre courriers d'Allesch. Cela ne pouvait être que de faux courriers puisque le réseau avait arrêté tout travail. Recherchée par la police allemande, Jeanine Picabia franchit les Pyrénées le 25 décembre 1942 et arrive à Barcelone le 9 janvier 1943 puis à Lisbonne le 1er mars. De là, elle part pour Londres le 12 mars 1943 pour s'engager dans la section féminine des Forces françaises libres. Longuement interrogée à son arrivée à Londres, elle se rend compte que l'abbé Alesch y est déjà connu comme agent de l'Abwehr. Jacques Legrand, quant à lui, est déporté à Mauthausen où il décède le 30 juin 1944. Reconnu coupable, Robert Alesch est condamné à mort par la cour de justice de la Seine, le 28 mai 1948, et fusillé au fort de Montrouge, le 25 janvier 1949.

Jeanine Picabia est l'une des deux premières femmes décorées de la médaille de la Résistance par décret en date du 12 mai 1943.


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie:
Service historique de la Défense :
- 16 P 295544 (dossier d'homologation de Jeannine Picabia)
- 16 P 195 505 (dossier de Jacques Legrand).
13 P 147 (homologation du réseau Gloria).
Archives de la Préfecture de Police, PJ 7 (affaire Masuy, rapport d'enquête du 10 octobre 1945 concernant l'abbé Alsech Robert, agent de l'Abwehr, déclaration de Mme Bailly Cowelle, née Gabrielle Jeanine Picabia).
Archives Patrick Weydert (documents divers sur le réseau Gloria SMH).
Gérard Fournier, " Robert Alesch " in CD-ROM La Résistance dans le Calvados, AERI, 2004.