Jean Tournissa, responsable de la mission Paquebot"

Légende :

Le capitaine Jean Tournissa, dit Paquebot, responsable de la mission éponyme, qui atterrit près de Vassieux-en-Vercors dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944 - ici en 1944, à l'âge de 32 ans

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Cercle aéronautique Louis Mouillard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : 1944

Lieu : France

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Analyse média

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944, le BCRA d’Alger - nommément, Jacques Soustelle - envoie la mission Paquebot commandée par le capitaine Jean Tournissa (Paquebot), capitaine de l’Armée de l’Air, accompagné des sous-lieutenants Francis Billon (Tartane), René Abily (Lougre), Sauvage (Pirogue) et Yves Morineaux (Bateaux ou Morin). Une femme agent est également parachutée avec eux, la comtesse Krystyna Skarbek (Pauline ou Christine Granville), qui a rejoint le réseau britannique Jockey de Francis Cammaerts et qui doit lui servir d'agent de liaison dans le Vercors.

La mission est chargée de l’instruction et de l’encadrement du maquis, et principalement, de l’aménagement d’un terrain d’atterrissage pour DC 3 sur le Plateau, en prévision de l’arrivée des avions alliés. La piste devait mesurer 1 100 mètres de long et 150 mètres de large et être orientée nord-est - sud-ouest dans l'axe du col de Vassieux. Les travaux consistaient à aplanir le sol et à déplacer une ligne électrique barrant l'axe d'approche des avions. Cette mission devait aussi consister à traduire, à l'usage de l'état-major de l'Air, les besoins aériens des maquis et à préparer sur place le "guidage" des avions. Paquebot était muni, à cet effet, d'appareils spéciaux comme le "S-Phone", qui permet d'établir une conversation entre le sol et un avion.
Pour mener à bien ces travaux d'aménagement, Jean Tournissa dispose d'une compagnie de travailleurs, composée de civils et de maquisards, dont l'effectif a varié au gré des circonstances. En effet, à la suite de la décision du PC du Vercors d’aménager un terrain d’atterrissage sur la plaine de Vassieux-en-Vercors - conformément à l’ordre d’Alger -, une compagnie de travailleurs fut constituée, sous la direction du capitaine Tournissa. Cette unité civile, d’environ une centaine de personnes, outre des résidents du massif du Vercors mobilisés à cet effet, comprenait douze étudiants et sept employés du lycée polonais de Villard-de-Lans, ainsi que des détenus, collaborateurs, miliciens faits prisonniers, incarcérés à la Chapelle-en-Vercors et amenés chaque jour sur le terrain.

Á la date du 11 juillet 1944, Paquebot informe le BCRA d'Alger que le terrain sera opérationnel sous quelques jours.

L’observation aérienne des Allemands décollant de l’aérodrome de Chabeuil, jamais bombardé en dépit des demandes réitérées du Vercors, leur permet de surveiller l’avancement des travaux.

Lors de sa réception au sol, Francis Billon se fracture la jambe droite. Transporté à l’hôpital du maquis, replié à la Grotte de la Luire, il sera abattu par les Allemands.

 

Pour en savoir plus :

Chronologie des dates, des hommes et des structures des services secrets (G. Giraud)

Les services secrets et les liaisons radio dans le Vercors (G. Giraud)

Les engagements militaires majeurs de juillet 1944 (Valchevrière) (G. Giraud)

Les combats de Vassieux-en-Vercors analysés au plan militaire (G. Giraud)


Auteur : Guy Giraud

Sources :

Jean-Louis Perquin, Les opérateurs radio clandestins, Histoire et Collections, 2011.

Jacques Soustelle, Envers et contre tout, d'Alger à Paris, souvenirs et documents sur la France libre, 1942-1944, Tome II, Paris, Robert Laffont, 1950, p. 409.

Fernand Rude, "Le dialogue Vercors-Alger" in Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 49, janvier 1963.

Contexte historique

Jean Tournissa est né à Pamiers (Ariège) le 11 août 1912. Il est le fils d'un lieutenant tué en 1914. Boursier de pilotage, il est breveté pilote à l'école Hanriot de Bourges sous le n° 24391 en date du 28 septembre 1934. Sorti de l'Ecole centrale de Paris avec le titre d'ingénieur, il suit les cours des élèves-officiers de réserve et fait son service militaire dans l'aviation. Fanatique de cette arme, il renonce à l'industrie et demande à être affecté dans l'aviation militaire comme officier. Il est nommé lieutenant le 20 décembre 1936. Quand la guerre éclate, il se trouve en Indochine, où il sert à l'escadrille n°1 à Bach Mai, puis à l'escadrille n°3 de tong qu'il commande de décembre 1939 à mars 1940. Il se porte volontaire pour rentrer en France et y arrive, comme capitaine, au moment de la débâcle.
Démobilisé, il s'inscrit, pour se camoufler, à la faculté de droit et, en 1942, alors qu'il allait avoir sa licence, il passe la frontière et se fait arrêter en Espagne, sous le faux nom de "Parson". Il est incarcéré plusieurs mois puis libéré sur intervention de l'ambassade américaine.

Il gagne alors l'Afrique du Nord, reprend du service dans l'armée française et entre au BCRA, sous le pseudonyme de Paquebot.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944, il est parachuté sur le terrain Taille-Crayon de Vassieux-en-Vercors, en tenue militaire. La mission dont il est porteur consiste en l'aménagement d'un terrain d'aviation où, en principe, les alliés doivent atterrir pour libérer une partie du territoire. Il trouve là Victor Boiron, entrepreneur de travaux publics, qui devient son collaborateur et avec qui il se lie d'amitié. Cette mission avait été annoncée par le message "Atarax grossit toujours", reçu par Robert Bennes, Bob, qui précisait : "Chef d'opération et chef de terrain : Bob. Réception de six agents, Mission Paquebot : capitaine Tournissa/Paquebot, chargé de préparer un terrain d'atterrissage à Vassieux pour avions Hudson, etc.". Dès son arrivée, J. Tournissa se présente au commandant F. Huet, Hervieux.

À la mi-juillet 1944, il rend compte à F. Huet que le terrain est opérationnel, mais le 21 juillet, les Allemands atterrissent en planeurs. De son PC, il se met en relation avec F. Huet par téléphone, le tient au courant des événements minute par minute. Son PC est attaqué pendant qu'il téléphone. J. Tournisa résume ainsi la situation : "Je lance des grenades dans le couloir." (F. Huet entend effectivement des éclats à l'autre bout de la ligne) et termine sur : "C'est fini, je saute."
En sautant par la fenêtre, il se blesse à la cheville (fracture ou entorse ?) et réussit à se cacher dans un tonneau que jouxte une mare. Il y reste caché toute la journée, assistant à la destruction de Vassieux-en-Vercors. Il met ensuite toute la nuit, en se traînant, pour rejoindre les bois proches. Epuisé, après avoir parcouru, blessé, une vingtaine de kilomètres à travers bois et sans autre ration durant quatre jours qu'une tablette de chocolat vitaminé dans la poche de sa vareuse, il est retrouvé par son ami Victor Boiron qui, arrêté, devait être fusillé par les Allemands. Il restera caché dans une grotte jusqu'au 15 août, où il se remet petit à petit.

Il retrouve ses camarades à La Baume-d'Hostun. Le 22 août, il est à Romans, lors de la première libération de la ville. Le dimanche 27, ils apprennent que les Allemands reviennent sur Romans. Ils quittent donc Romans et rejoignent La Baume-d'Hostun.
Le 28 août 1944, il part en mission à Grenoble pour une liaison avec les Américains, dont il parle la langue et V. Boiron l'accompagne. En rentrant en fin d'après-midi, ils apprennent que les Allemands sont sur la route de Saint-Nazaire-en-Royans, mais espèrent arriver à l'embranchement de La Baume. Arrivés en haut de la côte avant cet embranchement, leur voiture est attaquée. Avant qu'elle ne brûle, ils parviennent à se dégager et roulent jusqu'au bas du talus, dans les vignes. Jean Tournissa suggère alors que les hommes se séparent pour partir chacun de son côté. V. Boiron refuse de le quitter. C'est là qu'une rafale les emporte tous les deux, V. Boiron au bras, J. Tournissa à la nuque.


Auteur : Guy Giraud

Sources :

Paul Dreyfus, Vercors, Citadelle de Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, 364 p., (nouvelle édition De Borée, Histoire et Documents, 2014)

Sébastien Albertelli, Les services secrets du général de Gaulle, le BCRA (1940-1944), Paris, éd. Perrin, 2009, 617 p.

Le Vercors raconté par ceux qui l'ont vécu, Grenoble, ANPCVV, 1994 -"La mort du capitaine Paquebot et de Victor Boiron" - témoignage de Mme Tournissa, mère de Jean Tournissa, 1981, pp. 382-383.

Site Internet du Cercle aéronautique Louis Mouillard, consulté en 2016.

Site internet www.aerosteles.net, consulté en 2016.